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L’Irak 10 ans après - À qui la croissance économique profite-t-elle ?

Arif Banay Kodeyar returned to Iraq in 2004 after years in refuge in Iran. It took him seven years to find work in Basra, Iraq's economic capital. He was only able to start his grocery store with the help of an IOM livelihoods project Heba Aly/IRIN
Le développement de l’Irak a toujours été lié à sa capacité à vendre et produire du pétrole et aux cours mondiaux de l’or noir. Les mesures de la croissance économique basées sur le pétrole peuvent cependant faire perdre de vue les conditions économiques auxquelles sont confrontés la majorité des Irakiens.

En 1980, après la crise des années 1970 qui a conduit à une hausse des prix du pétrole, le PIB par habitant de l’Irak, à 3 453 dollars, était le plus élevé de la région (exception faite d’Israël et des États du Golfe), selon la Banque mondiale. Mais ce chiffre a chuté dans le courant des années 1990, en raison de la guerre avec l’Iran et des années de sanctions, pour atteindre son plus bas en 1997, à 455 dollars. Après une légère remontée en 2000, il a plongé à nouveau pour atteindre 742 dollars la même année. En 2011, il est remonté à 3 501 dollars, sans correction en fonction de l’inflation.

L’Irak est maintenant le deuxième plus grand producteur de pétrole brut et possède la cinquième plus grande réserve de pétrole brut avérée du monde. Avec une croissance annuelle escomptée de 9,4 pour cent jusqu’en 2016, le gouvernement présente la croissance économique de l’Irak comme la plus rapide de la région.

La hausse des prix du pétrole a rapporté 94 milliards de dollars au pays en 2012 et devrait générer plus de 100 milliards de dollars de recettes en 2013, selon le Middle East Economic Survey. Le Fonds monétaire international prévoit quant à lui une hausse de neuf pour cent du PIB irakien en 2013.

Croissance du secteur public

La fin des sanctions ayant permis au pays de vendre davantage de pétrole, le secteur public s’est développé et les salaires des travailleurs de ce secteur ont nettement augmenté, conduisant à un renforcement de la classe moyenne.

« Avant 2003, a dit Sa’ad al-Shimary, employé du gouvernement, le parti Baath [de l’ancien président Saddam Hussein] était partout. C’était difficile de travailler dans un tel environnement. J’avais peur qu’ils écrivent un rapport contre moi, comme ils le faisaient toujours, si on essayait de critiquer leur travail pour une raison ou pour une autre. Je craignais d’aller travailler et de ne plus jamais revenir. »

À cette époque, a-t-il dit à IRIN, il complétait ses revenus en travaillant comme chauffeur de taxi. « Maintenant, mon salaire est suffisant pour moi et ma famille. Je n’ai pas peur du ministère. Ma vie s’est améliorée : j’ai plus d’argent et une nouvelle voiture. »

Sur un an, la récente croissance économique de l’Irak (le « PIB réel » tenant compte de l’inflation) a été plus modeste que la croissance du PIB nominal, mais reste bonne. Selon Business Monitor International, l’économie s’est rétractée de 28,3 pour cent en 2003, mais est remontée de 39,6 pour cent l’année suivante. Entre 2005 et 2011, l’économie a enregistré une croissance de 6,5 pour cent par an en moyenne, même au cours des années les plus violentes.

Bassam Yousif, professeur d’économie à l’université de l’Indiana, qualifie cependant la croissance de l’économie de l’Irak de ces dix dernières années d’« anémique », en raison de son faible niveau initial — une économie ralentie par les sanctions et un gouvernement limité commercialement, incapable de dépenser sur son territoire — et de l’afflux soudain de devises à la reprise des exportations de pétrole.

« Ce que l’on pensait que l’Irak allait pouvoir faire avec cette argent il y a dix ans est bien différent de ce qui s’est réellement produit », a-t-il dit.

En attente des retombées

Selon les économistes et les travailleurs humanitaires, la majeure partie de cette nouvelle richesse n’a pas encore eu de retombées sur la population. Cela s’explique principalement par la dépendance économique de l’Irak au pétrole, la corruption au sein du gouvernement, l’incapacité à exécuter les budgets et l’absence de développement du secteur privé.

« Même si le PIB est en hausse, l’Irakien moyen ne voit pas cela, car la capacité à dépenser cet argent est limitée », a dit M. Yousif.

En 2012, Transparency International a classé la corruption dans le secteur public irakien parmi les plus élevées du monde. Le pays était le 169e sur 176 dans l’Indice de perceptions de la corruption.

« La croissance macro-économique ne s’est pas traduite par une amélioration proportionnelle du bien-être de la population », a dit à IRIN Sudipto Mukerjee, directeur de l’équipe de redressement économique et d’atténuation de la pauvreté du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en Irak.

L’Irak a toujours été tributaire des importations et ses secteurs agricole et industriel — déjà limités — ont stagné sous la pression des États-Unis pour la libéralisation des importations, qui a inondé le marché de biens bon marché. Le secteur pétrolier n’a pas non plus créé beaucoup d’emploi. Le secteur représentait environ la moitié du PIB irakien dans les années 2000, mais employait moins d’un pour cent de la population active.

Après une forte hausse du chômage de 1990 à 2004, selon les statistiques du gouvernement, le taux de chômage a chuté de 28,1 pour cent en 2003 à 11,7 pour cent en 2007, pour remonter à 15,3 pour cent en 2008.

