Adoptée en cinq minutes par l’Assemblée provinciale du Sindh, l’ordonnance intitulée Sindh Peoples Local Bodies Ordinance (SPLGO) prévoit une réorganisation de l’administration locale. Son adoption a provoqué de violentes manifestations qui ont entraîné la suspension des services de l’administration locale : les ordures s’amoncellent dans les rues étouffantes de Karachi et les égouts débordent, mais ne sont pas réparés.
Des violences ont éclaté à l’extérieur des grandes villes suite aux manifestations organisées par les différents groupes nationalistes sindhis, regroupés au sein du Sindh Bachao Tehreek (mouvement de protection des Sindhis) créé en septembre.
Des véhicules ont été détruits, des camions, des bus et des pneus ont été brûlés, et plusieurs manifestations se sont soldées par de violents affrontements.
L’incident le plus grave s’est produit en octobre, lorsque des hommes armés non identifiés ont ouvert le feu sur des partisans du Parti du peuple pakistanais (PPP) qui s’étaient rassemblés à Khairpur pour soutenir la loi ; ce jour-là, sept personnes ont été tuées.
Récemment, des journalistes d’IRIN ont parlé de meurtres interconfessionnels à Karachi, d’un système de distribution d’eau fragile et de difficultés dans le secteur de l’éducation. Aujourd’hui, ils se penchent sur les raisons pour lesquelles la nouvelle loi fait tant de vagues.
Qui s’oppose à la loi ?
Les représentants politiques de l’opposition, qui appartiennent en majorité à des partis nationalistes sindhis, soutiennent que la SPLGO a pour objectif de saper la souveraineté des autorités de la province.
Dans le Sindh, environ 60 pour cent de la population parle le sindhi et le reste de la population parle le plus souvent ourdou.
« Nous pensons que toute personne qui soutient la loi [SPLGO] trahit le Sindh », a dit à IRIN Ayaz Palijo, président d’Awami Tehreek. M. Palijo dirige le Parti nationaliste sindhi et est à la tête d’une alliance de partis nationalistes.
« Il s’agit d’une conspiration visant à diviser le Sindh », a-t-il dit. « Nous nous battrons jusqu’à ce qu’elle [la loi] soit retirée ».
Quel est l’objectif de la loi ?
Les personnes qui sont favorables à la loi indiquent qu’elle permettra la création de conseils d’administration locale plus responsables, ce qui entraînera une amélioration des services fournis aux citoyens ordinaires.
« Pour obtenir un simple extrait de naissance, il faut courir dans tous les sens, car les autorités sont corrompues et inefficaces » |
« Mais il nous sera plus facile de faire pression sur un conseiller élu … et il est plus disponible », a dit à IRIN Ahmed, 50 ans.
À l’heure actuelle, l’administration locale rencontre des difficultés à fournir des services de santé et d’hygiène de base.
Une odeur âcre émane des ordures qui s’amoncellent depuis plusieurs semaines non loin du célèbre bazar ourdou de Karachi : les autorités municipales n’ont pas les fonds nécessaires pour acheter du carburant pour les camions qui ramassent les ordures habituellement.
« Nous avons offert des pots de vin à un fonctionnaire local, mais il a refusé notre offre et cela fait des semaines que nous supportons cela », a dit à IRIN un commerçant local.
Les partis nationalistes sindhis indiquent que cette loi défend un objectif politique – venir en aide au Muttahida Quami Movement (MQM – le quatrième parti le plus important et un des principaux alliés du PPP), qui a le soutien des Sindhis qui vivent dans les zones urbaines.
Un comité composé de représentants élus du parlement régional appartenant au PPP et au MQM a pour objectif de transférer le pouvoir et les ressources du gouvernement provincial à des autorités de niveau inférieur.
« Le concept n’est pas nouveau au Pakistan ; la décentralisation est un phénomène général qui garantit une fourniture plus efficace et efficiente des services », a dit Mustafa Kamal, qui a été maire de Karachi de 2005 à 2010.
La SPLGO transfère une grande partie des services – y compris l’éducation, la santé, l’eau, l’entretien des routes, les égouts et l’hygiène, les services des incendies, les parcs et les terrains de jeu, la culture et le sport, et les services de proximité aux autorités des villes, districts, municipalités ou même « tehsil » (plus petit qu’une commune) – du niveau provincial aux niveaux inférieurs.
La loi prévoit la création de nouvelles « municipalités métropolitaines » à Karachi, Sukkur, Hyderabad, Larkana, Mirpurkhas et Khairpur. (Auparavant, seules les villes de Karachi et d’Hyderabad jouissaient de ce statut). Les autres régions du Sindh dépendent de 25 conseils de district.
Pourquoi les nationalistes sindhis s’inquiètent-ils ?
Les nationales sindhis craignent notamment que le système des municipalités métropolitaines et des conseils de district n’entraîne une division de la province en deux.
Principaux partis nationalistes sindhis opposés à la SPLGO |
Awami Tehreek |
Sindh Bachao Committee (Committee to protect Sindh) |
Sindhi Nationalist Party |
Sindh Tarrqi (Progressive) Pasand Party |
Sindh United Party |
Jeaye Sindh Taraqi Pasand Party |
Jeaye Sindh Tehreek |
Jeaye Sindh Qaumi Mahaz |
Sindh Dost Rabita Council |
La nouvelle opposition de l’Assemblée provinciale, qui compte 18 membres sur un total de 167, craint que la loi ne divise les habitants qui parlent sindhi et les habitants qui parlent ourdou.
Les nationalistes sindhis se méfient de cette nouvelle loi : « Nous ne comprenons pas les critères qui permettent de déclarer qu’une ville est une métropole », a dit Qadir Magsi, un médecin qui dirige le Jeaye Sindh Taraqi Pasand Party (STPP), un des principaux partis nationalistes sindhis.
« On ne sait pas vraiment si le niveau d’urbanisation ou la taille de la population ont été pris en compte », a dit M. Magsi, qui s’interroge aussi sur le nouveau statut de Khairpur, la ville natale du ministre en chef Qaim Ali Shah.
D’autres nationalistes s’interrogent sur le redécoupage des frontières de la ville de Karachi, qui, selon eux, favoriserait le MQM, le parti urbain rival des partis nationalistes ruraux.
« La division de Karachi témoigne d’un certain sectarisme et elle a pour objectif que les Sindhis et les Baloutches soient moins nombreux dans la circonscription électorale », a dit Zamir Ghumro, qui dirige l’alliance des partis nationales sindhis baptisée Sindh Dost Rabbita Council.
« Il s’agit de toute évidence d’un complot visant à séparer les Sindh urbains et ruraux, et nous le tolérerons pas », a dit M. Ghumro.
Cependant, l’un des rédacteurs de la loi d’origine, qui officiait sous l’ère Musharraf, exprime son désaccord. « Le système municipal dans la province est presque le même, presque identique, et il n’y a pas de dualité dans la nouvelle loi », a dit Daniyal Aziz, un technocrate qui a présidé le Bureau de reconstruction nationale sous le régime de M. Musharraf et un fervent partisan de l’administration locale.
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