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La pauvreté renforce les tendances d’indépendance dans la province occidentale

President Rupiah Banda (left) walks with the Lozi king, Lubosi Imwiko II, at the Kuomboka ceremony that marks the annual flooding of the Zambezi river Nebert Mulenga/IRIN
Dans la province la plus pauvre de Zambie, la répartition inégale des ressources et la pauvreté viennent renforcer les tendances sécessionnistes à caractère ethnique.

« Les tensions qui règnent dans la province occidentale sont le résultat de l’indifférence dont a souffert la région en termes de développement socioéconomique et des infrastructures », a dit à IRIN Thomas Mabwe, directeur du département des études sur le développement à l’université ouverte de Zambie.

« Le taux de pauvreté dans la province occidentale est le plus élevé du pays et on remarque très peu de progrès en termes de développement des infrastructures. Dans une certaine mesure, les habitants réagissent simplement au sous-développement de leur région », a-t-il ajouté.

Des manifestations ont eu lieu plus tôt ce mois-ci à Mongu, la capitale de la province occidentale, pour réclamer l’indépendance de la région. Des affrontements violents entre les manifestants et les forces de sécurité ont fait trois morts, incluant un enfant de neuf ans, et 12 personnes ont été hospitalisées.

Les protestations ont débuté avec la production de tracts et d’affiches par un groupe qui s’est donné le nom de Black Bulls, exhortant tous les « non-habitants » (c’est-à-dire les non-Lozi) à quitter la province avant le 15 janvier 2011 et menaçant de battre à mort ceux qui s’y refusent.

La population de la province occidentale est composée en grande partie de Lozi [ou Barotsé], l’un des principaux groupes ethniques parmi les 73 que compte la Zambie. Dans le cadre de la campagne menée par les Black Bulls, les membres des minorités Nkoya et Mbunda vivant dans la province ont été considérés comme des « non-habitants ».

Vingt-quatre Lozi ont été arrêtés par la police et devront répondre à des accusations de haute trahison, un crime passible de la peine de mort.

Traité colonial

La province occidentale était autrefois un protectorat britannique connu sous le nom de Barotseland [terre du peuple Barotsé]. Le reste de la Zambie, qu’on appelait Rhodésie du nord, était administré comme une colonie britannique.

Au moment de l’indépendance (1964), les deux territoires ont été fusionnés afin de faciliter la création d’un État unitaire. L’Accord de Barotsé, qui officialisait la fusion, appelait notamment à une distribution égalitaire des ressources.

« Nous [les Lozi] n’avons rien d’indépendant ; nous ne sommes pas libres. Nous allons continuer [de manifester] pour récupérer notre nation [le Barotseland] »
« Le gouvernement de la République de Zambie doit assumer la même responsabilité générale en termes de soutien financier pour l’administration et le développement économique du Barotseland qu’envers les autres provinces de la République et s’assurer que le Barotseland soit traité de façon aussi juste et équitable que les autres provinces de la République dans l’exercice de cette responsabilité », indiquait l’accord de Barotsé, signé en 1964 par le président fondateur de la Zambie, Kenneth Kaunda, le dernier gouverneur de la Rhodésie du nord, Evelyn Hone, et le roi Lozi de l’époque, Mwanawina Lewanika.

En octobre 2010, le gouvernement a retiré l’accord de Barotsé du brouillon de la nouvelle constitution, ce qui a immédiatement provoqué des manifestations massives dans la province.

Grace Muyangana, qui dirige le Barotse Freedom Movement (BMF), un mouvement qui milite pour l’indépendance de la province, a mené une campagne dont l’objectif était d’abaisser les drapeaux nationaux qui flottent devant les institutions publiques et de boycotter les célébrations entourant l’anniversaire de l’indépendance, le 24 octobre.

« Nous [les Lozi] n’avons rien d’indépendant ; nous ne sommes pas libres. Nous allons continuer [de manifester] pour récupérer notre nation [le Barotseland] », avait-elle dit à l’époque aux médias locaux.

Le taux de pauvreté de la province occidentale atteint 84 pour cent, contre 64 pour cent dans l’ensemble du pays. Il est demeuré inchangé au fil des six enquêtes nationales menées par le Bureau central des statistiques depuis 1991, l’année où le multipartisme a été réintroduit en Zambie.

Dix-neuf pour cent des ménages zambiens ont accès à l’électricité, contre seulement 3,5 pour cent dans la province occidentale. Par ailleurs, 53,4 pour cent des familles de la province n’ont pas de toilettes.

