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Climat de méfiance au Liban, alors que le procès s’ouvre à la Haye

Beirut skyline. For generic use Austin Evan/Flickr
Le climat est à l’inquiétude au Liban ; fin décembre, l’ancien ministre des Finances et au moins quatre autres personnes ont trouvé la mort dans un attentat survenu à Beyrouth, la capitale. Quelques jours plus tard, le 2 janvier, une explosion à la voiture piégée a fait cinq victimes dans la banlieue sud de la ville.

Ces attentats ne sont pas les premiers perpétrés dans le pays, mais ils laissent penser que 2014 pourrait être une autre année difficile pour le petit État méditerranéen qui s’efforce de maintenir une paix fragile.

Le Liban est, à bien des égards, le prisonnier d’enjeux régionaux qui le dépassent ; la guerre civile qui secoue la Syrie voisine attise les tensions nationales, tandis que la polarisation politique et religieuse observée au Moyen-Orient a des répercussions dans cet État empreint de diversité religieuse. La paralysie politique guette le pays qui n’a plus de gouvernement depuis mars 2013, alors que des négociations pour l’instant infructueuses ont commencé entre les deux factions rivales – l’Alliance du 14-mars et l’Alliance du 8-mars.

Dans ce contexte, il est compréhensible que les Libanais préfèrent éviter tout ce qui pourrait contribuer à l’exacerbation du conflit. Le procès qui commence ce jeudi devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) pourrait être cet élément déclencheur.

Le TSL est un organe international chargé d’identifier les responsables du terrible attentat à la voiture piégée qui a tué l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et 22 autres personnes en 2005. Près de dix ans après ces assassinats, un procès va s’ouvrir à La Haye devant le premier tribunal international à traiter spécifiquement du terrorisme.

Si le Liban est prisonnier, les quatre suspects sont libres ; ils seront jugés par défaut. L’État n’a pas réussi à les arrêter, alors même qu’il est avéré qu’ils se trouvent toujours dans le pays.

Les quatre accusés sont membres du Hezbollah – l’un des principaux partis politiques du pays, qui dispose également d’une puissante branche militaire – qui est soupçonné de les protéger. L’Alliance du 8-mars, menée par le Hezbollah, ne reconnait pas la légitimité du procès et soutient qu’une institution internationale ne devrait pas juger les assassinats. Son rival, l’Alliance du 14-mars est emmenée par Saad Hariri, le fils de Rafic Hariri. Elle a apporté son soutien au TSL et a appelé au désarmement du Hezbollah.

Le procès représente l’une des questions politiques les plus importantes et les plus explosives au Liban. « Le TSL est devenu l’axe autour duquel la politique libanaise s’organise », a dit Samer Abboud, professeur adjoint en études internationales à Arcadia University, qui n’a de cesse de dénoncer ce procès.

« L’Alliance du 14-mars y est favorable, alors même que son illégitimité a été prouvée, y compris avec [les allégations de] faux témoignages », a dit M. Abboud. « Cela a forcé [le 8-mars] à attaquer ce qu’ils considèrent comme un processus politique injuste au service d’intérêts géopolitiques nationaux et régionaux et de la déstabilisation du Hezbollah ».

Karim Makdisi, professeur agrégé d’études politiques à l’université américaine de Beyrouth, a convenu que le procès était devenu politique et que les idéaux initialement positifs du TSL avaient été ternis par des années de luttes intestines.

« Le TSL est deux choses à la fois. En principe, s’il avait agi correctement, il aurait fait l’unanimité dans le pays – la fin de l’impunité, une forme de responsabilisation et un signal montrant que les morts ont de l’importance », a-t-il dit.

« L’autre version est la version plus politisée, qui refait surface régulièrement pour renforcer son influence politique sur le camp opposé jusqu’à ce qu’un accord de compromis soit trouvé ».
La grande majorité des Libanais, a-t-il ajouté, avait déjà un avis sur la culpabilité des accusés.

Les dangers abondent

La plus grande inquiétude est de savoir si le procès entraînera un renforcement de la polarisation politique et, peut-être, un regain de violence. Même les personnes favorables à la tenue du procès reconnaissent qu’il pourrait exacerber les tensions.

Bassem al-Shab, un député du Courant du futur de M. Hariri, pense que le procès est important, car c’est « l’un des derniers instruments internationaux importants de soutien à la légitimité [de l’État libanais] ». Mais il reconnait qu’il pourrait donner lieu à de nouvelles violences. « Lorsque l’accusation devra exposer ses arguments dans toute leur complexité, je pense que cela provoquera davantage de tensions. S’il n’y a toujours pas de gouvernement, alors je pense que le [TSL] jettera de l’huile sur le feu ».

M. Abboud pense qu’un verdict de culpabilité prononcé à l’encontre des accusés ne provoquera pas nécessairement davantage de violences, mais que des tentatives sérieuses pour les arrêter pourraient en déclencher.

Les forces du Hezbollah ont pris Beyrouth d’assaut en mai 2008 après que le gouvernement du 14 mars a essayé de démanteler le réseau de télécommunications privé du parti. Des dizaines de personnes ont trouvé la mort au cours de ces affrontements. M. Abboud craint qu’une situation similaire ne se reproduise si le parti est menacé.

« Toute tentative d’appréhender les suspects ou d’interdire le Hezbollah en tant que parti politique conduira à une situation identique à celle de mai 2008. C’est le pire des scénarios », a-t-il dit.

D’autres observateurs ont évoqué plusieurs possibilités, y compris le renforcement des sanctions contre le Hezbollah, considéré par les États-Unis et d’autres États comme un groupe terroriste.

Influence extérieure


Aucun verdict n’est attendu dans un futur proche. Le TSL doit passer par quatre étapes – enquête, inculpation, procédures et appel. Shafic Masri, professeur de droit international qui a beaucoup écrit sur le TSL, dit qu’il faudra plusieurs mois pour entendre les centaines de témoins et que les appels à venir pourraient prendre plusieurs années. « Les procédures des tribunaux internationaux prennent du temps, car il faut du temps à la défense pour exposer les mérites du dossier », a-t-il dit.

Le Liban étant prisonnier des enjeux régionaux, la clé qui permettra de réduire les tensions viendra peut-être de l’extérieur.

Le principal allier du Hezbollah dans la région est l’Iran, qui lui fournit une grande partie de ses armes. L’Iran s’est rapproché des États-Unis au cours de ces derniers mois, suite à l’élection du président modéré Hassan Rohani ; les analystes pensent qu’un accord plus large au niveau régional pourrait permettre au Liban d’éviter de nouvelles violences.

« Je pense que le facteur qui déterminera s’il va [provoquer davantage de violences] est un accord régional », a dit M. Makdisi.

« Si les Iraniens, les Américains et d’autres trouvent un accord, la situation se calmera un peu. Mais s’il y a toujours des divisions importantes dans le pays et dans la région, alors il sera pris beaucoup plus au sérieux ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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