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Les services sanitaires en mauvaise santé

Seuls quelques lits sont occupés à l’hôpital de Gabu, une ville grouillante d’activités située dans l’est de la Guinée-Bissau, à proximité de la frontière guinéenne. Les habitants de Gabu ne sont pas particulièrement en bonne santé, le paludisme, la malnutrition, le choléra, la tuberculose et le sida ravagent l’ensemble de la population de la Guinée-Bissau, l’un des cinq pays les plus pauvres au monde. «La population ne se rend pas à l’hôpital parce qu’il n’y a rien, elle doit tout acheter», a expliqué Kalifo Djallo, le chef de la région ou regulo, en portugais. Lorsque l’équipe de PlusNews s’est rendue à l’hôpital de Gabu, les seuls patients hospitalisés étaient un jeune homme qui s’était fait mordre par un cobra et un autre qui était atteint de neuropaludisme. Le service pédiatrie accueillait, quant à lui, un bébé gravement brûlé et deux autres souffrant de diarrhée. Les patients hospitalisés doivent apporter leurs propres draps et nourriture. Hormis quelques médicaments de base, la plupart doit être achetée à la pharmacie du coin. Lorsque l’état de santé d’un patient requiert des soins permanents, un membre de la famille doit venir à l’hôpital pour veiller sur lui. Le toit fuit, les WC sont bouchés, les coupures d’eau et d’électricité sont courantes. Les déplacements posent un autre problème. Lors de la saison des pluies, les pistes deviennent vite impraticables -- entre le moment de la morsure et celui de l’hospitalisation, le pied de l’homme était déjà gangrené. L’hôpital de Gabu ne fait pas figure d’exception : à Bafata, la deuxième plus grande ville de la Guinée-Bissau, située à une centaine de kilomètres de la capitale, la situation est bien pire. Après Bissau, la capitale, les villes de Gabu et de Bafata affichent les taux de prévalence du VIH-1 les plus élevés du pays, des taux qui s’élèvent respectivement à 3,9 et 5,8 pour cent. Le taux de prévalence du VIH-2, moins virulent, enregistré dans ces deux villes, atteint les trois pour cent. Pourtant, l’état des services sanitaires rend compte du passé postcolonial de la Guinée Bissau, marqué par l’instabilité politique et le manque d’investissement dans les secteurs sociaux. «Sous la colonisation portugaise, les services de santé étaient gratuits et les transports depuis les villages assurés», a rappelé Alahadi Serifo Baldé, un regulo âgé de 82 ans. «Aujourd’hui, les gens meurent à l’hôpital car ils n’ont pas les moyens de payer les soins», a-t-il ajouté. Les bâtiments en décrépitude, recouvert d’une peinture rose et ocre écaillée, sont à l’image du moral des employés, à peine mieux lotis que leurs patients et démotivés par des décennies de bas salaires. Après 18 années de service, un membre de la direction de l’hôpital de Gabu, qui a requis l’anonymat, a affirmé gagner 48 000 CFA (soit 96 dollars américains) par mois – un salaire qui n’a pas été versé depuis trois mois.
Map of Guinea-Bissau
L’hôpital de Bafata est dans une bien pire situation que celui de Gabu, où tout est à la charge des patients
Cependant, la passion l’emporte parfois. «Je suis désolée, mais je ne peux pas vous accueillir avec un grand sourire, car les muscles de mon visage sont fatigués», a déclaré la sage-femme Salima Tutoré. Salima Tutoré nettoie elle-même les sécrétions du nouveau-né lorsqu’il y a des complications à l’accouchement : elle aspire, crache puis masse la poitrine du bébé jusqu’à qu’il respire, enfin. «J’ai l’impression de gagner un million lorsque je sauve un bébé», a confié Salima Tuturé, une femme veuve avec deux enfants. «Le nouveau-né pleure et la sage-femme sourit, c’est pour cela que j’ai fait des études, pour sauver des vies.» Des risques d’infection au VIH qui pèsent surtout sur le personnel Pourtant, elle s’inquiète des risques d’infection au VIH, étant en permanence en contact avec les fluides corporels des patients : les moyens de protection sont rudimentaires, les blouses sont fabriquées dans des sacs plastiques, les gants sont lavés puis séchés à l’air libre. «J’ai peur de me faire dépister car je cours tellement de risques dans ma vie professionnelle», a expliqué Salima Tuturé. «La vie est dure pour une sage-femme, sans protection ni équipement et avec peu d’argent.» La maternité est équipée de seulement huit spéculums «qui datent du temps des Russes», alors qu’entre 80 et 90 naissances sont enregistrées chaque semaine dans une région qui abrite 200 000 habitants. La stérilisation du matériel se fait la plupart du temps par le feu. Le soir à Gabu, l’électricité ne fonctionne qu’entre 19 heures et minuit. Les outils nécessaires pour extraire les bébés lors des complications de l’accouchement sont hors d’usage depuis longtemps. «C’est la raison pour laquelle nous faisons autant de césariennes», a expliqué Salima Tutoré. Les bébés prématurés sont enveloppés dans du coton et dans un linge puis remis à leur mère qui les porte jusqu’à ce qu’ils survivent -- ou meurent. Augusto Djada est anesthésiste, il a étudié à Cuba et cela fait 18 ans qu’il travaille à Gabu. Au bloc opératoire, seules trois ampoules du plafonnier sur six fonctionnent, par conséquent, il doit se servir d’une lampe de bureau qui chauffe rapidement. En ville, les médecins ne sont pas suffisamment équipés pour aborder avec leurs patients les questions liées au VIH. En l’absence de protocole et de formation sur le dépistage et le conseil, ils sont réticents à l’idée d’en parler. Compte tenu de la guerre civile de 1998-1999 et de l’instabilité politique qui a suivi, le gouvernement a tardé à mettre en place une réponse nationale de lutte contre le VIH/SIDA qui soit efficace. Ainsi, à l’heure actuelle, moins d’une centaine de patients suit un traitement antirétroviral (ARV), les centres de conseil, de dépistage et de traitement n’étant disponibles qu’à Bissau. Les séances de formation destinées aux professionnels de la santé n’ont été proposées que récemment et en nombre limité. Catarina Baio, une infirmière angolaise, coordonne les activités de Cida-Alternag, un centre communautaire de lutte contre le sida basé à Bissau. «Même nous, le personnel sanitaire, n’avons pas toujours conscience des risques [d’infection] que nous courons.» Le personnel sanitaire des hôpitaux régionaux, qui travaille loin de la capitale, des ONG et des agences de développement, n’est pas pris en charge par le gouvernement. «Je ne les vois jamais aux séances de formation», a ajouté Catarina Baio. Gabu ne dispose d’aucun centre de dépistage et les médecins ne peuvent que suggérer à leurs malades de se rendre à la capitale, située à trois heures de route, où ils ne sont pas sûrs de trouver de l’aide. Du coup, ils préfèrent se taire.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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