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Aggravation de la crise des réfugiés syriens

Located in a windswept desert, the new Za'atri camp in northern Jordan can eventually host up to 113,000 refugees. July 2012 UNHCR
Près d’un an et demi après le début du soulèvement syrien, on calcule que plusieurs dizaines de milliers de personnes ont fui le pays. Jusqu’à récemment, la plupart d’entre elles trouvaient refuge chez des amis, des proches ou même chez des étrangers. Leur augmentation a cependant poussé plusieurs pays voisins à ouvrir de nouveaux camps pour les héberger.

IRIN examine les derniers chiffres, les besoins humanitaires et les retombées politiques liés à l’aggravation de la crise des réfugiés syriens.

Combien y a-t-il de réfugiés ?

Le nombre de Syriens enregistrés auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak a presque quadruplé entre le mois d’avril et d’août, passant de 40 000 à plus de 155 000, avec des augmentations récentes marquées en Jordanie et en Irak. On estime qu’environ 75 pour cent d’entre eux seraient des femmes et des enfants.

Selon des organisations basées dans les communautés, de nombreux réfugiés ne se sont pas enregistrés parce qu’ils ont peur, qu’ils sont loin des centres d’enregistrement ou qu’ils n’y voient aucun avantage. Le HCR tente actuellement d’accroître sa capacité d’enregistrement des réfugiés.

Les chiffres sont un sujet de désaccord. Le gouvernement jordanien, par exemple, évalue à 150 000 le nombre de Syriens qui se trouvent sur son territoire, mais les observateurs se demandent si ce sont tous des réfugiés ou si certains d’entre eux sont des migrants ou des hommes d’affaires qui traversent régulièrement la frontière. Au Liban, les observateurs croient que le gouvernement sous-estime volontairement les chiffres pour éviter de mettre en péril le fragile équilibre politique du pays.

Les réfugiés syriens dans les pays voisins (enregistrés ou en attente de l’être)
  1er avril 2012 19 juillet 2012 16 août 2012
JORDANIE 7,000 36,450 46,898
LIBAN 12,900 32,486 46,672
TURQUIE 16,500 42,682 61,450
IRAK 2,240 8,000 14,129
Total 40,000 119,618 169,149
Source: HCR. Ces chiffres sont basés sur des estimations et peuvent varier
Les Syriens sont de plus en plus nombreux à chercher refuge à l’extérieur de la région. Des sources proches du ministère de l’Intérieur algérien ont estimé à 12 000 le nombre de Syriens ayant pénétré sur le territoire ; avec d’autres estimations à plus de 25 000. Selon Eurostat, le bureau statistique de l’Union européenne (UE), 1 000 demandeurs d’asile syriens en moyenne sont arrivés en Europe chaque mois depuis le début de l’année.

Quelles sont les politiques aux frontières ?

Depuis le début du soulèvement syrien, la Jordanie, le Liban, la Turquie et l’Irak ont gardé leurs frontières ouvertes pour les Syriens. Par ailleurs, selon le HCR, les réfugiés n’ont pas besoin de visa lorsqu’ils entrent dans ces pays, qu’ils le fassent par les postes-frontières officiels ou non.

Cependant, la réalité est un peu plus complexe.

Des Syriens ont rapporté que le gouvernement syrien avait parfois refusé de les laisser partir en toute légalité, forçant plusieurs d’entre eux à franchir les frontières illégalement.

Si les frontières libanaises sont ouvertes aux réfugiés syriens, certains d’entre eux se sont plaints de l’absence de protection une fois en territoire libanais. Le 1er août, le quotidien libanais The Daily Star a rapporté la déportation en Syrie de 14 activistes anti-régime, notamment pour des accusations de vol, d’attaque contre la maison d’un officier de l’armée, d’insulte contre l’armée et d’utilisation de faux documents.

Il est également plus difficile pour les Syriens de pénétrer en Turquie et au Liban en raison de la présence de mines antipersonnel le long de la frontière avec ces pays.

