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Le point sur les positions des Etats-Unis et de la France

U.S President Barrack Obama and French President Nicolas Sarkozy Wikimedia Commons
Les présidents Barack Obama et Nicolas Sarkozy feraient-ils cause commune ?
IRIN a publié une série de comptes rendus sur la crise qu’ont provoquée en Côte d’Ivoire les élections contestées de novembre 2010. Tandis que Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara revendiquent tous deux la présidence, les divisions politiques viennent aggraver le climat de violence.

Alors que les instances régionales et internationales ont à plusieurs reprises exhorté M. Gbagbo à céder la place, les sanctions et les efforts de médiation sont bien incapables de débloquer l’impasse. M. Gbagbo et M. Ouattara ont des administrations rivales et essaient l’un comme l’autre de maximiser leurs ressources et d’isoler l’adversaire. La série de comptes rendus mis à jour par IRIN examine comment les Nations Unies, les instances régionales comme l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les gouvernements occidentaux, et l’Union Européenne (l’UE), réagissent à la crise, et étudie également les conséquences du délabrement de la situation sur l’économie, les droits humains et les problèmes humanitaires.

Les Etats-Unis – jouent-ils uniquement un rôle de second plan ?

Susan Rice, ambassadeur des Etats-Unis aux Nations Unies, a été parmi les premiers hauts diplomates à plaider en faveur d’une reconnaissance de la victoire de M. Ouattara. Depuis lors, le président Barack Obama, la secrétaire d’Etat Hilary Clinton et plusieurs autres figures du gouvernement se sont exprimés à ce sujet. Le message a été systématiquement répété : Laurent Gbagbo doit céder le pouvoir à Alassane Ouattara ; plus M. Gbagbo tardera à suivre ce conseil, plus les sanctions seront lourdes, a en outre laissé entendre Washington, avec de plus en plus de clarté. Tout en plaidant en faveur d’une résolution politique de la crise, les Etats-Unis ont averti qu’au cours des négociations, M. Gbagbo ne devrait pas imposer de conditions sine qua non, ni tenter de relancer le débat sur les élections. S’il a été suggéré que M. Gbagbo pourrait proposer de nommer M. Ouattara au poste de vice-président tout en se maintenant à la tête de l’Etat, cette hypothèse n’a pas gagné l’approbation de Washington, l’administration Obama indiquant sans équivoque que les résultats des élections avaient été certifiés par la communauté internationale et qu’il fallait en tenir compte.

M. Gbagbo adopte actuellement des mesures de plus en plus désespérées pour se maintenir à flot et ne souhaite en aucun cas voir ses activités financières soumises à l’examen d’un gouvernement hostile ; d’aucuns craignent donc également qu’il ne se cherche des défenseurs dans les médias et ailleurs pour plaider sa cause. Les Etats-Unis, quant à eux, soutiennent fermement l’UA et la CEDEAO dans le cadre des initiatives de médiation, mais ils s’inquiètent d’un essoufflement et du manque de cohésion des deux organismes africains à mesure que la crise se poursuit et qu’il devient de plus en plus difficile de maintenir le consensus. Parallèlement, d’autres avertissements ont été lancés, notamment par la secrétaire d’Etat Hilary Clinton, concernant l’état, de plus en plus préoccupant, des droits humains dans le pays.

Foi en la diplomatie africaine

Les Etats-Unis ont reconnu la nomination, par Alassane Ouattara, d’un nouvel ambassadeur, Daouda Diabaté, pour remplacer Charles Yao Koffi, envoyé de Laurent Gbagbo. Si M. Gbagbo a exigé l’expulsion des Nations Unies et des ambassadeurs de France, du Canada et du Royaume-Uni, Washington n’a pas encore été enjoint de fermer son ambassade. Toutefois, l’ambassadeur Phillip Carter a essuyé des critiques virulentes dans la presse pro-Gbagbo, qui a dénoncé à plusieurs reprises un complot fomenté par l’Amérique et la France en vue d’installer Alassane Ouattara au pouvoir. Ahoua Don Mello, porte-parole du gouvernement, a récemment accusé l’ambassadeur d’ingérence « grave et inadmissible » dans les affaires du pays, en réaction directe à un point de presse donné par M. Carter à Washington, le 4 février.

