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La réduction des risques volcaniques en Indonésie

Mount Merapi is one of 130 active volcanoes in Indonesia Courtesy of Pelang Merah Indonesia
Les millions d’Indonésiens qui vivent près des quelque 130 volcans actifs que compte le pays se demandent sans arrêt s’ils doivent évacuer. Selon les experts, il faut développer la connaissance des volcans (« volcano cultures ») à l’aide de données récentes et de meneurs influents, afin de sauver plus de vies.

« Les communautés mettent en balance les risques d’éruption volcanique avec les avantages de vivre dans une région hautement fertile », a déclaré à IRIN Kate Crowley, conseillère pour la réduction des risques de catastrophes, de l’Organisation catholique pour le développement d’Outre-mer (CAFOD).

Selon Mme Crowley et d’autres experts, si certains signes d’alerte culturellement acceptés peuvent protéger les communautés présentes dans tout l’archipel, d’autres – comme la croyance en des rites qui apaiseraient les entités surnaturelles responsables des éruptions – peuvent aussi créer un faux sentiment de sécurité.

« Les communautés ont leurs propres systèmes d’alerte précoce fondés sur la tradition et les signes naturels, et [il peut leur être difficile] de croire en une surveillance scientifique », a affirmé Anat Prag, chargé de programme à Caritas, une organisation non gouvernementale humanitaire en Indonésie.

D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), plus de 76 000 personnes ont fui leurs maisons et plus de 200 000 ont été touchées par l’éruption du volcan Kelud en février sur l’île indonésienne densément peuplée de Java. Cependant, certains habitants ont refusé d’évacuer.

Le volcan Merapi, situé entre Yogyakarta et Java Centre, est le plus dangereux d’Indonésie. Tous les deux ou trois ans, ses éruptions rejettent des coulées pyroclastiques – un mélange de gaz sulfuriques à 815 degrés Celsius et de débris – qui dévalent les flancs du volcan jusqu’à 240 km/heure.

Plus d’un million de personnes vivent dans un rayon de 10 km autour du sommet, où ils risquent leur vie à tout moment. Depuis les années 1990, les éruptions du Merapi ont fait des centaines de morts.

Mais les volcans sont également un facteur d’attraction pour les agriculteurs. Le sol nourri par les cendres volcaniques est extrêmement fertile, ce qui pousse la population à s’installer sur les flancs des volcans ou à proximité. Les coulées pyroclastiques couvrent généralement un rayon de 10-15 km autour du sommet. Les projections sont plus violentes dans un rayon de 10 km.

Avec des éruptions régulières, le Merapi est aussi un terrain d’entraînement pour les interventions de secours – y compris les efforts pour contrebalancer le savoir local avec des mesures de protection techniques.

« Les systèmes de croyances qui concernent le Merapi ne sont pas encore intégrés à la réduction des risques. Si les gens ne comprennent pas… ce qui leur est dit, car cela n’a pas de sens pour eux, ils ne vont pas écouter et se feront tuer [par les éruptions] », a expliqué Mme Crowley.

Les limites de la connaissance locale

Beaucoup de communautés qui habitent à proximité du Merapi croient que des entités surnaturelles – ou « créatures » – vivent au sommet du volcan et contrôlent son activité. D’autres croyances poussent certaines personnes à observer des rites comme celui d’enterrer une tête de buffle près du sommet.

« Quand des gens disparaissent [d’autres habitants de la communauté] affirment qu’ils ont été enlevés par les créatures, qui les protègent des éruptions selon eux, ou [parce qu’ils] n’ont pas respecté les règles ou les tabous qui satisfont les entités », a expliqué Mme Crowley. Elle a coécrit un article en 2012 qui examine la compréhension locale des risques liés au Merapi et les stratégies « mises en place grâce à l’expérience acquise en côtoyant le danger… [qui] peuvent être transformées en stratégies d’adaptation pour les communautés exposées ».

« Les gens disent que les créatures vont les protéger. C’est une stratégie d’adaptation, car ils ont créé des règles ou des tabous issus de leur expérience ou des mythes à observer pour ne pas être tués. Certaines croyances sont bénéfiques et peuvent sauver des vies, mais d’autres rendent les communautés encore plus vulnérables », a-t-elle ajouté.

Les signes d’alerte

Les signes reconnus par la population locale sont : des panaches de fumée (des nuages de gaz chauds qui émanent du cratère), des tremblements de terre légers, la descente massive de singes des collines, ainsi que des orages accompagnés d’éclairs causés par l’émission de cendres dans l’atmosphère.

Mais selon les experts, cela ne représente qu’une partie des signes que les gens doivent prendre au sérieux pour assurer leur sécurité.

