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Le GIEC reste « prudent » sur l’élévation du niveau de la mer

A portion of one of the more than 200 islands of Palau, an island nation in the Pacific Ocean, threatened by rising sea levels Jaspreet Kindra/IRIN

La nouvelle évaluation de la communauté scientifique internationale sur l’élévation du niveau de la mer causée par le réchauffement climatique constitue une avancée importante. Cependant, les experts affirment que les prévisions climatiques sur les niveaux élevés de la mer présentes dans le rapport d’évaluation (AR5) du Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont encore sous-évaluées. Les pays situés à basse altitude et les petits États insulaires sont directement concernés par ces prévisions.

Ces nouvelles estimations montrent une fourchette de hausse qui va de 28 à 98 cm d’ici 2100, en fonction de la quantité de dioxyde de carbone émis et des efforts entrepris pour en atténuer les effets.

« C’est plus de 50 pour cent de plus que les anciennes prévisions (18-59 cm) [provenant du rapport précédent de 2007 (AR4)] lorsque l’on compare les mêmes scénarios d’émissions pour les mêmes périodes », a souligné Stefan Rahmstorf, responsable de l’analyse du système terrestre à l’université de Potsdam, en Allemagne, et expert reconnu en matière de hausse du niveau de la mer.

Les estimations très basses de l’élévation du niveau de la mer imputable au changement climatique sont considérées comme un défaut majeur du rapport de 2007. Cependant, la connaissance des glaciers n’était pas encore assez approfondie à l’époque pour que le GIEC puisse tenir compte dans ses calculs de la fonte des glaces du Groenland et de l’Antarctique.

M. Rahmstorf a déclaré à IRIN : « Il est incroyable que le GIEC ait abouti à des prévisions de l’élévation du niveau de la mer beaucoup plus élevées en utilisant sa méthode de prédilection, sans avoir recours aux modèles semi-empiriques. La propre approche du GIEC confirme maintenant que son dernier rapport avait minimisé le risque d’élévation du niveau de la mer, ce qui était ma plus grande inquiétude à l’époque. »

S’il n’y a pas de restrictions des émissions de carbone d’ici l’année 2300, le niveau des mers augmentera de un à plus de trois mètres maximum, ce qui submergerait de nombreux pays situés à basse altitude et la plupart des États insulaires. Selon les nouvelles estimations du GIEC, des pays comme le Bangladesh, dans le golfe du Bengale, pourraient être confrontés à une hausse de 20 cm du niveau des mers au cours des 30 prochaines années.

M. Monirul Qader Mirza, l’un des principaux auteurs des rapports du GIEC, explique que des études de l’Institut pour la modélisation de l’eau (Institute for Water Modelling), basé à Dacca, la capitale du Bangladesh, montrent qu’une hausse de 32 cm du niveau de la mer pourrait submerger 84 pour cent des Sundarbans - la plus grande forêt de mangrove du monde, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO - en 2050. La région entière des Sundarbans, qui sert de barrage naturel contre les cyclones, pourrait disparaître avec une hausse du niveau de la mer de près d’un mètre.

De nouvelles études aux conclusions différentes

Plusieurs études sur la fonte des glaces polaires sont désormais disponibles, mais le « GIEC a décidé de ne pas inclure les estimations provenant d’au moins cinq études publiées qui prévoient une plus forte hausse, y compris deux études qui avancent une hausse de deux mètres (6,6 pieds) », a remarqué Jeff Masters, météorologue et fondateur de Weather Underground, un site de prévisions météorologiques.

« Le GIEC n’a pas fourni d’estimation "clairement" élevée de la hausse du niveau des mers au cours du prochain siècle, parce que nous n’avons pas de modèles assez fiables pour prédire le degré de probabilité de la fonte de la calotte glaciaire antarctique. Les experts ont donc choisi de présenter ces prévisions du niveau de la mer [tout] en supposant que cela ne se produira pas »

Même l’Administration océanique et atmosphérique nationale des États-Unis (NOAA) prévoyait, dans son rapport national d’évaluation de 2012, une hausse maximum de deux mètres comme « pire scénario d’élévation du niveau de la mer pour 2100 », a affirmé M. Masters.

Mais ce chiffre pourrait être encore « trop bas ». Il a souligné que Box Jason, un éminent glaciologue de la Commission géologique du Danemark et du Groenland (GEUS), avait récemment révélé que la contribution des glaces du Groenland à l’élévation du niveau de la mer avait doublé au cours de la dernière décennie. Ce fait pourrait augmenter de jusqu’à 1,4 mètre l’élévation du niveau de la mer d’ici 2100, si ce doublement devait se poursuivre sur un intervalle de 10 ans.