Phillip Carter a explicitement minimisé le rôle de Washington dans la résolution du conflit, insistant sur l’importance du rôle de leader joué par l’Afrique. « Voilà comment cela va se dérouler : il s’agit en gros d’une question ivoirienne, d’une question africaine, et les Africains envisagent leurs ressources et les moyens qui leur permettraient de mettre en œuvre cette transition politique pacifiquement ».

M. Carter a souligné la légitimité des élections, et clairement pris le parti de la Commission électorale indépendante (CEI), qui a validé la victoire de M. Ouattara en décembre, s’opposant à la position de la Cour constitutionnelle, qui a proclamé M. Gbagbo vainqueur. « Nous soutenons le président Ouattara », a insisté M. Carter. « Tenter de rejeter l’issue de ce scrutin serait un énorme pas en arrière pour la démocratie en Afrique subsaharienne ».

« La situation est telle que le pays est dans un état de stagnation. Tout est paralysé », a dit M. Carter à propos de la situation en Côte d’Ivoire, à la suite des élections. L’ambassadeur a signalé une dégradation de la situation dans le domaine des droits humains et accusé M. Gbagbo de détourner à son compte les médias étatiques, « les convertissant en une machine de propagande qui ne déverse essentiellement que des informations incorrectes ». Se faisant l’écho des avertissements précédents de Barack Obama et Hilary Clinton, M. Carter a également indiqué que la recrudescence des violences soulevait d’importantes questions de responsabilité.

M. Carter a reconnu que le gouvernement d’Alassane Ouattara était effectivement « séquestré » pour le moment, mais selon lui, le temps travaille pour M. Ouattara : face aux efforts déployés par ce dernier en vue d’obtenir le contrôle des principales institutions financières, notamment la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), et grâce à l’imposition de sanctions internationales, l’étau se resserrera progressivement sur Laurent Gbagbo. « On ignore en revanche le temps que cela prendra », a admis M. Carter.

Au cours d’une interview télévisée avec le journaliste américain George Curry en janvier, M. Gbagbo a déclaré que Phillip Carter avait été « discrédité », expliquant que s’il n’avait pas répondu aux appels téléphoniques de la Maison blanche, c’est parce qu’il ne faisait plus confiance à M. Carter. Les relations entre M. Gbagbo et Wanda Nesbitt, qui précédait M. Carter au poste d’ambassadeur, auraient également été tendues, comparées à celles, cordiales, qu’entretenait le président avec l’ancien ambassadeur Aubrey Hooks.

D’autres représentants du gouvernement se sont faits l’écho de la prudence de M. Carter. Interrogée par la chaîne de télévision française France 24 sur l’intention des Etats-Unis de soutenir un recours à la force contre M. Gbagbo, Mary Beth Leonard, directrice du bureau des affaires de l’Afrique de l’Ouest au ministère américain des Affaires étrangères a répondu qu’aucune « option ne devrait être exclue », tout en soulignant néanmoins à plusieurs reprises l’importance de l’approche diplomatique adoptée par la CEDEAO et l’UA.

Une délégation de la CEDEAO, dirigée par le président sierra-léonais Ernest Koroma et comptant parmi ses membres le ministre nigérian des Affaires étrangères Odein Ajumgobia, s’est rendue à Washington le 26 janvier pour rencontrer Tom Donilon, conseiller à la sécurité nationale, et Johnny Carson, secrétaire d’Etat adjoint. La Maison blanche a fait savoir que le débat avait porté sur la résolution pacifique de la crise en Côte d’Ivoire et la manière d’assurer le départ de M. Gbagbo, toutes les parties notant « l’importance du maintien d’une unité internationale sur ce point ».

Coopération militaire des Etats-Unis avec la CEDEAO

L’armée américaine a noué de solides partenariats avec un certain nombre d’armées d’Afrique de l’Ouest. Le major-général David Hogg, qui dirige l’Armée américaine section Afrique (USARAF), s’est rendu auprès de plusieurs commandements militaires au Ghana, au Togo et au Bénin, les 10-14 janvier.

J. Anthony Holmes, adjoint au Commandant chargé des activités civiles et militaires du Commandement militaire des Etats-Unis pour l'Afrique (Africom), et ancien ambassadeur des Etats-Unis au Burkina Faso, s’est rendu au Nigeria à la fin du mois de janvier. Dans le cadre de l’aide apportée par les Etats-Unis à l’armée nigériane, cinq avions C-130 Hercules ont notamment été rénovés, une tâche assumée à la demande des Nigérians, pour soutenir les opérations de maintien de la paix en Afrique.

