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Des fermiers trop affamés pour s’adapter

A farmer in Tigray, Ethiopia Jaspreet Kindra/IRIN
Les petits fermiers des pays en développement qui souffrent de la faim durant de longues périodes – parfois pendant six mois dans la région de Borana en Éthiopie – ont des difficultés à s’adapter à un climat de plus en plus imprévisible, a révélé une nouvelle étude.

Cette étude a été réalisée auprès de 700 ménages en Éthiopie, au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie avant la grave sécheresse qui a touché l’Afrique de l’Est en 2011. Elle avait pour objectif d’élaborer des indicateurs simples, comparables et transversaux au niveau des ménages pour évaluer si les petits fermiers étaient capables de se diversifier, de s’adapter et d’adopter de nouvelles techniques agricoles pour contrer les effets du changement climatique.

L’équipe de chercheurs qui a réalisé l’étude a conclu que les ménages qui étaient en situation de sécurité alimentaire pendant de longues périodes étaient capables de s’orienter vers de nouvelles approches et techniques agricoles, comme l’utilisation de graines résistant à la sécheresse ou aux inondations.

« Quand vous n’avez rien à manger, vous n’êtes pas vraiment capable d’innover », a dit Patti Kristjanson, économiste agricole au Programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS), qui a dirigé l’étude. « Il est évident que les ménages qui ont du mal à nourrir leur famille tout au long de l’année n’ont pas les moyens d’investir dans de nouvelles pratiques qui impliquent des coûts et des risques élevés ».

L’incapacité à s’adapter contribue à l’insécurité alimentaire, a-t-elle ajouté. « Il est donc crucial de continuer à s’informer sur les facteurs qui permettent et qui stimulent l’innovation, et sur la manière de réduire les coûts souvent cachés et les obstacles associés au changement des pratiques agricoles ».

L’étude a tenté de trouver des informations sur les techniques utilisées par les fermiers au cours de ces dix dernières années afin de faire face au changement climatique. « Nous espérons y revenir pour obtenir davantage d’informations – nous n’avons qu’un aperçu de la situation sur le terrain », a dit Mme Kristjanson. Les recherches réalisées n’ont pas permis de montrer si les petits producteurs, y compris les pasteurs et les communautés de pêcheurs, ont pu tenir compte des messages et des programmes sur l’adaptation au changement climatique.

Étude réalisée au Niger

Les quelques études réalisées montrent que les petits fermiers pourraient être confrontés à plusieurs défis simultanément et ainsi basculer ainsi dans l’insécurité alimentaire. Les chercheurs de l’université Cheikh Anta Diop au Sénégal ont réalisé des enquêtes dans le district nigérien de Maradi, qui a été touché par l’insécurité alimentaire, où les petits fermiers dépendent de précipitations de plus en plus irrégulières pour faire pousser leurs récoltes.

Les chercheurs ont indiqué que 50 pour cent des fermiers n’avaient pas eu d’autre choix que de consommer la totalité de leurs récoltes en trois mois au cours de l’année 2007. Les années précédentes, ils avaient fait pousser des légumes grâce à l’eau dans le Goulbi afin de faire face à un éventuel manque de nourriture. Cependant, suite à la raréfaction des précipitations et à la construction d’un barrage en amont au Nigéria, la rivière, dont le débit était observé pendant au moins six mois après la saison des pluies, avait été asséchée pendant une grande partie de l’année.