Domiz camp for Syrian refugees in Dohuk Governorate, northern Iraq. In the photo: latrines made of brick and corrugated sheet metal - each family has its own
Photo: Heba Aly/IRIN
Le HCR agrandit le camp de Domiz pour accueillir un plus grand nombre de réfugiés
Au poste frontalier de Rabi’a, dans le nord de l’Irak, les Kurdes syriens sont automatiquement considérés comme des réfugiés en vertu d’une ordonnance rédigée par le Conseil des ministres du Kurdistan irakien. Les autorités kurdes irakiennes leur fournissent des papiers d’identité et de l’aide humanitaire. Le poste frontalier d’Al-Qa’im, situé plus au sud, a quant à lui été fermé à deux reprises par les autorités irakiennes, et notamment le 13 août dernier. Les réfugiés kurdes syriens ont rapporté des cas de demandeurs d’asile ayant été détenus ou repoussés par les autorités irakiennes. Certains Syriens sont également entrés illégalement en Irak, la plupart en prenant l’avion jusqu’à Bagdad pour entrer ensuite dans la clandestinité une fois leur visa expiré.

La politique d’ouverture de la Turquie a été constante et la fermeture des frontières au trafic commercial n’a pas affecté l’accès pour les réfugiés.

Où résident les réfugiés ?

Les Syriens s’étant réfugiés dans la capitale libanaise semblent avoir fait appel à des réseaux personnels et il est peu probable qu’ils aient besoin d’une aide supplémentaire. La majeure partie des réfugiés vivent cependant dans des maisons privées situées dans les régions frontalières, qui sont parmi les plus pauvres du pays. D’autres ont trouvé refuge dans des bâtiments publics comme des écoles ou des mosquées. Plusieurs agences des Nations Unies et organisations non gouvernementales (ONG) leur viennent en aide.

Za’atari, le premier camp officiel jordanien, est maintenant opérationnel. Ses neuf kilomètres carrés de désert peuvent accueillir jusqu’à 130 000 réfugiés. Mais les conditions y sont difficiles : les tentes ne sont pas adaptées à l’environnement désertique et plus de 2 500 mobile-homes sont nécessaires. Le camp manque par ailleurs de nourriture, de générateurs, de caissons réfrigérés, de réservoirs d’eau et de bennes à ordures.

Les conditions humanitaires des sept camps de réfugiés situés en Turquie et gérés par le Croissant-Rouge turc sont comparativement meilleures que celles des camps des pays voisins. Des manifestations ont cependant eu lieu dans plusieurs de ces camps pour protester contre le caractère aléatoire du système d’alimentation en eau potable et les mauvaises conditions d’hygiène. Il semble que ces conditions se soient améliorées depuis, du moins dans le camp de Kilis, situé dans le sud du pays.

En Irak, le HCR et le Croissant-Rouge irakien sont en train d’établir un nouveau camp à Al-Qa’im. Ce camp vient s’ajouter à celui de Domiz, au Kurdistan irakien, qui offre logement, éducation et soins de santé à 2 500 Kurdes syriens. Le camp de réfugiés palestiniens d’Al-Waleed est également remis en état pour accueillir 300 Syriens. Le HCR prévoit aussi d’installer 200 tentes dans la région d’Al-Kasik, à 50 kilomètres du poste-frontière de Rabi’a. Du personnel médical et des ambulances ont été envoyés dans ces différents camps de réfugiés.

Les réfugiés peuvent-ils circuler librement ?

En Turquie, les réfugiés étaient auparavant confinés dans les camps frontaliers gérés par le gouvernement, mais ils sont désormais autorisés à se déplacer librement dans le pays. Toutefois, la plupart n’ont pas les ressources nécessaires pour quitter les camps. Par ailleurs, l’accès des non-réfugiés aux camps est limité et strictement réglementé.

Au Liban, les réfugiés syriens ne sont pas autorisés à circuler librement. Les citoyens jordaniens pouvaient auparavant parrainer un réfugié et lui permettre du même coup de se déplacer dans le pays, mais ce système a changé récemment et le gouvernement jordanien oblige maintenant les réfugiés syriens à rester dans les camps situés près de la frontière.

Quelles sont les lacunes dans la réponse humanitaire ?

La plupart des réfugiés qui ont fui au Liban se sont installés dans le nord et dans la plaine de la Beqa’a à l’est, deux des régions les plus pauvres du pays. Là-bas, l’une des principales lacunes humanitaires est l’éducation : le taux d’inscription des réfugiés demeure extrêmement bas et moins de 13 pour cent des enfants réfugiés fréquentent l’école primaire. Certains directeurs d’école ont refusé d’accueillir des enfants réfugiés parce qu’ils ignoraient si le gouvernement leur rembourserait les coûts engendrés.

