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Mettre fin au cloisonnement pour trouver un vaccin

Woman looking at computer screens of stock trades Flickr/Mike Baird
What vaccinologists can learn from stock traders
Un ingénieur chimique, un physicien des polymères et un chimiste se retrouvent pour boire un café – et il n’arrive pas grand-chose. « Nous pourrions avoir toutes les meilleures idées du monde et en discuter autour d’un café, mais, sans financement, on ne peut rien faire de plus que des croquis sur des serviettes de table », a dit Darrell Irvine, spécialiste des matériaux au Massachusetts Institute of Technology (MIT), basé aux États-Unis, qui, avec des dizaines d’autres scientifiques, a reçu des fonds pour mettre fin au cloisonnement entre les disciplines scientifiques et trouver un vaccin contre le SIDA.

M. Irvine tente de créer une capsule microscopique contenant des médicaments contre le cancer et capable de cibler – et de tuer – les virus, incluant le VIH.

Jusqu’à maintenant, la quête d’un vaccin sûr et efficace contre le SIDA n’a pas donné de résultats concluants en dépit des quelque 8 milliards de dollars investis dans la recherche et le développement de vaccins entre 2001 et 2011. Les scientifiques attribuent cette absence de résultat à la capacité du VIH à échapper aux attaques du système immunitaire et à l’utilisation peu stratégique des fonds consacrés à la recherche au cours des dix dernières années.

Le candidat-vaccin le plus prometteur jusqu’à présent, connu sous le nom de RV144, a démontré une efficacité de 31 pour cent en Thaïlande, selon des résultats rapportés en 2009.

Des tests de suivi seront effectués auprès de milliers d’hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes (men who have sex with men, MSM) en Thaïlande et d’hétérosexuels à risque élevé de VIH en Afrique du Sud afin de déterminer comment améliorer l’efficacité de cette combinaison de vaccins et comment l’adapter aux différentes souches du VIH. Même avec le scénario le plus optimiste, il faudra attendre encore dix ans avant qu’un vaccin soit breveté, selon Nina Russell, directrice adjointe VIH auprès de la Fondation Bill et Melinda Gates. Il faut en effet prendre en compte le temps nécessaire pour planifier et mener un essai clinique, analyser les résultats et obtenir le brevet.

Par ailleurs, il n’est pas facile de convaincre les scientifiques de participer à la recherche d’un vaccin, a dit Bruce Walker, directeur du Ragon Institute, un partenariat entre des institutions médicales et académiques du Massachusetts créé en 2009 avec des fonds privés et dont l’objectif est d’accélérer le développement d’un vaccin contre le VIH.

« Je crois que de nombreux scientifiques seraient ravis de pouvoir utiliser leurs talents pour régler un problème aussi important que le VIH, mais qu’ils ne voient pas comment ils pourraient le faire. »

« Je n’avais jamais imaginé une telle dévastation »
Quand, en 2008, M. Walker a approché Arup Chakraborty, un ingénieur chimique du MIT qui avait analysé des informations scientifiques en utilisant la « mécanique statistique », pour faire des recherches sur le VIH, M. Chakraborty s’est d’abord montré réticent. « Je ne voyais pas ce que je pourrais apporter au domaine, qui est déjà saturé. Il est difficile de se démarquer dans un domaine où travaillent déjà de nombreuses personnes », a-t-il dit. Il a toutefois changé d’idée après que M. Walker l’a amené voir des patients sidéens hospitalisés en Afrique du Sud. « Je n’avais jamais imaginé une telle dévastation », a dit le scientifique après sa première rencontre avec des gens infectés par le VIH.

Ses collaborateurs et lui ont reçu l’un des « prix de l’innovation » du Ragon Institute, soit 115 000 dollars par année pendant deux ans, ce qui lui permet d’appliquer la technologie qui aide les investisseurs à choisir leurs actions (théorie des matrices aléatoires) à l’étude des réactions des patients aux vaccins.