Les nouvelles prévisions pourraient inciter les pays situés à basse altitude, à l’occasion de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), à intensifier leurs efforts pour trouver un nouvel accord sur le climat, ainsi que des fonds et des politiques afin de se préparer aux éventualités qui les guettent.

M. Rahmstorf a déclaré à IRIN que les modèles utilisés pour estimer l’impact possible du changement climatique sur l’élévation du niveau de la mer étaient « désormais beaucoup plus fiables que ceux du dernier rapport ». Pourtant, « ces modèles ne peuvent pas expliquer, par exemple, les niveaux élevés de la mer pendant le Pliocène [période géologique s’étendant de 5,3 millions d’années à 2,5 millions d’années qui a commencé avec un climat chaud et un niveau des mers élevé avant de se refroidir] dont les données indiquent une calotte glaciaire antarctique moins stable que selon les modèles actuels ».

Cependant, « certaines nouvelles avancées dans ce domaine... sont arrivées trop tard pour être incluses par le GIEC, et je ne serais pas surpris si l’écart entre les processus et les modèles semi-empiriques se réduisait davantage dans le prochain rapport du GIEC », a déclaré M. Rahmstorf.

Un autre éminent glaciologue, Aslak Grinsted, du Centre pour la glace et le climat (Centre for Ice and Climate) de l’université de Copenhague, affirme que le GIEC n’a pas fourni d’estimation "clairement" élevée de la hausse du niveau des mers au cours du prochain siècle, « parce qu’il n’y a pas de modèles assez fiables pour prédire le degré de probabilité de la fonte de la calotte glaciaire antarctique. Les experts ont donc choisi de présenter ces prévisions du niveau de la mer [tout] en supposant que cela ne se produira pas. Le problème, c’est qu’il y a plusieurs sources de données qui indiquent que la fonte de l’Antarctique est un scénario plausible. » Il souligne que, selon les spécialistes de la calotte glaciaire, la fonte de la calotte glaciaire antarctique est un fait que nous devons considérer comme fortement probable d’ici la fin du siècle.

Dans un courriel adressé à IRIN, le glaciologue M. Box a déclaré : « Il a eu une polémique autour du rapport AR4, car les estimations de l’élévation du niveau de la mer étaient jugées trop basses. Aujourd’hui, nous avons le même problème avec le rapport AR5 [les estimations sont encore trop basses]. »

Trop prudent ?

Le GIEC doit-il publier des rapports sur les derniers développements scientifiques plus souvent - chaque année peut-être ?

« Le GIEC est loin d’être alarmiste, au contraire, c’est une organisation très prudente », explique M. Rahmstorf, l’un des principaux auteurs du rapport AR4. « Ce n’est pas un problème, à condition que ceux qui utilisent les rapports du GIEC soient conscients de cela. La prudence est inhérente à la structure du consensus, ce qui permet d’avoir un plus petit dénominateur commun reconnu par un grand nombre de scientifiques.

Saleemul Huq, un des auteurs des rapports AR4 et AR5, partage l’avis de M. Rahmstorf, mais il affirme qu’il serait utile d’avoir plus souvent des rapports qui couvrent les événements extrêmes actuels. Des discussions sont en cours au sein de la communauté scientifique pour envisager cette possibilité.

Selon Sivan Kartha, directeur de recherche au Stockholm Environment Institute (SEI) : « Dans le climat politique actuel [où le changement climatique est souvent contesté] même une perception vague et manifestement erronée selon laquelle le GIEC fait preuve de partialité et adopte une posture "alarmiste" est très gênante et contre-productive ».

Les climato-sceptiques vont manipuler les résultats « et s’efforcer de faire passer cette prétendue partialité ["alarmiste"] pour la vraie information, à la place des données scientifiques irréfutables, qui sont tout simplement de plus en plus inquiétantes, sans qu’il y ait besoin de parler de "partialité". Dans un tel...[contexte], il semble que les scientifiques soient encore plus méticuleux et prudents que d’habitude. »

Richard Klein, un scientifique chevronné du SEI et auteur des rapports AR4 et AR5, a déclaré : « Le GIEC n’a pas été mis en place pour inciter à l’action, mais pour informer les décideurs. La manière dont le GIEC communique ses résultats est donc tout à fait appropriée. »

Selon M. Box, le GIEC sera poussé à rendre plus fréquemment des rapports sur l’élévation du niveau de la mer. « À quelle fréquence ? Chaque année, ce serait bien, mais je ne me fais pas d’illusions. La communauté scientifique se prononcera sûrement sur cette question. »

M. Grinsted affirme qu’il « hésite » sur la façon d’améliorer le processus. « Mais peut-être que des évaluations plus modestes – à l’image du SREX [le rapport spécial du GIEC sur la gestion des risques d’événements extrêmes et de catastrophes en vue d’une meilleure adaptation aux changements climatiques] – seraient une bonne solution. »

jk/he-fc/amz
 


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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