La province n’a aucune industrie à proprement parler, et la chaîne de magasins sud-africaine Shoprite Checkers représente le seul investissement étranger dans la région. La pêche est la principale activité économique des 700 000 habitants de la province.

Paul Duffy, un missionnaire de l’Église catholique romaine qui vit dans la province depuis 25 ans, a dit à IRIN : « Les responsables de gouvernement ne cessent de faire des promesses, en particulier pendant les campagnes électorales, et les habitants votent pour eux en espérant que les programmes de développement dont ils font la promotion seront véritablement mis en place. Mais la population attend toujours qu’il se passe quelque chose ».

« Pour résoudre le problème, le gouvernement doit agir pour combler les retards de développement observés dans la province », a dit M. Mabwe, de l’université ouverte de Zambie.

Lee Habasonda, directeur exécutif du Centre d’Afrique australe pour la résolution constructive des différends (SACCORD), l’organisme régional de surveillance de la bonne gouvernance, a mis le gouvernement en garde contre la tentation de minimiser le problème et appelé au dialogue.

« L’approche adoptée par le gouvernement et par ceux qui appellent à la restauration [sécession] du Barotseland a un effet déstabilisateur sur la Zambie en tant qu’État unitaire. Les manifestants ne devraient pas demander la sécession ou chasser les non-Lozi : ils mettent ainsi en danger les Lozi qui vivent à l’extérieur de la province ».

« La sécurité nationale pourrait s’en trouver compromise. Le gouvernement devrait appeler au dialogue et écouter les griefs de la population, à défaut de quoi nous risquons l’état d’urgence, ce qui n’est jamais bon dans un pays démocratique », a dit M. Habasonda à IRIN.

Élections

Des élections nationales devaient avoir lieu cette année, mais les analystes craignent qu’il y ait des violences électorales si le problème de la province occidentale n’est pas résolu.

Selon Stanley Mhango, président de la Foundation for Democratic Process (FODEP), un organisme de surveillance des élections et de la bonne gouvernance, « les élections générales prévues pour 2011 sont gravement compromises, car la situation peut facilement dégénérer. La population devrait être consciente du fait qu’il est facile de saboter la paix et la stabilité, mais qu’il est beaucoup plus difficile de les rétablir ».

Lors des élections présidentielles anticipées organisées à la suite du décès du président Levy Mwanawasa en août 2008, Rupiah Banda a été élu avec 2 pour cent d’avance sur son adversaire Michael Sata, le dirigeant du Front patriotique (FP), qui n’avait pourtant recueilli presque aucun vote dans la province occidentale.

M. Sata a soutenu l’appel en faveur de la reconnaissance de l’accord de Barotsé et de sa réintégration dans la constitution nationale.

« L’accord de Barotsé est toujours valide. Comment peut-on ignorer un accord qui a été élaboré, conclu et signé il y a près de 47 ans ? Aucun homme honnête ne peut nier l’existence et la validité de l’accord de Barotsé. Je suis prêt à aller passer deux mois au Barotseland pour aider les habitants à défendre leurs droits », a-t-il dit aux médias locaux à la suite des manifestations qui ont eu lieu dans la province occidentale.

« Lorsqu’il sera au pouvoir, le Front patriotique respectera l’accord de Barotsé sans hésiter parce qu’il n’y voit aucun problème. Nous n’avons rien à y redire », a dit M. Sata, qui s’était opposé à l’accord lorsqu’il était ministre dans le gouvernement Chiluba.

Si M. Banda a rejeté les allégations selon lesquelles la province occidentale connaissait des retards de développement par rapport au reste du pays, il a reconnu que la région avait peut-être été négligée.

« C’est vrai que nous n’avons pas tout fait. Il est impossible de tout faire en même temps. Il faudrait être un magicien pour ça. Nous nous sommes engagés sur le chemin du développement. Notre pays a longtemps été plongé dans le chaos. Notre parti a commencé à chercher des solutions à ces problèmes », a dit M. Banda lors d’une réunion publique organisée à Luapula, dans le nord de la Zambie, le 15 janvier dernier.

« Nous reconstruisons les hôpitaux du pays, y compris dans la province occidentale. Nous ne pouvons pas tous les construire en même temps. J’aimerais être un magicien et pouvoir faire apparaître tous les hôpitaux d’un coup, mais c’est malheureusement impossible ».

M. Banda a dit que la situation était sous contrôle et que son administration s’assurerait que « cette précieuse province qu’on appelle province occidentale continue de faire partie intégrante du pays ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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