A Syrian Kurdish refugee child comes back from school in Domiz refugee camp in Iraqi Kurdistan. The Kurdish Regional Government is providing catch-up classes for the refugee children fleeing the conflict in Syria so that they can enrol in the upcoming sch
Photo: Heba Aly/IRIN
Une réfugiée syrienne revient de l’école au camp de Domiz, au Kurdistan irakien
Les besoins médicaux des réfugiés représentent également une préoccupation majeure pour le HCR. Le Haut comité de secours libanais (HCS) a annoncé le mois dernier qu’il cesserait de couvrir « les frais d’hospitalisation et de soins des Syriens blessés et/ou réfugiés au Liban ». Des donateurs des pays du Golfe sont intervenus pour combler les lacunes dans les services de santé primaire, mais les services de santé secondaire sont toujours déficients.

Une évaluation réalisée conjointement par le gouvernement jordanien et les organisations d’aide humanitaire a identifié la distribution de vivres et la mise en place de systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement comme des priorités majeures et croissantes. L’augmentation du nombre de Syriens déplacés vivant dans des communautés a par ailleurs accentué la pression sur les autorités locales pour la fourniture des services publics basiques.

En Irak, les lacunes identifiées, comme le besoin de médicaments, sont surtout dans le secteur de la santé. Des articles ménagers, des réseaux/réservoirs d’eau, des générateurs et du carburant, des tentes, des soins de santé, de l’argent et, éventuellement, des emplois sont également nécessaires dans les camps aménagés pour accueillir les réfugiés syriens à Al-Qa’im et Al-Waleed.

Le service des eaux de Fayda continue de livrer de l’eau potable par camion-citerne au camp de Domiz, mais le camp s’agrandit et un système d’approvisionnement en eau plus durable sera bientôt nécessaire.

De nombreux réfugiés s’inquiètent pour leur sécurité ; ceux qui ont fui en Jordanie et au Liban disent craindre d’être pourchassés par les services de renseignement syriens. Plusieurs attaques, kidnappings ou manœuvres d’intimidation commis par des agents du régime à l’encontre des réfugiés ont été rapportés au cours des derniers mois.

Qu’en est-il du financement ?

Au début de la crise, le Fonds central d’intervention d’urgence des Nations Unies (CERF) a alloué 9,7 millions de dollars aux agences des Nations Unies et aux ONG pour venir en aide aux Syriens.

Le Plan d’action régional pour les réfugiés syriens, qui a été révisé en juin pour inclure les besoins des 185 000 réfugiés syriens supplémentaires attendus d’ici la fin de l’année, est actuellement financé à hauteur de 40 pour cent (193 millions de dollars ont été demandés). Les États-Unis et la Commission européenne sont les plus importants donateurs.

Comme l’a récemment indiqué Valerie Amos, la Coordinatrice des secours d’urgence des Nations Unies, le manque de fonds retarde l’exécution de certains projets prioritaires dans des secteurs clés comme la santé et l’accès à l’eau et à l’assainissement.

Quel est l’impact politique de la crise des réfugiés ?

Parmi les quatre pays voisins, seule la Turquie a signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ; le Liban et la Jordanie considèrent les Syriens comme des « invités » et non pas comme des « réfugiés ».

La question des réfugiés est particulièrement délicate au Liban en raison de la présence au Parlement de plusieurs factions pro-syriennes. Le gouvernement s’est montré réticent à mettre en place des camps pour les réfugiés syriens. Il craint en effet que la situation dans ces camps ne devienne explosive, comme cela a été le cas par le passé dans les camps de réfugiés palestiniens du pays. Des informations selon lesquelles les rebelles auraient utilisé des zones du Liban comme bases pour lancer des attaques contre les forces syriennes viennent par ailleurs alimenter le sentiment d’inquiétude.

Les craintes de débordements de violence existent également ailleurs. Selon The New York Times, les autorités jordaniennes tentent de plus en plus d’exercer un certain contrôle sur les activistes syriens anti-régime qui ont fui en Jordanie. Le pays s’inquiète en effet que la violence qui règne en Syrie s’étende au territoire jordanien.

Au Kurdistan irakien, certains réfugiés syriens reçoivent un entraînement militaire de la part du gouvernement régional du Kurdistan, provoquant des inquiétudes. Le gouvernement soutient que les réfugiés ainsi formés seront uniquement renvoyés en Syrie si la chute du régime entraîne un vide sécuritaire. D’autres réfugiés pourraient se montrer solidaires avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe séparatiste, exacerbant du même coup les tensions avec la Turquie.

ag/kb/ha/rz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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