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Les victimes de violence peinent à se faire soigner en Irak

Ilham Nouri Wahid was injured in a bomb blast in Kirkuk's al-Quds mosque in October. He said he did not receive adequate care for the wounds on his arm and legs or for his bruised back. Iraq's healthcare system is still struggling to recover from decades Cathy Otten/IRIN
Les hôpitaux irakiens manquent encore de matériel
Les yeux d'Ilham Nori Wahid se remplissent de larmes lorsqu'il évoque l'attentat à la bombe dans lequel il a été blessé, et qui a coûté la vie à ses amis et ses voisins dans la province de Kirkouk, au nord de l'Irak.

« La détonation a été si violente que je n'ai plus entendu pendant les trois jours qui ont suivi. Il y avait cinq personnes en face de moi et toutes ont été tuées ».

L'explosion a eu lieu à la sortie de la mosquée Al-Quds, le premier jour de la fête musulmane de l'Aïd al-Adha. M. Wahid a survécu, mais il doit faire face à ses cicatrices physiques et psychologiques dans un pays où la violence a atteint son paroxysme en cinq ans, et où le système de santé peine à répondre aux besoins des patients.

Selon l'Iraq Body Count, plus de 135 000 civils irakiens auraient été blessés dans le conflit et la violence entre mars 2003 et mars 2013, mais le ministère irakien des Droits de l'homme évoquait 250 000 blessés en mai 2012. Pour ce qui va de l'année 2013, l'Agence France-Presse estime à près de 15 000 le nombre d'Irakiens blessés dans les violences.

« J'ai eu de la chance », a dit M. Wahid à IRIN. « Les éclats d'obus dans ma main et mon pied sont ressortis, alors ils n'ont pas eu à opérer. Mais je ne pense pas que le traitement général [à l'hôpital] ait été très bon, et à cause de ça, ma blessure mettra longtemps à guérir ». Il a reçu des antalgiques pour seule médication.

Tandis qu'il parlait, son neveu a changé le bandage de son bras. Il présente également des blessures aux jambes et aux pieds à cause des débris volants, et ses vertèbres sont contusionnées là où la violence de l'explosion l'a projeté contre le mur de la mosquée.

Défis

Le système de santé irakien était déjà fragile du fait des sanctions internationales héritées de la première guerre du Golfe en 1991, et le niveau des soins de santé s'est encore effondré avec l'invasion américaine de 2003.

La situation s'est améliorée depuis, en partie grâce à la revalorisation du budget alloué à la santé ces dix dernières années, mais des défis de taille restent à relever.

(Se référer à la série d'IRIN L'Irak 10 ans après, pour notre analyse sur l'impact de l'invasion sur le système de santé en Irak).

À la suite des intenses violences sectaires qui ont secoué tout l'Irak entre 2006 et 2008, l'organisation caritative médicale Médecins sans frontières (MSF) a dit en 2009 que le système de santé irakien était incapable de fournir aux « patients gravement blessés et mutilés » les soins nécessaires à leur rétablissement en raison du « manque de moyens et des conditions nécessaires ».

Les infrastructures de santé « peinent encore à se relever, en dépit de ressources financières suffisantes, du fait d'un manque de savoir-faire et de stratégie », a noté la revue médicale britannique The Lancet dans l'article Health Services in Iraq (Le système de santé en Irak), paru plus tôt cette année. Avec la poursuite des violences sectaires, « même les meilleurs plans sont difficiles à mettre en ouvre », ont ajouté les auteurs Thamer Kadum Al Hilfi, Riyadh Lafta et Gilbert Burnham.

Les patients blessés qu'IRIN a interrogés dans tout le pays ont dit que les hôpitaux publics ne disposaient pas de l'équipement ni des médicaments nécessaires pour soigner leurs blessures - essentiellement des membres amputés et des blessures par éclats d'obus.

« Le matériel est vieux et nous n'avons pas les nouvelles installations dont nous avons besoin, car elles sont très chères », dit Ahmed Abeid, neurochirurgien à Bagdad, la capitale. Les hôpitaux sont équipés pour les urgences traumatologiques, mais pas pour les opérations chirurgicales plus complexes nécessitant du matériel plus sophistiqué, a-t-il ajouté.

Équipement et capacité

De nombreux survivants bataillent pour s'offrir des soins et des médecins privés en Irak, ou partent se faire soigner dans les pays voisins lorsque les infrastructures et les services de santé publics locaux s'avèrent inadaptés.

« Chaque fois que je repense à l'attentat je me mets à pleurer, et chaque fois que je vais à la mosquée je me sens mal. Nous tous qui avons été blessés dans le même attentat - nous devons être soignés pour ça »
Faiza Abbas a dû vendre sa voiture pour collecter les 12 000 dollars nécessaires à sa prise en charge en hôpital privé. En 2007, des soldats américains lui ont tiré dessus pour avoir grillé accidentellement un panneau Stop à un barrage routier : une balle lui a arraché l'épaule, des éclats d'obus lui ont transpercé la joue, son tympan gauche a été déchiré et des éclats de vitre de sa voiture lui sont entrés dans l'oil.

