Il y a deux ans, il a quitté son village du district de Kakamega, dans l’ouest, pour revenir à Mathare, l’un des plus grands bidonvilles de Nairobi. Mais M. Situma, père de six enfants, a le projet de bientôt retourner vivre dans l’ouest avec sa famille.
Les prochaines élections auront lieu en mars 2013. Un grand nombre de postes est à pourvoir, du gouvernement à la direction des services. Les candidats et les partis ont tendance à s’axer, non pas sur la politique, mais sur une région géographique et, par extension, sur l’origine ethnique. La période préélectorale a déjà été marquée par plusieurs épisodes de violence.
« Je vais voter ici à Nairobi à cause de mon travail. Mais je vais éloigner ma famille en l’emmenant dans l’ouest du Kenya pour que, en cas de violence, je sois le seul à mourir. Il n’y a aucune garantie que les élections se dérouleront paisiblement », a-t-il affirmé à IRIN.
« Je ne sais pas qui gagnera les élections, mais vous risquez quand même d’être attaqué, car les responsables politiques disent déjà ‘notre peuple doit obtenir tel poste ou tel autre’, mais les pauvres gens avec qui nous vivons ici ont foi en ce qu’ils disent et vont les croire sur parole », a-t-il ajouté.
D’après Olga Mutoro, responsable politique et de gouvernance du Peace and Development Network Trust (Réseau pour la paix et le développement - PeaceNet), les craintes de M. Situma sont loin d’être isolées.
« Dans les bidonvilles, la méfiance grandit entre les personnes des différentes communautés ethniques et beaucoup commencent à se regrouper selon leur tribu d’appartenance pour se sentir en sécurité », a-t-elle déclaré à IRIN.
Rispa Wambui, 35 ans, ne se sent plus en sécurité à Kibera, un autre grand bidonville de Nairobi, où elle vit avec sa famille depuis 15 ans.
« Beaucoup de mes voisins ne sont pas de [ma] tribu et je sais que, quel que soit le résultat des prochaines élections, ils pourraient m’attaquer. Je ne veux pas attendre que cela arrive. Je cherche une maison à louer dans un endroit où il y a beaucoup de gens de mon ethnie. C’est la seule façon pour moi de me sentir en sécurité », a-t-elle expliqué.
Un avant-goût des violences
« Nous assistons à des poches de violence dans tout le pays – la plupart pour des motifs politiques – et cela laisse présager ce que le pays connaîtra quand l’ambiance électorale s’installera pour de bon », a déclaré à IRIN Saida Ali, directrice exécutive de l’organisation non gouvernementale (ONG) Coalition on Violence Against Women (Coalition contre les violences faites aux femmes - COVAW).
« Les gens qui vivent dans des campements de fortune ne voient pas souvent passer les patrouilles de sécurité et beaucoup sont aussi facilement manipulés par la politique à cause de leur faible statut économique », a-t-elle déclaré.
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« Les identités ethniques ont été contrôlées par des milices armées au niveau des zones de démarcation [dans les bidonvilles], des affrontements entre différents groupes ont éclaté surtout aux zones frontalières, et les habitants des bidonvilles se déplacent en fonction des positions des groupes ethniques (en évitant, par exemple, les zones tenues par les membres d’une communauté ethnique rivale) », ajoute le rapport.
Des violences sexuelles
Les experts affirment que les craintes de violences sexuelles augmentent parallèlement à la montée des violences électorales.
« Les femmes payent le plus lourd tribut de ces violences et c’est ce qui s’est passé même lors du conflit de 2007-2008 », a déclaré Atsango Chesoni, directeur exécutif de Kenya Human Rights Commission, une ONG de défense des droits de l’homme.
« Pendant les élections, les gens en profitent pour salir les femmes », a déclaré Mme Ali du COVAW.
Mme Mutoro de PeaceNet déclare que des programmes d’autonomisation sont nécessaires pour aider les gens à résister à l’instrumentalisation politique.
« Les gens doivent être sensibilisés au thème de l’unité nationale et, dans le même temps, avoir la possibilité d’exprimer leurs griefs sans obligatoirement rechercher la sécurité au sein des groupes tribaux », a déclaré Mme Mutoro.
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