Ainsi, en 2006, les autorités avaient ordonné l’évacuation des habitants du village de Nargomulyio, situé à moins de 5 km du Merapi, car le volcan avait atteint le niveau d’alerte 5 (le plus élevé possible). Mais les habitants avaient refusé, expliquant qu’ils ne voyaient aucun des signes annonciateurs auxquels ils étaient habitués.

« Les habitants ont des liens spirituels si profonds avec le Merapi qu’ils pensent que le volcan va émettre des signes d’alerte évidents avant une éruption majeure », a déclaré M. Prag, de Caritas.

L’évacuation du bétail

Les gens qui vivent aux abords du Merapi sont agriculteurs ; pour beaucoup, les animaux représentent leur unique richesse. En cas d’évacuation, il faut tout laisser sur place et ils sont réticents à le faire.

« Ce sont des gens extrêmement pauvres et les seuls biens qu’ils possèdent sont leur terre, leur bétail et leur maison », a dit Mme Crowley.

« Si les villageois sont sûrs à 100 pour cent qu’en cas d’évacuation, leur terre ne sera pas cultivée et leurs vaches ne seront pas nourries, ils ne savent pas en revanche si le volcan va vraiment entrer en éruption, ni combien de temps cela peut durer. [Parfois, ils ne croient pas qu’il aura d’éruption] donc les gens prennent souvent le risque de rester », a-t-elle ajouté.

« Imaginez que votre seule source de richesse soit une vache attachée dans l’étable ; si votre vache meurt de faim, vous perdez absolument tout. »

Certaines organisations ont commencé à prendre en compte le problème des moyens de subsistance. « Les gens s’inquiètent pour leurs vaches et se demandent qui va [les] nourrir. Ils demandent si nous assumerons la responsabilité si leurs bêtes meurent parce qu’ils sont dans des abris et ne peuvent pas les nourrir », a dit Ahmad Husein, porte-parole de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) en Indonésie.

Il a expliqué que les personnes évacuées retournaient souvent dans leurs fermes pendant l’éruption pour nourrir le bétail, risquant ainsi leur vie.

Pour résoudre ce problème, le gouvernement a intégré en 2010 l’évacuation du bétail dans les plans d’urgence de plusieurs districts. Les vaches sont transportées par camion en même temps que les habitants, a expliqué Iskander Lehman, qui forme la population indonésienne aux Normes et directives pour l’aide d’urgence à l’élevage (LEGS) et à la Charte humanitaire et aux standards minimums de l’intervention humanitaire du projet Sphère.

« La difficulté était de trouver un centre d’évacuation adapté au bétail… le bon emplacement a [finalement] été choisi – en bas de la colline, là où sont rassemblées les familles », a déclaré M. Lehman. Il a précisé que les abris disposaient d’eau et de nourriture pour les bêtes, et que les familles pouvaient ainsi surveiller le bétail sans risquer leur vie.

« Les héros du volcan »

D’après les experts, il est important de former des meneurs afin d’encourager la population à évacuer.

En dépit des alertes précoces reçues par les habitants, ces derniers croient [parfois] être en sécurité si les chefs traditionnels ou communautaires de la région refusent d’évacuer », a expliqué M. Nugroho, citant comme exemple l’éruption du Merapi 2010, qui a fait plus de 300 morts et entraîné l’évacuation de centaines de milliers de personnes.

Cette année-là, certaines communautés qui vivaient à proximité du Merapi faisaient entièrement confiance à Mbah Maridjan, désigné « gardien » de la montagne par le sultan de Yogyakarta, un dirigeant politique et religieux influent. Quand M. Maridjan avait refusé d’évacuer malgré l’éruption, en disant qu’il préférait « mourir sur le volcan », cela a entraîné la mort d’une dizaine de personnes, selon un article de la presse locale.

Le gouvernement tente de lutter contre cette obstination à rester en formant des « héros du volcan » ; des meneurs dont la position sociale est susceptible d’influencer le comportement communautaire.

Selon la FICR, Bas Surono, directeur du Centre de volcanologie et de l’atténuation des catastrophes géologiques (PVMBG) du ministère de l’Énergie et des Ressources minérales, est en train de devenir l’une de ces personnalités influentes.

« Il sensibilise les gens sur le sujet à la télévision et à la radio, et son message est entendu, car il y a environ 70 millions de téléspectateurs et d’utilisateurs d’Internet en Indonésie », a déclaré M. Hussein. Grâce à l’influence de M. Surono, « quand les volcans se mettent à gronder, les gens commencent [désormais] à se préparer », a-t-il ajouté.

dm/kk/cb-fc/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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