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Le système économique des réfugiés : le modèle ougandais

Maize crops growing in Rwamwanja refugee settlement, Uganda Andy Wheatley/DFID
Dans le cadre du Projet d’innovation humanitaire de l’Université d’Oxford, qui étudie les moyens d’existence mis en place par les réfugiés et les demandeurs d’asile en Ouganda, l’équipe envoyée sur place a été impressionnée par l’ampleur et le niveau des initiatives réalisées. Les réfugiés sont propriétaires de cafés, marchands de légumes, producteurs et vendeurs de maïs, meuniers, restaurateurs, conducteurs de camions, marchands de tissus et de bijoux.

Le nombre de personnes déplacées dans le monde a aujourd’hui dépassé la barre des 50 millions et ne cesse d’augmenter. Le débat se cristallise autour des moyens d’existence de cette catégorie si nombreuse. Alexander Betts et son équipe ont voulu vérifier s’il était réaliste et politiquement acceptable d’encourager les réfugiés à être plus autonomes.

L’Ouganda a adopté une politique d’accueil relativement libérale pour ses 387 000 réfugiés et demandeurs d’asile qui, pour la plupart, fuient les violents conflits en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud. Il n’y a pas de camps de réfugiés à proprement parlé en Ouganda ; la plupart des déplacés vivent dans des sites d’installation prévus à cet effet où ils se voient allouer des parcelles de terre à cultiver. Les réfugiés peuvent néanmoins obtenir l’autorisation de vivre à l’extérieur de ces sites s’ils estiment pouvoir subvenir à leurs besoins. Kampala, en particulier, compte une population de réfugiés assez importante.

« L’Ouganda offre une image globalement positive, car les réfugiés ont le droit de travailler et bénéficient d’une grande liberté de circulation. Cela ne veut pas dire que c’est parfait, mais cela va assurément dans le sens des meilleures pratiques. Nous avons choisi cet exemple afin de montrer ce qu’il est possible de réaliser lorsque les réfugiés disposent de libertés économiques fondamentales. », a déclaré à IRIN M. Betts.

Son équipe a rencontré plus de 1 500 familles à Kampala et dans deux localités rurales ; Nakivale, dans le sud, et Kyangwali, à la frontière avec la RDC. Les familles sont enregistrées comme réfugiées auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), mais cela ne signifie pas qu’elles reçoivent toutes une aide humanitaire. À Kampala, 78 pour cent des familles de réfugiés n’ont pas l’aide du HCR, ni d’aucune autre organisation. Dans les sites d’installation, 17 pour cent des familles ne reçoivent aucune aide. Ensuite, il est peu probable que les personnes qui ont accès à l’aide alimentaire en dépendent entièrement, car le HCR fournit des rations sur une période de cinq ans maximum, sauf pour les réfugiés déclarés vulnérables.

Alors, que font les réfugiés pour vivre ? Ils cultivent, bien sûr, et pas seulement dans les localités rurales. Près de la moitié des réfugiés congolais, rwandais et sud-soudanais interrogés par les chercheurs cultivent leurs propres parcelles. D’autres sont ouvriers agricoles. Seuls les Somaliens n’ont montré que très peu d’intérêt, voire aucun, pour l’agriculture.

Pas uniquement de l’agriculture de subsistance

Les Ougandais qui achètent les récoltes se rendent régulièrement dans les sites d’installation et repartent avec des camions remplis de produits de Kyangwali, destinés au marché de la ville d’Hoima. Les chercheurs ont interrogé un commerçant d’Hoima qui a déclaré avoir acheté près de 500 tonnes de maïs et de haricots aux réfugiés l’an dernier, soit environ 60 pour cent de son stock. Il a vendu le maïs dans d’autres régions de l’Ouganda, mais aussi à l’extérieur du pays ; en Tanzanie et au Soudan du Sud.

Aujourd’hui, les agriculteurs de Kyangwali tentent de supprimer les intermédiaires en vendant directement leurs produits sur le marché, par le biais d’une coopérative de plus de 500 membres qui comprend des agriculteurs ougandais des villages locaux. La coopérative des agriculteurs progressistes de Kyangwali (Kyangwali Progressive Farmers) est une société de capitaux qui signe aujourd’hui des contrats pour vendre les produits directement aux industriels.

Les recherches ont révélé un deuxième réseau commercial étendu dans lequel les réfugiés occupent une place centrale. Dans l’exemple donné, des réfugiés congolais se consacrent au commerce de bijoux et de tissus imprimés appelés « bitenge ». Ils achètent à des grossistes ougandais à Kampala et revendent, non seulement dans les sites de réfugiés, mais aussi à des clients ougandais dans les villes voisines. Certains font également du commerce transfrontalier et exportent leurs marchandises au Kenya et au Soudan du Sud.

Le bilan qui en ressort est une économie très « connectée » où les réfugiés se servent de leurs réseaux de contacts, avec les autres réfugiés et leur pays d’origine, pour faire des affaires. Mais les réfugiés développent également des échanges commerciaux avec leurs voisins ougandais, travaillent dans des entreprises ougandaises et – lorsqu’ils prospèrent – créent des emplois, aussi bien pour leurs compatriotes que pour les membres de la communauté d’accueil.

Un modèle pour les autres pays ?

Le bilan est globalement positif, mais tous les pays n’accordent pas aux réfugiés une telle liberté économique. Les gouvernements craignent que les réfugiés ne rentrent pas chez eux s’ils gagnent bien leur vie là où ils sont. Pourtant, comme le dit M. Betts, le moment venu, il est beaucoup plus facile de rapatrier quelqu’un qui mène une vie remplie et active, et qui a acquis des compétences, que quelqu’un qui a passé des années à survivre grâce à des rations alimentaires dans un camp de réfugiés.

La réussite des réfugiés peut également provoquer le mécontentement des populations locales. La population ougandaise s’est montrée généralement tolérante, contrairement à celle du Kenya voisin où il a eu des réactions hostiles envers les réfugiés somaliens après la série d’attentats perpétrés par le groupe Al-Shabab. Des attaques terroristes ont également touché l’Ouganda, mais selon M. Betts, pour quelque raison que ce soit et contrairement au Kenya, les liens avec les réfugiés sont différents. D’après lui, c’est peut-être parce que la question des réfugiés au Kenya a fait l’objet d’une récupération politique à des fins électorales.

Ainsi, la situation en Ouganda dépend énormément du contexte local. Pour autant, M. Betts et son équipe sont convaincus que leur étude peut avoir des incidences dans d’autres pays sur la politique à l’égard des réfugiés, notamment dans la crise qui touche le Moyen-Orient. « La réponse classique est de créer des camps. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de le faire dans des pays comme le Liban. Le coût – le coût humain en termes de gaspillage de potentiel, ainsi que le risque de créer du ressentiment et de la frustration – est beaucoup trop élevé », a déclaré à IRIN M. Betts.

« Nous devons prendre conscience des contributions que peuvent apporter les réfugiés, au lieu de nous contenter de les mettre à l’écart dans des camps. Il faut commencer par reconnaître que le placement à long terme dans des camps n’est pas une solution et que les êtres humains sont capables d’accomplir beaucoup de choses par eux-mêmes quand ils en ont la possibilité. »

eb/cb-fc/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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