En février, Africom a organisé la Conférence annuelle des hauts dirigeants au siège de l’USARAF, à Vicence, en Italie. La conférence, à laquelle ont participé les personnels militaires de l’UA et de la CEDEAO, avait pour thème principal « Fournir des capacités à un environnement informationnel conjoint ». La mission des Etats-Unis auprès de l’Union africaine à Addis-Abeba se compose d’un pôle militaire important, qui collabore étroitement avec le Conseil de paix et sécurité de l’UA sur différentes questions telles que l’atténuation des conflits par la médiation et le maintien de la paix, ainsi que l’aide à la Force africaine en attente (FAA).

Les Etats-Unis, tout comme l’Union européenne, l’UA et la CEDEAO, sont catégoriques : une intervention militaire ne devrait être envisagée qu’en dernier recours. Les hauts responsables reconnaissent néanmoins que les Etats-Unis ont pris part, en collaboration avec la CEDEAO, « aux tout premiers efforts de planification » des différents scenarios à envisager en cas d’échec de l’approche diplomatique. Dans l’éventualité où une force d’intervention de la CEDEAO devrait être formée avec la participation d’armées partenaires des Etats-Unis, l’aide américaine engloberait probablement aussi un entraînement préalable au déploiement, ainsi que l’approvisionnement en petites quantités d’équipement.

« Tout le monde dit que cet homme n’est qu’un voyou sans foi ni loi qui doit partir. Ce n’est pas vrai. C’est un chrétien, c’est un homme bien et il a su diriger la Côte d’Ivoire sans trop d’accroc »
Les défenseurs de Laurent Gbagbo

Les grands défenseurs américains de Laurent Gbagbo sont rares, mais le Christian Broadcasting Network (CBN) du télévangéliste Pat Robertson a contesté la position de la communauté internationale sur la Côte d’Ivoire ; le réseau a présenté le conflit Ouattara-Gbagbo comme une dissension entre chrétiens et musulmans, Pat Robertson défendant lui-même avec véhémence Laurent Gbagbo. M. Robertson a ainsi déclaré à ses téléspectateurs : « Tout le monde dit que cet homme n’est qu’un bandit qui doit partir. Ce n’est pas vrai. C’est un chrétien, c’est un homme bien et il a su diriger la Côte d’Ivoire sans trop d’accroc ».

Charles Steele Jr, éminent défenseur des droits civils et homme d’affaires, qui dirigeait auparavant la Conférence des leaders chrétiens du sud (SCLC), autrefois présidée par Martin Luther King, s’est rendu à Abidjan en janvier, a rencontré Laurent Gbagbo et s’est engagé à créer un Centre pour la paix et la résolution des conflits. Laurent Gbagbo, qui compte Martin Luther King parmi ses héros, a dit soutenir cette initiative.

France – fermes déclarations et altercations à l’ambassade

Le président français Nicolas Sarkozy a quant à lui déclaré soutenir fermement la victoire électorale de M. Ouattara et publié une série de communiqués, s’opposant aux efforts déployés par M. Gbagbo pour tenter de se maintenir au pouvoir ; il a notamment lancé un ultimatum à Laurent Gbagbo, le 17 décembre, l’enjoignant de partir « d’ici à la fin de la semaine », sous peine de sanctions. « Le président de la Côte d’Ivoire s’appelle Alassane Ouattara », a insisté M. Sarkozy, soulignant que la Côte d’Ivoire était un exemple important pour la démocratie africaine. En réaction, Simone Gbagbo a qualifié Nicolas Sarkozy de « diable ».

Nicolas Sarkozy reste toutefois opposé à une intervention militaire française. Pour le président comme pour le ministre de la Défense Alain Juppé, la Force Licorne, qui compte 900 hommes, n’a vocation qu’à compléter l’ONUCI et à défendre les ressortissants français. Ce point de vue a également été exprimé par Henri de Raincourt, ministre français chargé de la Coopération, au cours d’une visite à Ouagadougou, où celui-ci a souligné : « la France n’appelle pas et n’a jamais appelé à recourir à la force armée ». Après sa rencontre avec Ban Ki-moon, à New York le 7 février, le ministre français de la Défense Alain Juppé a dit que la meilleure tactique à employer contre M. Gbagbo consistait à imposer des sanctions économiques. « Je crois qu’il faut les appliquer avec beaucoup de détermination », a-t-il estimé.

