L’objectif de cette réunion de haut niveau, qui a rassemblé des représentants des gouvernements, des agences des Nations Unies, des organisations non gouvernementales (ONG) internationales et de la société civile, était de parvenir à un accord sur une « nouvelle approche fondamentale de la protection des filles et des femmes dans les situations d’urgence, qu’elles découlent de catastrophes causées par l’homme ou de catastrophes naturelles ».
António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a dit qu’il avait été difficile de faire évoluer les habitudes de travail sur le terrain et de faire comprendre au personnel que la protection est un élément essentiel de l’action humanitaire.
« Nous devons faire quelque chose de fort pour modifier les attitudes psychologiques de notre personnel de terrain », a-t-il dit. « Dans les situations d’urgence, les gens ont tendance à dire, 'l’important est de sauver des vies – faire rouler les camions, apporter des tentes, trouver de l’eau, distribuer de la nourriture'. Mais la vérité, c’est qu’il est tout aussi important de mettre la question clé de la protection au cœur de la réponse d’urgence ».
Changer la façon dont l’aide est déployée
La prise en compte de cette problématique a un impact sur la conception des abris temporaires. Par exemple, on peut améliorer la sécurité des femmes en leur donnant accès à des installations sanitaires séparées, dotées de portes équipées de verrous intérieurs afin de préserver leur intimité, installées à proximité de leur logement et bien éclairées la nuit. De la même manière, on peut améliorer leur sécurité en mettant à leur disposition des installations pour cuisiner sans avoir à parcourir de longues distances dans des zones reculées pour trouver du bois à brûler.
Ces éléments ont un impact sur l’organisation de l’aide.
Le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), Ertharin Cousin – qui a quitté la réunion avant la fin pour se rendre aux Philippines – a parlé avec passion de la nécessité d’assurer la distribution de l’aide alimentaire de manière efficace.
« Si nous parachutons l’aide alimentaire, nous savons que les femmes ne récupèreront pas la nourriture suffisamment rapidement et qu’elles devront prendre des décisions difficiles pour donner quelque chose aux hommes en échange de la nourriture. Si nous distribuons des coupons alimentaires, nous devons protéger les femmes pour qu’elles reçoivent les coupons car, trop souvent, si les coupons sont donnés aux hommes, les femmes sont obligées de se compromettre pour obtenir les coupons dont elles ont besoin pour nourrir leurs enfants ».
Ces éléments déterminent également la composition de la cargaison embarquée dans les avions qui acheminent l’aide humanitaire. Parmi les biens envoyés aux Philippines par le Royaume-Uni, on trouve des lanternes solaires qui peuvent être utilisées pour recharger les téléphones portables. Ces lanternes permettent aux femmes de se sentir en sécurité à la nuit tombée et d’appeler à l’aide si elles se sentent menacées.
Plusieurs intervenants ont évoqué la nécessité de fournir des services de santé reproductive dans les situations d’urgence – et notamment des avortements médicalisés pour les victimes de viol. Si la question de l’avortement n’est pas mentionnée dans le communiqué final, Justine Greening, Secrétaire d’État britannique pour le Développement international, a dit, « Il est absolument vital de fournir aux femmes les services dont elles ont besoin, par opposition aux services que nous serions peut-être plus enclins à offrir. La contraception, la prévention et le traitement du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles, ainsi que les avortements médicalisés sont des services vitaux. Et pourtant, ils sont rarement intégrés dans les réponses humanitaires ».
La réunion de Londres a débouché sur un communiqué qui affirme l’engagement de toutes les parties à renforcer les efforts pour la protection des filles et des femmes et pour la création d’un environnement plus sûr pour les filles et les femmes pendant et après les conflits et les catastrophes naturelles. La réunion a également débouché sur l’élaboration d’un plan de travail détaillé de dix pages que les gouvernements, les agences et les ONG participants ont signé, s’engageant ainsi à respecter des promesses et des actions spécifiques : prévenir la violence, accroître le nombre d’intervenants spécialisés, améliorer les capacités et venir en aide aux survivantes de viol et de violence.
Menace de violence sexuelle
Le viol n’est pas la seule forme de violence à laquelle les femmes et les filles sont exposées, mais c’est l’une des formes de violence les plus extrêmes, et elle peut affecter la vie de la victime et de sa famille de longues années après les faits.
La peur d’être violée rend les femmes vulnérables et peut les conduire à adopter des mécanismes d’adaptation qui posent problème. Dans une vidéo préenregistrée, des Syriennes réfugiées au Liban ont expliqué que, plus que les bombes et les pilonnages, c’est la peur de ce qu’il pourrait arriver à leurs filles qui les avait poussées à l’exil. Les acteurs humanitaires qui travaillent avec les réfugiés ont indiqué qu’un grand nombre de filles mineures avaient été contraintes d’accepter un mariage forcé, car leurs parents pensaient que le mariage les protègerait contre le viol, les célibataires étant plus souvent prises pour cible que les femmes mariées.
« Nous avons échoué »
Les intervenants à la réunion se sont exprimés avec éloquence et leurs arguments étaient convaincants, mais cela suffira-t-il à faire la différence ? Zainab Hawa Bangura, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence sexuelle dans les conflits armés, a dit à IRIN qu’elle espérait que ce serait le cas.
« Je pense que nous prenons conscience que, en tant que communauté internationale – les agences des Nations Unies, les bailleurs de fonds et les ONG – nous avons échoué », a-t-elle dit. « Nous n’avons pas vu ces problèmes qui sont juste devant nous. Et c’est une bonne chose, car les gens le reconnaissent et proposent des mesures élémentaires et pratiques à mettre en œuvre sur le terrain pour protéger les femmes. Au niveau politique, de la prise de décisions, nous avons reconnu qu’il y a des manques, mais le défi le plus important est d’assurer la mise en œuvre sur le terrain. C’est là que se fera la différence ».
Mme Bangura, comme tous les autres participants à la réunion, a été horrifiée par la situation aux Philippines. « Vous allumez la télévision et vous voyez le nombre d’enfants qui ont été affectés – plus d’enfants que l’on ne peut imaginer. Que fait-on pour ces enfants ? Comment les protéger ? Comment s’assurer qu’ils pourront recoller les morceaux et retourner à l’école et que leur vie ne sera pas mise en danger lorsqu’ils iront à l’école ou chercher de la nourriture ? Tellement d’enfants – cela me brise le cœur, cela me fait mal ».
Les images de Tacloban, l’une des villes les plus dévastées par le typhon Haiyan, sont particulièrement poignantes pour les personnes qui ont survécu à la violence et aux conflits. Julienne Lusenge du Fonds pour les femmes congolaises a dit à IRIN, « Nous avons peur pour elles, car nous venons d’un pays où les femmes ont connu 10, 20 années de violences, et lorsque nous voyons que cela se produit dans une autre région, nous disons, 'Oh, c’est la fin pour elles ; ce qui nous est arrivé va leur arriver', et cela nous bouleverse ».
Jade a elle aussi vu les images du typhon. « Dans le monde entier, les femmes souffrent », a-t-elle dit. « Enfin, au moins on voit les femmes des Philippines à la télévision, dans le pays d’où je viens, on ne voit pas les gens à la télévision, mais ils souffrent et on ne parle pas d’eux. Les hommes souffrent, eux aussi. Ils souffrent en silence, vous comprenez ? »
*nom d’emprunt
eb/rz-mg/ld
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