Étude sur le CCAFS – des résultats mitigés

L’étude sur le CCAFS, qui a été réalisée auprès de petits fermiers moyens de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique de l’Est, a montré que peu de ces producteurs avaient adopté des techniques favorisant une agriculture plus durable et permettant de faire face à un climat imprévisible :

« Quand vous n’avez rien à manger, vous n’êtes pas vraiment capable d’innover »
- Seuls 25 pour cent des ménages ont commencé à utiliser du fumier ou du compost (bon pour le sol) produit localement à la place des engrais chimiques coûteux qui ont un impact négatif sur l’environnement ; 23 pour cent des ménages ont aujourd’hui recours à la technique du paillage ;
- Seuls 16 pour cent des ménages interrogés ont déclaré avoir mis en œuvre de meilleures techniques de gestion du sol, comme la construction de terrasses qui permet de réduire les pertes d’eau et de sols ;
- Seuls 10 pour cent des ménages ont commencé à stocker ou gérer les eaux à usage agricole ;
- Seuls 34 pour cent des ménages ont réduit leurs troupeaux, mais 48 pour cent des ménages gèrent mieux leurs ressources, par exemple grâce à la culture de récoltes pour nourrir les animaux.

L’étude a relevé quelques points positifs :

- 55 pour cent des ménages ont fait pousser au moins une variété à cycle court, et 56 pour cent des ménages ont adopté au moins une variété qui résiste à la sécheresse ;
- 50 pour cent des ménages plantent des arbres sur leurs terres, une pratique connue sous le nom d’agroforesterie, ce qui permet de prévenir l’érosion des sols, d’améliorer la qualité de l’eau et des sols, et de produire des fruits, du thé, du café, de l’huile, du fourrage, des produits médicinaux et énergétiques ;
-50 pour cent des ménages ont introduit des cultures intercalaires – planter alternativement différentes récoltes sur une même parcelle ;
- 25 pour cent des ménages ont mis en place une rotation de leurs cultures au cours des dix dernières années.

« Ces changements peuvent aider les fermiers à s’adapter au changement climatique ; et des régimes plus équilibrés contribuent également à une réduction des émissions de méthane [des animaux] par kilogramme de viande et de lait produit », a déclaré le CCAFS.

Les chercheurs qui ont participé au programme sur le CCAFS reconnaissent que le changement climatique n’est que l’un des moteurs des changements observés et que « il est très difficile d’évaluer l’importance relative des différents moteurs ».

Ils ont noté que les changements réalisés par les ménages au cours des dix dernières années « sont en général minimes et non transformationnels, et le manque d’expériences sur des sols correctement testés et bien répartis, de pratiques de gestion de l’eau et des terres est inquiétante ».

Lors de la présentation des conclusions, Bruce Campbell, directeur des programmes du CCAFS, a indiqué : « Les fermiers ont besoin de plus que des déclarations. Ils ont besoin de stratégies innovantes qui leur permettront de s’adapter aux demandes croissantes liées au changement climatique et à d’autres facteurs. Nous devons redoubler d’effort pour garantir leur sécurité alimentaire présente et future, mais aussi celle du reste du monde ».

M. Campbell a souligné que Rio+20 était un exemple parfait de cette tendance. « Le texte définitif de Rio+20 a reconnu l’existence de liens entre l’agriculture durable, les petits fermiers et la sécurité alimentaire, mais il ne proposait pas d’engagements concrets ou de plan d’action. Nous exhortons les dirigeants nationaux à s’attaquer à ces défis et à protéger la sécurité alimentaire mondiale en aidant les fermiers à faire face au changement climatique ».

L’union fait la force

Un document publié en début d’année par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et intitulé Des institutions rurales innovantes pour améliorer la sécurité alimentaire, s’est basé sur 35 études de cas pour montrer comment les institutions, comme les coopératives agricoles, avaient innové en groupes pour venir en aide aux agriculteurs pauvres qui ne bénéficient pas de l’aide et du soutien nécessaires pour mettre en place des innovations.

« Par exemple, au Niger, les boutiques d’intrants ont permis aux petits producteurs de créer de véritables marchés locaux d’intrants grâce à une demande groupée et à la fourniture d’intrants adaptés, en quantité et en qualité, à leurs besoins spécifiques et à leurs moyens financiers limités », selon le document.

Au Kenya, les producteurs de légumes-feuilles africains se sont regroupés pour conclure des accords contractuels et répondre aux exigences de quantité, qualité et délais de livraison des supermarchés.

jk/cb-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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