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La rupture d’une canalisation d’eau fait des vagues

Nargis Bibi, 12, draws water from a well near her home at a brick factory in the village of Tarlai, on the outskirts of Islamabad, on March 18, 2012. Residents living in and around the factory say water levels in the wells have dropped over the years, and Rebecca Conway/IRIN
Nargis Bibi, 12, draws water from a well near her home at a brick factory in the village of Tarlai, on the outskirts of Islamabad (March 2012)
Début août, alors que la population tentait de survivre à la chaleur humide estivale, une énorme coupure de courant a privé d’électricité près de la moitié de la plus grande ville du Pakistan, Karachi, pendant plus de 16 heures, provoquant la rupture d’une canalisation qui transportait plus de 20 pour cent de l’eau potable pour la ville.

Le chaos s’ensuivit ; les gens prirent d’assaut les camions-citernes qui vendaient l’eau à des prix exorbitants ; de longues files de personnes se formèrent devant les points d’eau publics ; et des manifestations éclatèrent dans les quartiers pauvres.

La canalisation endommagée a montré la détérioration de l’infrastructure du pays, selon une récente étude menée par la Banque mondiale et le KWSB (Karachi Water and Sewerage Board), l’entreprise publique chargée du système d’assainissement de Karachi. Cette étude a révélé que « l’instabilité météorologique » causée par le changement climatique rendrait l’infrastructure encore plus fragile à l’avenir.

« Nos équipements [techniques] sont assez vulnérables et nous devons les préserver de tout dégât potentiel », a déclaré à IRIN Misbah Farid, directeur général du KWSB.

Le KWSB, qui fournit de l’eau aux 20 millions d’habitants de Karachi, déclare être le premier service public en Asie à avoir mesuré l’impact du changement climatique et les conséquences qu’il pourrait avoir – et qu’il a déjà – sur ses « équipements opérationnels ».

« Les phénomènes climatiques extrêmes de ces dernières années sont à l’origine de [cette étude] afin que nous puissions au moins nous préparer et finalement affronter les défis des prochaines années », a déclaré à IRIN Ayoob Shaikh, l’ingénieur en chef à la tête de l’étude pour le KWSB.

« L’instabilité météorologique, le gaspillage de l’eau et l’épuisement des ressources en eau de surface pourraient faire des ravages dans un avenir pas si lointain », a affirmé M. Shaikh.

Ressentir les effets du tarissement

D’après le KWSB, l’un des principaux défis à relever serait de protéger les pompes et les installations de traitement des eaux usées contre les phénomènes météorologiques extrêmes et imprévisibles.

M. Shaikh a souligné la situation de quasi-sécheresse en 2000 lorsque la ville – considérée comme la plus moderne du pays avec son centre financier – n’a pas été en mesure de récupérer une seule goutte d’eau du barrage de la rivière Hub, le deuxième plus grand réservoir hydraulique de la ville après le fleuve Indus.

« Une partie considérable de la population » avait été touchée cette année-là, a déclaré M. Shaikh. En revanche, l’année dernière, le barrage de la rivière Hub était plein et les précipitations excessives ont inondé de nombreuses installations de pompage hydraulique du KWSB.

Le système de distribution et de pompage de l’eau du KWSB est constitué d’un enchevêtrement complexe de canalisations qui s’étend sur 14 000 kilomètres carrés. L’eau du fleuve Indus entre dans le système d’alimentation au niveau du lac Kinjhar, à environ 130 km à l’est de Karachi. Ensuite, l’eau passe par un canal du lac Haleji avant d’arriver aux stations de pompage de Gharo et de Dhabeji.

Le fleuve Indus représente plus de 86 pour cent des ressources hydrauliques de la ville – 670 millions de gallons par jour (mgd) [2,5 milliards de litres]. Selon le KWSB, la demande est de 1 080 mgd [4,1 milliards de litres].

Déjà confronté à un déficit de plus de 400 mgd [1,5 milliard de litres], le débit du fleuve Indus qui faiblit – et se situerait à 70 pour cent de moins en 2050 par rapport aux niveaux actuels – constituera une grave menace pour l’accès à l’eau de surface.

