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Les avis sur les deux Soudans

17-year old Zouhal Iead leaves Kurmul hospital after being treated for shrapnel wounds Hannah McNeish/IRIN
Le Soudan suscite depuis très longtemps une pléthore de rapports académiques et d’analyses de groupes de recherche, en particulier dans les périodes d’insécurité accrue et dans les moments politiques importants. Suite à la division du pays en deux Etats, le conflit actuel dans les zones frontalières a engendré une abondance de documents de ce type. Les paragraphes suivants présentent le dernier épisode de la série de compte rendus publiée à intervalle irrégulier par IRIN.

L’International Crisis Group (ICG) évoque un risque accru de guerre sur des fronts multiples.

« Après la fin de l’Accord global de paix [le CPA, signé en 2005], les purs et durs du NPC [le Parti national du Congrès, actuellement au pouvoir] ont choisi, plutôt que de négocier avec les forces d’opposition soudanaises, la solution militaire, ce qui est une réaction assez courante en politique, face à l’opposition. « Cependant, cette décision est en train de rapprocher les mouvement rebelles et les forces d’opposition du Soudan - des groupes disparates – et pourrait provoquer une guerre civile pour le contrôle du pays. »

Dans cette phase post-CPA, il n’existe pas de cadre permettant de répondre aux nombreux défis qui attendent encore le Soudan. L’attention internationale, dans son souci de faire respecter le référendum et l’indépendance du Soudan du Sud, a en effet grandement sous-estimé l’impact de la sécession sur le nord, indique le rapport.

« En plus de la reprise de la guerre dans les Etats du Sud-Kordofan et du Nil bleu, il faut probablement s’attendre à une escalade de la violence au Darfour, surtout maintenant que le leader du mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) est revenu de Libye et a rejoint les forces [d’opposition] au Darfour. »

Selon un rapport de l’Université de Halle en Allemagne, The Genesis of Recurring Wars in Sudan (La genèse des guerres récurrentes au Soudan), « la reprise du conflit armé dans les montagnes du Nuba [au Sud-Kordofan] signifie que le CPA n’était pas un accord « complet » ni « définitif » pour résoudre les conflits récurrents au Soudan. Il s’agissait plutôt, du point de vue du Soudan, d’une « trêve » ou d’un « cessez-le-feu » à long terme.

« …Les tirs nourris qui ont éclaté dans la capitale du Sud-Kordofan, Kadugli, le 5 juin, n’étaient pas le début de quelque chose de nouveau, mais plutôt le point culminant de plusieurs processus violents simultanés. Ceux-ci avaient pris des formes différentes et s’étaient produits à différents niveaux pendant toute la période transitionnelle du CPA et même avant, et incluent des événements qui peuvent paraître lointains.

« La dernière élection au Sud-Kordofan ne pouvait qu’être un échec, non pas pour des raisons techniques, mais parce qu’elle fut considérée comme un match nul entre les deux partis, le NPC et le SPLM/A [Mouvement/Armée de libération du peuple soudanais]. En conséquence, les formes de mobilisation ethno-politiques appliquées durant la guerre ont été perpétuées et encore renforcées, » explique le rapport, attribuant la récurrence de la guerre au Soudan aux principaux acteurs politiques qui opèrent principalement de manière militaire.

« Seul un changement radical des règles du jeu peut donc constituer une solution, » ajoute le rapport. « Cette permanence de la logique de guerre a empêché le développement de voix plurielles et de nouvelles manières de procéder qui sont nécessaires pour proposer des alternatives politiques non violentes aux injustices et aux inégalités historiques. En conclusion, la militarisation perpétuelle de la société continuera à empêcher de briser le cercle vicieux de l’alternance entre paix fragile et guerres récurrentes. »

La pauvreté et l’intense marginalisation des régions périphériques, qui vont de pair avec la médiocrité de la gouvernance, sont les raisons centrales des conflits continuels au Soudan, indique un rapport de l’Université Uppsala en Suède, The Crises Continue - Sudan’s Remaining Conflicts. (La crise continue – Les conflits permanents au Soudan)

L’inégalité entre les régions ayant fait naître la frustration et servi de terreau à la rébellion, le besoin de décentralisation est grand, indique le rapport. « La propension du gouvernement à utiliser les milices et les stratégies du ‘diviser pour mieux régner’ doit cesser si l’avenir doit s’éclaircir pour le Soudan, » poursuit le rapport.