Dans son discours-programme à l’UA, prononcé à Addis-Abeba le 30 janvier, Nicolas Sarkozy a fait allusion, brièvement mais sans équivoque, à la crise ivoirienne, qualifiant la Côte d’Ivoire de pays « où la volonté librement exprimée par un peuple entier au cours d’élections qui devaient sceller le retour à la paix est traitée avec dédain », ajoutant que « la France soutient résolument les efforts de l’Union africaine, de la CEDEAO et du Secrétaire général des Nations Unies ».

Laurent Gbagbo et ses partisans restent extrêmement circonspects quant aux intentions de la France. Ahoua Don Mello, le porte-parole de Laurent Gbagbo, a annoncé le 22 janvier que l’accréditation de l’ambassadeur français Jean-Marc Simon avait été retirée et que M. Simon devait désormais se considérer comme « sans emploi, un citoyen français ordinaire qui n’est plus pour nous un interlocuteur ». Le gouvernement français a rapidement jugé cette mesure illégale et insisté pour que M. Simon conserve ses fonctions. « Les positions et déclarations prétendument faites au nom de la Côte d'Ivoire par ceux qui ne tirent pas les conséquences des résultats des élections présidentielles sont jugées illégales et illégitimes par la France », pouvait-on lire dans un communiqué officiel.

L’affaire Simon n’est pas sans rappeler un épisode précédent, datant de 2002 : cette année-là, le président Gbagbo avait fait pression en faveur du rappel de Renaud Vignal, alors ambassadeur de France, qui a quitté la Côte d’Ivoire en octobre 2002, protestant contre une mauvaise restitution de ses propos par les médias étatiques ivoiriens.

L’accréditation de M. Simon a été retirée, semble-t-il, en réaction à la reconnaissance, par le gouvernement de M. Sarkozy, de l’ambassadeur désigné par M. Ouattara à Paris, l’ancien journaliste Ali Coulibaly, et à la demande de rappel de l’universitaire Pierre Kipré, nommé par Laurent Gbagbo. S’étant vu refuser l’accès à l’ambassade, M. Coulibaly et ses partisans y ont pénétré de force, le 25 janvier, et M. Coulibaly a reçu l’accréditation officielle des autorités françaises.

Selon la presse française, le ministère français des Affaires étrangères a contribué à persuader une délégation de députés de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), le parti de M. Sarkozy, d’annuler une mission en Côte d’Ivoire. Selon les détails de l’itinéraire, rendus publics à Abidjan, les députés devaient rencontrer plusieurs membres du gouvernement Gbagbo, non reconnu en France. Les hautes personnalités de l’UMP ont critiqué la mission, laissant entendre qu’elle avait été organisée sans en informer la hiérarchie du parti, et que les rencontres prévues entre les députés et Laurent Gbagbo risquaient de servir à alimenter la propagande de ce dernier.

M. Gbagbo jouit toujours du soutien de certains alliés de longue date au sein du Parti socialiste (PS) français, notamment Guy Labertit, souvent qualifié de « M. Afrique » du PS, qui a assisté à l’intronisation de M. Gbagbo et accusé les Nations Unies, « d’usurpation de pouvoir », puisque celles-ci tentent, dit-il, d’installer Alassane Ouattara en dépit de solides preuves de fraude électorale.

Si le FPI de Laurent Gbagbo reste membre de l’Internationale socialiste, certains analystes, à Abidjan comme à Paris, font remarquer que les alliances de M. Gbagbo s’étendent d’un bout à l’autre de l’éventail politique. Marcel Ceccaldi, avocat parisien qui a compté parmi ses clients Dadis Camara, haut responsable militaire guinéen et personnalité importante du Front national (FN) français, a sévèrement critiqué Ban Ki-moon pour son rôle dans la certification des élections, expliquant que les Nations Unies avaient outrepassé leur mandat et n’avaient tenu aucun compte des procédures constitutionnelles ivoiriennes.

cs/cb – nh/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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