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L'accès à la terre, toujours sensible pour certains rapatriés

En deux ans d’opérations de rapatriement volontaire des Mauritaniens réfugiés pendant deux décennies au Mali et au Sénégal, de nombreux rapatriés ont commencé à se réintégrer mais pour certains d’entre eux, le processus bute toujours sur quelques obstacles, comme l’épineuse question de l’accès à la terre.

Entre janvier 2008 et décembre 2009, date à laquelle les opérations de rapatriement volontaire organisé par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont pris fin, 18 793 Mauritaniens – soit 4 553 familles - ayant fui des violences intercommunautaires en 1989 ont choisi de rentrer, selon les chiffres de l’agence onusienne. En majorité, ils ont demandé à être réinstallés dans leur région d’origine.

En rentrant, les rapatriés ont reçu des aides du gouvernement, du HCR et d’autres organisations, pour recommencer une vie. Si dans l’ensemble la réintégration s’est faite en douceur, la question du retour à la terre reste dans certains cas un dossier sensible encore à régler.

A PK6, un site situé sur la route entre Rosso, la ville frontière avec le Sénégal dans le sud de la Mauritanie, et Nouakchott, la capitale mauritanienne, les rapatriés n’ont retrouvé ni leurs maisons, détruites au cours de leurs années d’exil, ni leurs terres. « Avant les événements [de 1989], on exploitait des terres en coopérative pour faire du riz, mais on n’a pas pu récupérer ces périmètres occupés par d’autres », a dit à IRIN Binta Sow, rentrée du Sénégal en 2008 et présidente du groupement des femmes de PK6. « On a fait des démarches auprès des autorités, on a eu des promesses mais jusqu’à maintenant, [ces terres] sont toujours entre les mains d’autres communautés ».

« Le retour [des rapatriés] doit s’inscrire dans une dynamique d’unité nationale. S’il générait des conflits, on aurait raté l’objectif du retour »
A Medina Salam, un village de cette même région du fleuve Sénégal, entièrement vidé de ses habitants en 1989 à l’exception d’une famille, les rapatriés rentrés depuis 2008 ont été accueillis à bras ouverts par d’anciens voisins déjà revenus au milieu des années 90 – dans le cadre d’un programme gouvernemental - mais la question des terres n’est pas résolue.

« Quand nous sommes arrivés [au milieu des années 90], le village était occupé [par d’autres communautés] », a raconté à IRIN Yacoub Diop, le chef du village, un ancien gendarme expulsé de son pays en 1989. « Nous avons demandé à récupérer notre village et nos terres : pour les maisons, il n’y a pas eu de problème, mais certains de nos périmètres de cultures [situés dans la zone très prisée du fleuve Sénégal] n’ont pas encore été libérés ».

Proposer des solutions

Tous ces problèmes, l’Agence nationale d’appui et d’insertion des réfugiés (ANAIR), l’organisme gouvernemental en charge des rapatriés, les connaît bien. « La Mauritanie n’est pas restée figée [depuis 1989] et aujourd’hui nous avons des situations conflictuelles parce que les terres [cultivées auparavant par les rapatriés] sont cultivées depuis 20 ans par d’autres communautés », a dit Madine Bâ, directeur de l’ANAIR.

L’ignorance des dispositions légales est un problème. « Au moment des expulsions, une loi foncière… a été mise en application », a dit M. Ndiawar Kane, consultant pour l’ANAIR et lui-même ancien réfugié, revenu au pays en 1996.

Le décret d’application de cette ‘Ordonnance portant réorganisation foncière et domaniale’, votée en 1983, a été publié en 1990 puis révisé en 2000. L’ordonnance stipule que « la terre appartient à la Nation » et le décret reprécise que « sont considérées comme faisant partie du domaine des personnes privées et protégées en tant que telles les terres mises en valeur par ces dernières ».

In PK6, a returnees site located near the Mauritania-Senegal border town of Rosso, Southern Mauritania, communities have been received some land plots to grow food
Photo: Anne Isabelle Leclercq/IRIN
A PK6 près de Rosso, dans le sud de la Mauritanie, les communautés de rapatriés cultivent ensemble les lopins de terre qui leur ont été attribués à leur retour
« Mais les populations, y compris celles qui n’ont pas été expulsées, et parfois même l’administration, ignorent cette loi », a dit M. Kane. « Les gens sont de bonne volonté, mais ils ne comprennent pas qu’on leur arrache les terres de leurs grands-parents ».

L’ANAIR a commandé une étude destinée à recenser tous les cas litigieux, avec pour objectif de proposer des solutions. « Là où la restitution des terres est possible, on les rend. Là où ce n’est pas possible, on propose un système de compensation », a expliqué M. Bâ.

Une compensation qui peut prendre la forme de l’attribution d’autres terres, comme cela a été le cas pour Sadio Mbaye, rentrée avec son mari et leurs trois enfants à Medina Salam par le premier convoi du HCR en janvier 2008. « La famille de mon mari avait des terres exploitables [avant 1989] mais elle n’a pas pu les récupérer », a expliqué la jeune femme de 30 ans. « Les autorités ont proposé d’attribuer d’autres terres à côté du village : ce n’était pas les mêmes, mais on a quand même accepté parce qu’on voulait vraiment résoudre ce problème ».

Dans le dernier cas de figure, là où ni la restitution ni la compensation ne sont possibles, « on essaye malgré tout au maximum d’éviter d’aller en justice », a expliqué M. Bâ.

Tout ce processus est long et délicat car en l’absence d’un véritable registre foncier, régler les litiges revient souvent à aller dans les villages se rendre compte de la situation et à maintenir un dialogue permanent entre les différents acteurs impliqués, a noté Anne-Marie Deutschlander-Roggia, représentante du HCR en Mauritanie.

Mais l’enjeu est de taille, a rappelé M. Bâ. « Le retour [des rapatriés] doit s’inscrire dans une dynamique d’unité nationale. S’il générait des conflits, on aurait raté l’objectif du retour ».

En dépit d’un certain nombre de litiges restant à régler, les autorités mauritaniennes se veulent optimistes, soulignant que la disponibilité des terres ne devrait pas être un problème dans cet immense pays de plus d’un million de kilomètres carrés, bien qu’il soit en grande majorité désertique.

« La Mauritanie dispose d’environ 140 000 hectares de terres cultivables, dont seulement 30 000 ont été aménagés et 15 000 sont exploités », a dit M. Bâ. « Donc si on veut des terres, on en trouve ».

ail/

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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