Le rapport recommande également de faire face aux diverses crises en parallèle, car jusqu’ici, « la communauté internationale a clairement montré son incapacité à faire face simultanément aux problèmes des différentes régions du Soudan. »

Appel aux sanctions

Dans une lettre du 6 décembre au ministre des Affaires étrangères britannique, William Hague, le parlement du Royaume-Uni notait que « le nombre de morts et l’ampleur des souffrances résultant des offensives militaires sans scrupules lancées contre les populations du Sud-Kordofan et du Nil bleu, l’interdiction d’accès aux enquêteurs internationaux ou aux médias, ainsi que le refus de laisser les organisations humanitaires porter secours aux victimes des offensives militaires, et enfin, la liste des rapports concernant les violations des droits humains - notamment les arrestations injustifiées, les tortures et les menaces d’exécution - justifient apparemment une réaction plus dure que la continuation du dialogue…

Southern Sudanese soldiers patrol the streets of  the southern capital Juba. A fresh disarmament drive has been launched aimed to seize illegally held weapons
Photo: Peter Martell/IRIN
Des soldats sud-soudanais patrouillent dans les rues de Juba. Les stocks d’armes légères sont très répandus au Soudan du Sud (photo d’archives)
« Nous avons souligné [l’intérêt] d’imposer des sanctions ciblées aux membres principaux du NCP, parce que cela ferait pression sur ceux qui actuellement jouissent sans entrave de leur droit de voyager pour se rendre à Londres ; beaucoup parmi eux possèdent des résidences ici. »

La lettre ajoutait qu’à moins que le gouvernement britannique « ne se montre capable de prendre des décisions effectives, au lieu de continuer à faire du dialogue une priorité, le danger est bien réel que Khartoum ne pense qu’il peut encore faire monter le niveau d’agression en toute impunité, provoquant non seulement de terribles conséquences humanitaires, mais aussi des répercussions sévères pour la nouvelle et vulnérable nation du Soudan du Sud et pour la stabilité géopolitique de la région. »

Le 8 décembre, le ministre des Affaires étrangères du Soudan du Sud a tiré la sonnette d’alarme, disant que le nord et le sud étaient « au bord de la guerre », après les affrontements aux environs de Jau, le long de la frontière du Sud-Kordofan et de l’Etat d’Unité au Soudan du Sud. Des centaines de réfugiés qui ont fui le Sud-Kordofan se trouvent maintenant dans l’Etat d’Unité.

Les affrontements au Sud-Kordofan opposent les Forces armées du Soudan (SAF) et la branche nord du Mouvement de libération du peuple soudanais (SPLM-N). Beaucoup de citoyens du Sud-Kordofan étaient du côté du sud durant la guerre civile.

« Les bombes qui tombent ne font pas de différence : elles tuent et mutilent les jeunes comme les vieux, les hommes comme les femmes, les chrétiens comme les musulmans. Bref, des civils innocents sont devenus des cibles et leurs souffrances une monnaie d’échange politique, » a indiqué dans sa déclaration la Province de l’Eglise épiscopale au Soudan, en exhortant les deux gouvernements à négocier.

Le conflit pourrait encore empirer. Selon un communiqué de la fin novembre publié par des membres d’Enough Project travaillant sur le terrain, le SPLM-N et le JEM, ainsi que deux factions du SPLM/A, ont récemment signé une déclaration à Kauda, au Sud-Kordofan, instituant le Front révolutionnaire du Soudan, dont le but est de renverser le NCP par n’importe quel moyen, en faisant surtout converger l’action politique civile et la lutte armée.

Ce communiqué cite également l’ancien gouverneur de l’Etat du Nil bleu, Malik Agar, qui a été remplacé par le NCP avant que Kurmuk ne tombe le 3 novembre aux mains des SAF : « Perdre des batailles est assez naturel en temps de guerre.

« Cependant, la guerre n’est pas encore perdue, même si [le Président Soudanais, Omar el] Bashir fait beaucoup de tapage politique sur la question. Bashir a décrété que le SPLM [-N] était mort, mais je vous le dis, ce n’est pas la fin du mouvement, et le SPLM [-N] est bien vivant et en pleine forme. »

Soutiens rivaux

Dans l’entre temps, le Soudan et le Soudan du Sud s’accusent mutuellement de soutenir des insurgés rivaux.

« De solides indications montrent que les forces de Peter Gadet et de George Athor [qui font partie des principaux commandants des insurgés de la région du Nil supérieur] ont reçu un soutien logistique et matériel, notamment des armes légères et des munitions, de Khartoum et d’autres sources externes, » note un rapport de novembre de Small Arms Survey.

Selon le rapport, dans la région du Nil supérieur, région productrice de pétrole, qui comprend les Etats de Jonglei, d’Unité et du Nil supérieur, les rébellions armées incessantes ont pour but d’imposer des changements au gouvernement basé à Juba ou de le faire tomber.

Cette région du Nil supérieur constitue une grande partie de la frontière avec le Soudan et les stocks d’armes légères sont très répandus dans la région, malgré de nombreuses campagnes de désarmement des civils, indique le rapport, qui ajoute qu’« à un moment où la République du Soudan du Sud doit faire face à de multiples autres menaces sur sa frontière avec le Soudan…. [elle a] en fin de compte échoué à contenir la menace rebelle.

« L’impasse actuelle laisse le nouveau pays dans une situation de vulnérabilité et d’instabilité. »

Le 14 décembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a élargi le mandat de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA), afin d’inclure une assistance au processus de normalisation de la frontière, après avoir reconnu que « la situation qui règne dans cette région constituait une menace pour la paix et la sécurité internationales. »

aw/am/mw-og/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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