D’après la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP), le nombre de personnes disparues en Irak se situe entre 250 000 et plus d’un million.
Les disparitions forcées ont commencé avec la guerre opposant l’Iran et l’Irak (1980-88) et n’ont pas cessé depuis. Selon le porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour l’Irak, Layal Houraniyeh, le fait qu’elles s’étendent sur une longue période rend le problème particulièrement complexe. L’ICMP considère la question des disparitions forcées en Irak comme « un véritable défi à long terme ».
L’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées définit la disparition forcée comme
« l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’Etat ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».
La Convention est entrée en vigueur le 23 décembre 2010. Trente jours auparavant, le 23 novembre, l’Irak était le 20e pays à la ratifier. La Convention prévoit que « nul ne sera soumis à une disparition forcée » et qu’« aucune circonstances exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée ». Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies considère par ailleurs que « la détention secrète constitue une disparition forcée ».
« Aucun endroit sûr »
Dirk Adriansens, spécialiste de l’Irak et membre du Brussels Tribunal, un mouvement anti-guerre international, s’intéresse à la question des disparitions forcées en Irak depuis 2003. M. Adriansens a donné une présentation lors d’une conférence organisée à Londres par le Comité international contre les disparitions (ICAD) du 9 au 12 décembre. Il a cité les résultats d’études publiées en 2009 par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) selon lesquelles 20 pour cent des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) et 5 pour cent des familles rapatriées avaient signalé des disparitions d’enfants.
Ces études indiquaient par ailleurs que « de nombreuses communautés signalaient la disparition de proches – 30 pour cent de PDIP, 30 pour cent de PDIP rapatriées, 27 pour cent de réfugiés rapatriés – en précisant que ceux-ci avaient probablement été victimes de kidnappings, d’enlèvements et de détentions et qu’ils ne savaient pas ce qui leur était arrivé », a-t-il dit.
« On peut ainsi estimer le nombre de personnes disparues après ‘Choc et stupeur’ [l’opération militaire organisée en 2003 par les États-Unis pour envahir l’Irak] parmi les réfugiés et les PDIP à 260 000. La plupart de ces cas peuvent être considérés comme des disparitions forcées », a ajouté M. Adriansens.
Il a également précisé que si l’on appliquait les chiffres du HCR à l’ensemble de la population irakienne qui n’a pas été déplacée, le nombre total de personnes disparues depuis 2003 « pourrait atteindre plus d’un demi million ».
Mme Al-Haidari, l’analyste basée en Jordanie, estime qu’il se situe plutôt entre 800 000 et un million. « Il n’y a aucun endroit sûr en Irak. Les gens disparaissent et sont envoyés dans des centres de détention secrets et illégaux quelque part dans le pays sans que la famille ou l’avocat de la personne ne soient informés », a dit Mme Al-Haidari. « Nombre d’entre eux finissent assassinés et sont enterrés en secret. D’autres font face à des accusations de terrorisme fabriquées de toutes pièces. »
Rapport d’Amnesty International
Selon un récent rapport d’Amnesty International, environ 30 000 personnes sont actuellement détenues sans procès dans les prisons irakiennes. Il est cependant impossible d’en connaître le nombre exact puisque les autorités ne divulguent pas ce genre d’information. Le rapport précise en outre que certaines d’entre elles sont détenus dans des établissements secrets où la torture est fréquemment employée.
Par ailleurs, 23 000 autres personnes détenues sans motif ou sans procès par les forces américaines sont actuellement transférées aux autorités irakiennes ou libérées. Amnesty International estime pourtant qu’« un État ne peut affirmer qu’il traite humainement ses détenus lorsque, en toute connaissance de cause, il les remet entre les mains de tortionnaires ; pas plus qu’il ne peut ‘libérer’ des prisonniers dans un champ de mine en déclarant qu’il n’est plus responsable de leur sécurité ».
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