Recherche interdisciplinaire

En 2005, des groupes de recherche représentant quelque 250 000 scientifiques œuvrant aux États-Unis ont créé la « Bridging the Sciences Coalition » [coalition pour le décloisonnement des sciences] afin d’obtenir davantage de fonds de la part du gouvernement américain pour les recherches qui font appel à plusieurs disciplines scientifiques. La coalition a indiqué, dans une prise de position : « les bio-informaticiens reçoivent des fonds pour modéliser des systèmes biologiques, mais ils n’obtiennent généralement pas le soutien nécessaire pour résoudre les problèmes les plus graves. »

Les travaux et les financements interdisciplinaires sont encore relativement rares, a dit M. Chakraborty. « Toutes nos universités [américaines] sont cloisonnées. Les choses changent, mais nous avons encore du chemin à faire. »

Les fonds accordés à la recherche interdisciplinaire sont encore limités, a dit Ellen Weiss, de l’organisation américaine à but non lucratif Biophysical Society, qui est à l’origine de l’initiative pour le décloisonnement des sciences. « Depuis 2005, les agences américaines manifestent un intérêt pour la recherche interdisciplinaire et cherchent à s’assurer qu’elle n’est pas négligée, mais le financement est toujours insuffisant. »

Outre les Instituts nationaux de la santé (National Institutes of Health, NIH) et la Fondation nationale des sciences (National Science Foundation, NSF), qui, depuis 2010, ont accordé leur soutien à la recherche scientifique interdisciplinaire, la Fondation Gates a versé 100 millions de dollars en 2007 pour encourager les scientifiques à « développer leurs idées ».

Plus de 500 chercheurs dans environ 40 pays ont reçu des subventions « Grand Challenger Exploration », d’une valeur de 100 000 dollars chacune, et 20 d’entre eux ont obtenu des sommes supplémentaires allant jusqu’à 2 millions de dollars pour développer leur projet.

Des « puces » qui contiennent des échantillons de cellules

Si les scientifiques continuent de travailler de manière cloisonnée, il arrive toutefois de plus en plus souvent qu’une technologie développée dans un objectif particulier soit appliquée à la biologie, selon M. Irvine.

Slide based on computer technology that can keep cell samples alive for days, used in AIDS vaccine research at MIT in Chris Love's laboratory
Photo: Justin Knight/Whitehead Institute
Une lame capable de garder des cellules humaines en vie pendant plusieurs semaines
Chris Love, un chimiste du MIT qui bénéficie des fonds accordés par le Ragon Institute, a exploité la technologie des semi-conducteurs (utilisés dans les ordinateurs) pour mettre au point des « puces » qui contiennent des échantillons de cellules destinées à être analysées. « Vous n’avez qu’à penser à un bac à glaçons dans lequel on pourrait mettre des cellules du système immunitaire pour ensuite les étudier… comment elles interagissent, comment elles réagissent aux vaccins et aux médicaments », a-t-il dit, en montrant ce qui semblait être une simple lame de verre.

« Les chimistes ont l’habitude de résoudre des problèmes qui impliquent le développement d’une nouvelle molécule. Dans ce cas-ci, nous avons un problème qui n’a pas encore de solution et pour lequel des tonnes de choses ont été essayées. Les ingénieurs regardent tout ça et se disent : ‘je pourrais peut-être contribuer d’une manière ou d’une autre à la résolution de ce problème’ », a-t-il ajouté.

Galit Alter, professeur de médecine à l’université de Harvard, a dit que l’intégration entre les sciences était devenue nécessaire à la suite de l’échec des approches cloisonnées. « Avec de nouveaux outils, nous sommes capables de poser de nouvelles questions », a dit M. Alter.

Selon l’Initiative internationale pour un vaccin contre le SIDA (International AIDS Vaccine Initiative, IAVI), basée aux États-Unis, un vaccin contre le SIDA pourrait permettre de prévenir jusqu’à 10,7 millions de nouvelles infections par le VIH et d’économiser jusqu’à 95 milliards de dollars en frais de traitement entre 2020 et 2030, en fonction des caractéristiques du vaccin et de sa portée. L’outil de modélisation de l’IAVI a examiné des scénarios pour différentes régions du monde.

Selon les chiffres les plus récents du Programme commun des Nations Unies sur le SIDA (ONUSIDA), quelque 1,7 million de personnes sont décédées de causes liées au SIDA et 34,2 millions de personnes vivaient avec le VIH en 2011.

pt/cb-gd/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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