« Certains les croyaient et ont vendu leur bétail, acheté des chèvres et mis de l’argent de côté », a indiqué Uka Dida, le chef du kebele (village) de Dembi. « Je ne les ai pas crus et j’ai perdu la totalité de mon bétail – cette leçon m’a coûté cher ».
Aujourd’hui, les anciens annoncent qu’il n’y aura pas non plus de pluies cette année en octobre. Leurs calculs sont basés sur les phases de la lune et la position des étoiles. Cette fois, les responsables locaux accordent du crédit à ces prévisions.
« Nous ne disposons pas de services météorologiques efficaces ici – les anciens font leurs propres calculs et leurs résultats ne sont pas encourageants », a dit Ephrem Ombosho, le directeur de l’un des bureaux de l’Agence de préparation et de prévention des catastrophes de Borena. Lui et son équipe procèdent à une évaluation des besoins locaux.
Comme d’autres éleveurs de la région, ceux de Borena disposent d’un éventail de techniques qui leur permettent d’anticiper et même de prévoir la sécheresse ; certaines de ces techniques sont basées sur l’observation de phénomènes naturels, comme la croissance des pousses de certaines plantes à des périodes précises de l’année. Leur système de calendrier, qui est fondé sur l’observation de la lune et des étoiles, et dont l’utilisation remonterait à 200 ans avant J.C. selon les chercheurs, inclut une forme d’astrologie et des prévisions météorologiques.
A la recherche de pâturages
Selon les Nations Unies, la zone de Borena située au sud du pays, tout comme d’autres régions de la Corne de l’Afrique, se trouve dans une situation proche de la famine, sur une échelle de cinq points.
« Nous réfléchissons à la possibilité de créer des coopératives afin de mettre notre argent en commun et de pouvoir faire face aux situations difficiles comme celle que nous traversons actuellement », a dit M. Uka. « Nous conseillons également aux populations d’acheter des chèvres, qui sont plus résistantes en cas de sécheresse, et peut-être de se séparer de leur bétail maintenant ».
D’autres essayent de trouver des emplois temporaires de l’autre côté de la frontière, au Kenya, mais la situation n’y est pas meilleure. Des responsables ont indiqué qu’au moins 20 pour cent de la population de Borena a migré dans les zones voisines. « Mais pensez au problème de surpâturage que cela va occasionner », a dit un travailleur humanitaire.
La région d’Oromia connaît deux saisons des pluies : la principale, d’octobre à novembre, la seconde, moins importante, de février à mai. Ces deux saisons ont été insuffisantes dans la zone de Borena : des milliers de têtes de bétail ont péri et la vie de ceux qui en dépendaient a été détruite. Selon le gouvernement, le nombre de bénéficiaires de l’aide a augmenté de 41 pour cent entre avril et juillet 2011.
En ce moment, il fait moins chaud à Borena. Des nuages sombres s’amoncellent, « mais ces nuages passent au-dessus de nous chaque année à cette période – ils viennent du Kenya et se déplacent vers les hautes terres, ils ne sont pas là pour nous », a dit Seifu Mekbib, un expert agricole de l’administration locale de Moyale, une ville située à la frontière entre l’Éthiopie et le Kenya.
Une partie du bétail risque de ne pas survivre s’il ne pleut pas. Sur les 1,29 million d’habitants que compte Borena, au moins 412 000 personnes ont déjà bénéficié d’une aide alimentaire, et notamment de l’aide fournie dans le cadre du Programme de filet de sécurité productif (PSNP).
Pertes de bétail
Il y a un mois seulement, la puanteur des carcasses de bétail, d’ânes et même de poulets en décomposition a envahi le sud de la zone de Borena. « La chaleur et l’odeur étaient tellement violentes – il nous était très difficile de nous déplacer », a indiqué un travailleur humanitaire à IRIN.
Un villageois de Dikicha, situé à environ 20 km de la frontière de l’Éthiopie et du Kenya au sud, a montré du doigt un long fossé où se trouvaient des dépouilles d’animaux. IRIN a visité quatre villages et a recueilli des histoires similaires faisant état de la mort de centaines de bêtes.
Photo: Jaspreet Kindra/IRIN |
Les bénéficiaires de l'aide ne veulent pas seulement des céréales. Cette photo a été prise à un point de distribution du PSNP dans la zone de Borena |
Certains éleveurs, qui avaient reçu des compensations, ont indiqué que leur montant était insuffisant pour remplacer le bétail mort. « J’ai reçu 800 birr [environ 47 dollars] pour une vache, alors qu’il m’en faut 1 500 [environ 88.50 dollars] pour en acheter une autre », a dit Boru Iba, qui est membre d’une association villageoise.
Mis en œuvre par le gouvernement, le PSNP cible les populations qui risquent d’être confrontées à l’insécurité alimentaire et propose un emploi garanti cinq jours par mois contre de la nourriture ou de l’argent. Ce programme, qui est arrivé à échéance dans la zone de Borena, est mis en œuvre pendant six mois chaque année et vient également en aide aux personnes âgées et aux handicapés.
Colère
Dans la ville de Moyale, la dernière distribution de nourriture organisée dans le cadre du PSNP a généré quelques rancœurs. Dhebo Giro, qui est âgé de 60 ans et habite dans le village de Shabare, a demandé : « Qu’allons-nous faire au cours des trois prochains mois et que se passera-t-il s’il ne pleut pas en octobre » ?
La population était également scandalisée de ne recevoir que des céréales. « Nous n’avons pas les moyens d’acheter du sel, de l’huile, et je n’ai même pas d’eau – Je suis une femme, j’ai besoin d’eau, mais je ne peux me laver qu’une fois par mois », a ajouté Mme Dhebo.
Mais Hussein Hassen, un agent de terrain pour le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, qui fournit la nourriture pour le programme, a indiqué que les ressources étaient limitées.
En raison du prix élevé de la nourriture, a-t-il dit, des efforts étaient réalisés afin de s’assurer que les communautés d’éleveurs reçoivent de la nourriture plutôt que de l’argent.
Les admissions aux programmes d’alimentation thérapeutique de la région d’Oromia ont augmenté de 37 pour cent entre février et mars, selon le document Humanitarian Requirements qui vient d’être publié par le gouvernement [et ses partenaires sur les besoins humanitaires].
M. Ombosho, le responsable local en charge de la réduction des risques de catastrophes, a indiqué qu’il y aurait une augmentation de l’aide alimentaire, mais que le nombre de personnes ayant besoin de cette aide croissait rapidement.
Dans le village de Demdi, les chiffres ont doublé au cours des trois derniers mois, selon Barude Gideso, un expert de la sécurité alimentaire au bureau de l’Agence de préparation et de prévention des catastrophes. En conséquence, la quantité de mélange maïs-soja par bénéficiaire a été réduite, passant de quatre kilogrammes à un kilogramme.
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