Selon une enquête de l’Iraq Knowledge Network (IKN), le taux de chômage est actuellement de huit pour cent, si l’on se base sur la définition la plus restrictive du chômeur (personne disponible n’ayant pas travaillé du tout malgré une recherche active d’emploi pendant les sept jours précédant l’entretien), et de 11 pour cent selon une définition plus large (personne sans activité « productive » ou « utile » et qui ne cherche pas activement d’emploi, mais qui le ferait si les conditions du marché du travail s’amélioraient). Les chiffres du gouvernement, qui utilise une définition encore plus extensive, sont plus élevés. Le taux de chômage des femmes, des jeunes et des personnes vivant en milieu rural est en outre supérieur à la moyenne.

Une enquête menée l’année dernière par l’Institut National Démocratique (NDI) a révélé que la moitié des Irakiens — 55 pour cent, plus exactement — considéraient le chômage comme l’un des deux problèmes qui les préoccupaient le plus et qu’ils voulaient que le gouvernement s’emploie à résoudre.

Pour les personnes en activité, notamment dans le secteur public, la hausse des salaires ne se traduit pas nécessairement par un plus grand pouvoir d’achat, car l’inflation a également augmenté. À son apogée au cours de la dernière décennie, en 2006, l’inflation des prix à la consommation a dépassé les 50 pour cent (76,5 pour cent selon certaines sources). En janvier 2013, selon la banque centrale irakienne, elle était retombée à 2,3 pour cent.

Mustafa Ahmed, père de deux enfants à Bagdad, déplore la hausse des prix : « Avant, j’achetais un sandwich pour 500 dinars irakiens. Maintenant, ça coûte 5 000 dinars. Je faisais le plein de ma voiture pour 6 000 dinars et maintenant [ça me coûte] 30 000 dinars. »

Les mesures de la pauvreté

La situation s’est cependant largement améliorée depuis les années passées sous le régime des sanctions. Sur tous les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), c’est dans le premier que l’Irak a fait le plus de progrès. Le pays a en effet déjà atteint l’objectif de diviser par deux la proportion de la population vivant en situation d’extrême pauvreté avant 2015. Le pourcentage de personnes vivant avec moins de 2,50 dollars par jour (corrigé en fonction de la parité de pouvoir d’achat) est passé de 28 pour cent en 1990 à 13,9 pour cent en 2007 et 11,5 pour cent en 2011.

« Avec la fin de l’embargo économique en 2003 et la hausse des salaires en 2007, le niveau de vie des foyers [irakiens] s’est nettement amélioré », estime l’Organisation centrale des statistiques en expliquant ses chiffres. « Le revenu des personnes travaillant dans le secteur public (qui constitue 45 pour cent du revenu total des ménages) a augmenté, conduisant à une baisse importante de la proportion de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour par rapport aux chiffres de 1990. »

La Banque mondiale considère cependant le seuil de pauvreté national — 76 896 dinars irakiens par mois — comme un indicateur « bien plus utile » de la santé économique de la population. Selon une enquête du gouvernement et de la banque se basant sur cette variable, 23 pour cent de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2007.

« Si le taux de chômage a sensiblement reculé, le taux de pauvreté reste obstinément élevé depuis 2004 », a dit M. Yousif.

Le gouvernement et les Nations Unies devraient publier plus tard cette année une étude sur les différents niveaux de pauvreté multidimensionnelle — c’est-à-dire l’absence d’accès à certains besoins essentiels — qui pourrait révéler un niveau de privation encore plus élevé.

« Dans un pays à revenu intermédiaire comme celui-ci, qui enregistre une croissance économique importante, est-il normal que le chômage demeure aussi élevé ? » s’est interrogé M. Mukerjee. « Est-il normal qu’autant de personnes se trouvent toujours sous le seuil de pauvreté ? »

M. Mukerjee et d’autres soulignent cependant que les moyennes nationales sont biaisées par les progrès relativement rapides de la région kurde autonome du nord, qui éclipsent les privations que connaissent les habitants des autres gouvernorats comme ceux de Qadissiya, Muthanna et Diyala.

L’aspect positif est peut-être que la pauvreté en Irak n’est pas tellement profonde. L’intensité de la pauvreté, à savoir l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté, est passée de 5 pour cent en 2006 à 2,6 pour cent en 2011, selon les statistiques du gouvernement. Cet écart est bien moins élevé que dans la plupart des autres pays. Ainsi, si de nombreux habitants se trouvent juste au-dessus du seuil de pauvreté et pourraient facilement passer en dessous, nombre sont les pauvres qui, avec un peu d’aide, pourraient en revanche passer au-dessus du seuil.

Pour en savoir plus, consultez Confronting Poverty in Iraq, un ouvrage publié en 2011 par la Banque mondiale analysant les résultats de son enquête de 2007 sur les caractéristiques socio-économiques des ménages. Les travaux de Bassam Yousif, que ce soit pour le projet Costs of War ou pour le magazine Middle East Report, sont également utiles. Vous trouverez ici les statistiques du gouvernement, notamment en ce qui a trait à la finance et au pétrole, et  un document d’information des Nations Unies sur la population active. Le rapport national du gouvernement sur la situation du développement humain de 2008 expose les projets du gouvernement pour corriger le déséquilibre entre les revenus du pétrole et le faible niveau de vie.

Pour d’autres indicateurs du développement, consultez la série d’IRIN : L’Irak, 10 ans après.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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