« On m'a opérée [l'oil] trois fois à l'hôpital public [gratuit] et ça n'a rien arrangé [.] Il existe des outils pour retirer les petits morceaux de verre, mais ils ne les ont pas à l'hôpital public. Ils n'ont pas les outils qu'il leur faut pour travailler - c'est ça leur problème ».

Le ministère de la Santé n'a pas donné suite à la demande d'entretien d'IRIN. Mais à Kirkouk - l'une des villes les plus dangereuses d'Irak - Daylan Ahmed, un cancérologue travaillant au centre hospitalier universitaire Azadi, a dit que les installations étaient adaptées et que les patients allaient se faire soigner ailleurs uniquement en raison du manque de sécurité.

Le système de santé irakien s'est amélioré, convient MSF, mais des lacunes subsistent. L'ONG propose aux blessés irakiens de la chirurgie reconstructrice, un soutien psychologique et un suivi psychothérapeutique de l'autre côté de la frontière, en Jordanie.

« Certaines cliniques privées pratiquent la chirurgie reconstructrice près de Bagdad, mais c'est cher », et d'autres traitements comme la psychothérapie manquent encore, a dit à IRIN Marc Schakal, directeur de la mission MSF en Irak et en Jordanie.

Il a également pointé du doigt la pénurie générale de chirurgiens pratiquant la reconstruction. Dans certains hôpitaux, a-t-il ajouté, la gestion et la bureaucratie, les problèmes administratifs et l'incapacité à fournir des services de soutien secondaires (par ex. blanchisserie, restauration), restent problématiques.

MSF cherche à développer des partenariats avec des infrastructures de santé locales pour permettre à davantage de patients de se faire soigner en Irak.

Dépenses

En Irak, les dépenses en matière de santé sont passées de 3,6 pour cent du PIB en 2003 à 8,3 pour cent en 2011 selon les chiffres de la Banque mondiale. Mais l'Unité commune d'analyse et de politique des Nations Unies (Joint Analysis and Policy Unit, JAPU) note que le budget 2013 alloué aux secteurs de développement comme la santé est insuffisant par rapport aux besoins du pays.

En 2013, le budget d'investissement total alloué à l'éducation, la santé et l'environnement, la culture et la jeunesse et l'eau et l'assainissement s'élève à 6,5 trillions de dinars irakiens (5,6 milliards de dollars US) « soit à peine 50 pour cent du budget d'investissement du secteur de l'énergie », annonce la JAPU dans un article de fond. En 2011, le gouvernement irakien n'a dépensé que 58 pour cent de son budget de santé, a souligné la JAPU.

Fuite des cerveaux

L'important phénomène de migration touchant le personnel de santé irakien a été qualifié de fuite des cerveaux. Un rapport du Comité international de la Croix-Rouge citant des sources officielles irakiennes a dit que sur les 34 000 médecins enregistrés en Irak en 1990, 20 000 avaient fui le pays en 2007 ; 2 200 autres ont été tués et 250 kidnappés entre 2003 et 2007.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a rapporté que le nombre de médecins en 2011 était de 7,8 pour 10 000 habitants - un ratio bien inférieur à celui des pays voisins comme la Jordanie ou le Liban.

La migration interne des professionnels de santé vers des zones plus sûres comme le Kurdistan, au nord, signifie que les régions les moins sûres - celles-là mêmes qui ont le plus besoin de praticiens qualifiés - sont celles qui en comptent le moins, ce qui ne fait qu'aggraver le problème.

En zones rurales, le manque de fiabilité de la fourniture en eau et en électricité, associé à la pénurie de matériel et de compétences, rend la prise en charge des patients encore plus difficile.

Impact psychologique

Le personnel des hôpitaux et les patients se plaignent de l'absence de traitement psychologique à long terme.

« Mon problème ce n'est pas ma blessure ; j'ai des problèmes psychologiques », a dit M. Wahid. « Chaque fois que je repense à l'attentat je me mets à pleurer, et chaque fois que je vais à la mosquée je me sens mal. Nous tous qui avons été blessés dans le même attentat - nous devons être soignés pour ça ».

L'OMS estime que 35,5 pour cent de la population souffrait de troubles psychiques en 2009 ; et que seules 6 pour cent des personnes touchées étaient soignées.

Au centre hospitalier universitaire Azadi, M. Ahmed a dit que l'établissement possédait une unité psychiatrique, mais qu'il existait peu de suivi.

« Lorsque le patient quitte l'hôpital, nous ne savons pas ce qu'il advient de son cas par la suite, en termes de traumatisme psychologique. Nous n'avons pas de programme pour raccompagner les patients chez eux. [.] C'est très, très important ».

co/ha/he -xq/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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