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Pas de saisons pour la malnutrition à Nouakchott

Au centre de santé de Dar Naim, un quartier populaire de Nouakchott, le bâtiment qui accueille les enfants souffrant de malnutrition ne désemplit pas : contrairement aux régions rurales où les saisons et les récoltes ont une influence sur les pics de malnutrition, dans la capitale, ce phénomène est relativement constant tout au long de l’année.

La dernière enquête nutritionnelle menée par le ministère de la Santé et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), selon la méthodologie SMART en juillet, pour évaluer la situation nutritionnelle des enfants en période de soudure, a révélé que trois régions du pays (Sud-Est, Sud et Centre) enregistraient des taux de malnutrition aigue globale (GAM, en anglais) élevés, jusqu’à 19,2 pour cent dans le Centre – bien au-delà du seuil de 15 pour cent fixé par l’Organisation mondiale de la santé pour définir une situation grave nécessitant des interventions d’urgence.

Dans ces zones rurales, les causes de la malnutrition sont généralement multiples, a noté le docteur Mohamed Moustapha Kane, chef du service nutrition au ministère de la Santé.

Au-delà de la pauvreté qui frappe l’ensemble du pays – plus de 46 pour cent de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon les Nations Unies - et de la période de soudure, traditionnellement difficile, ces zones « sont des régions agropastorales, mais tout le monde n’a pas de [bétail ou de terres]. Il y a également l’ignorance des débouchées et des [bonnes pratiques nutritionnelles], l’enclavement et le manque d’infrastructures : accès à la santé, l’eau potable ou [l’hygiène] ».

Le taux de GAM est beaucoup moins élevé à Nouakchott que dans ces régions, avec 7,9 pour cent, selon l’enquête SMART de juillet 2009. Mais à la différence des zones rurales, les saisons ont peu d’influence sur le phénomène dans la capitale : l’enquête SMART de décembre 2008, en période post-récoltes, a révélé un taux de 5,9 pour cent à Nouakchott. En comparaison, ce taux était de 11,9 pour cent dans la région Centre.

Quelque soit la période de l’année, le problème de la disponibilité des denrées alimentaires ne se pose pas en milieu urbain, ont noté plusieurs acteurs. D’après Nené Koné, qui s’occupe de la malnutrition des enfants au centre de santé de Dar Naim depuis 1991, c’est le manque de moyens qui explique en grande partie la perpétuation de ce problème à Nouakchott.

Lorsque les mères arrivent au centre avec leurs enfants, « le principal problème qui revient c’est la grande pauvreté », a dit Mme Koné à IRIN. « Si la maman a faim parce qu’elle n’a pas mangé, elle n’a pas de lait [pour allaiter] ».

Tahya Sidiekhreye, in her 50s, with her grand-son who suffers from severe malnutrition and is taken care of at the Dar Naim health centre, a suburb of the Mauritania capital, Nouakchott
Photo: Anne-Isabelle Leclercq/IRIN
Tahya Sidiekhreye prend soin de son petit-fils âgé de 15 mois, qui souffre de malnutrition sévère
« Les familles sont très endettées, toute l’année », a ajouté Isabel Marco, de l’ordre des Filles de la charité, qui soutient le centre. Et l’explosion du prix des denrées alimentaires sur le marché mondial en 2008 a aggravé la situation des ménages urbains qui ne produisent pas et doivent tout acheter : les 25 litres de lait se sont vendus jusqu’à 35 000 ouguiyas (134 dollars), contre 53 dollars en 2004, a rappelé Mme Marco. Ils coûtent aujourd’hui 24 000 ouguiyas (92 dollars) – soit l’équivalent du revenu minimum mensuel dans un pays où « culturellement, on boit beaucoup de lait ».

La malnutrition des enfants en milieu urbain est également liée à la dégradation de la situation économique de la majorité des Mauritaniens au cours des dernières décennies : Tahya Sidiekhreye, âgée d’une cinquantaine d’années, a élevé « plusieurs » enfants, elle est arrivée au centre de Dar Naim début octobre avec son petit-fils, âgé de 15 mois, qui souffrait de malnutrition aigue sévère.

« Je n’ai jamais eu ces problèmes avec mes enfants : avec mon mari, on a toujours réussi à se débrouiller [pour les nourrir], mais maintenant, c’est trop difficile », a-t-elle dit. « Cela fait quatre mois que [mon petit-fils] est malade et je n’ai pas les moyens de le soigner. [Sa mère] ne travaille pas, son père est chômeur, ils ne peuvent pas s’en occuper ».

Si c’est elle qui s’occupe de son petit-fils, c’est aussi parce que sa fille ne sait pas faire, a-t-elle dit : la mère de l’enfant a 15 ans. Le manque de connaissances nutritionnelles, lorsque la mère manque de lait et ne peut pas allaiter, et, dans le cas du milieu urbain notamment, l’évolution des pratiques, favorisent également la malnutrition, ont noté plusieurs acteurs.

« L’allaitement était très valorisé socialement par le passé, mais il y a un phénomène de mode [qui consiste à] donner du lait de substitution », a dit à IRIN Brahim Ould Isselmou, chargé de communication à l’UNICEF. Au-delà du coût élevé de cette pratique – une boîte de lait maternisé est vendue environ 1 600 ouguiyas (six dollars) pour cinq jours –, cela perturbe les habitudes. « Au bout de quelques mois, les mamans sont désorientées et on peut en voir qui donnent de la viande à des bébés de six mois ».

Même s’il est plus facile d’accéder aux services de santé en milieu urbain qu’en milieu rural, la qualité de la prise en charge de la malnutrition n’est pas pour autant garantie partout, comme Mme Sidiekhreye en a fait l’expérience : avant de finalement franchir la porte du centre de santé de Dar Naim et de pouvoir y faire soigner son petit-fils, elle a commencé par consulter un médecin privé qui l’a référée à un hôpital, l’enfant présentant des signes inquiétants. « Il vomissait beaucoup, il était déshydraté, mais ils ne l’ont pas hospitalisé : ils m’ont fait une ordonnance pour du [paracétamol] et m’ont renvoyée, c’est tout », a-t-elle raconté.

Pour harmoniser la prise en charge de la malnutrition et tenter de remédier entre autres à ces problèmes de qualité des soins, les autorités ont élaboré en 2007 un protocole national, auquel tous les centres sont censés, petit à petit, se conformer, et qui institue la standardisation des modes de mesures, référence, prise en charge et suivi de la malnutrition. Comme dans d’autres centres, les personnels de Dar Naim sont actuellement formés à ce protocole, avec le soutien de l’UNICEF.

ail/

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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