« L’instabilité météorologique, le gaspillage de l’eau et l’épuisement des ressources en eau de surface pourraient faire des ravages dans un avenir pas-si-lointain »
D’après le KWSB, les glaciers de l’Himalaya, où l’Indus prend sa source, vont fondre à une vitesse plus rapide dans le futur, épuisant les réserves d’eau gelée et contribuant à une forte baisse des débits d’eau à plus long terme.

« Nous devrions commencer à ressentir les effets du tarissement d’ici 2025, mais en 2050, il y aura [une] pénurie de 60-70 pour cent de l’eau de surface », a averti M. Shaikh.

De nombreux Pakistanais affirment déjà ressentir les effets du tarissement aujourd’hui. Le déficit hydrique oblige le KWSB à rationner l’eau officieusement, bloquant la distribution pendant une semaine ou dix jours dans les zones où le recouvrement des recettes via des redevances fixes pour l’eau est faible.

« Pour nous, prendre [un] bain est un luxe », a déclaré Hamid Ali, un vendeur de fruits du district de Keamari. « Nous en profitons le vendredi si tout va bien ; le reste du temps nous puons la sueur ». Même la capitale Islamabad connaît des problèmes similaires.
D’après un récent rapport de la Banque mondiale, en 2006, un système d’assainissement inadapté a coûté au Pakistan 5,7 milliards de dollars en soins médicaux, en eau supplémentaire, en productivité perdue et en protection sociale – presque 4 pour cent du PIB de 2006.

Incapacité à s’adapter

Les résultats de l’étude inquiètent les responsables du service d’approvisionnement en eau chargés de faire fonctionner des installations héritées de l’époque coloniale avec des ressources très limitées.

M. Shaikh a déclaré que le KWSB avait créé une « cellule sur le changement climatique » afin de trouver des solutions à la crise de l’eau, par exemple en rehaussant les installations de pompage afin qu’elles ne soient pas submergées par les inondations. Mais le financement risque de poser un problème. En août, le directeur général M. Farid a dû couper l’alimentation en eau du deuxième port le plus fréquenté du Pakistan, Port Qasim, afin de pouvoir payer les salaires des employés avant les vacances du Eid.

Les experts indépendants sont pessimistes : « La situation est assez inquiétante puisque le service public [KWSB] n’est pas en mesure de procéder à des recouvrements financiers, et des millions de gallons sont perdus à cause des canalisations en mauvais état », a déclaré Farhan Anwar, consultant affilié au Programme d’eau et d’assainissement (WSP) de la Banque mondiale.

Il y a un grand besoin de sensibiliser le public à la conservation de l’eau et à la gravité du problème, a-t-il ajouté, « mais la compagnie des eaux doit faire le ménage chez elle en premier ».

Solutions et obstacles

La proposition de construire un barrage géant, appelé barrage de Kalabagh – une solution possible aux pénuries imminentes – a été écartée par le gouvernement actuel sur fond d’intense querelle politique entre provinces. Les dirigeants de la province du Sindh, par exemple, accusent le Penjab, la province voisine, de puiser plus que sa part équitable du fleuve Indus.

« Le barrage de Kalabagh pourrait être une bonne source hydraulique, mais seulement si les règles administratives sont suivies scrupuleusement », a déclaré Abdul Ghani Abassi, un ancien agent de l’autorité de gestion du fleuve Indus (IRSA - Indus River System Authority), chargée de la distribution interprovinciale de l’eau. « C’est pourquoi [le barrage] n’est pas acceptable pour les gens du Sindh ».

Certains universitaires ont proposé le traitement et le recyclage des eaux usées, mais cette solution aussi se heurte à des problèmes de financement, d’après Masoom Yazdani, microbiologiste à l’Université de Quaid Azam. Chaque jour, le KWSB rejete 1,5 milliard de litres d’eaux usées, dont 265 millions traités, dans la mer d’Arabie.

Le Pakistan est l’un des 17 pays qui seront confrontés à des pénuries d’eau d’ici 2025, selon la Banque mondiale. « L’accès à l’eau par habitant a diminué à des niveaux préoccupants, passant d’environ 5 000 mètres cubes par habitant en 1951 à près de 1 100 mètres cubes actuellement, ce qui est juste au-dessus du niveau internationalement reconnu de rareté de la ressource, et devrait devenir inférieur à 700 d’ici 2025 », indique un rapport non daté de la Banque mondiale.

ak/ha/cb


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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