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Les anciens combattants de la LRA en quête du pardon

Peace Propaganda poster depicting the surrender of Rebel troops and their admittance back into Uganda Civil Society Bryan Lupton/The Advocacy Project
La réconciliation : comment ça marche en théorie
A l’âge de 10 ans, en allant à l’école, Richard Odong a été arrêté sous la menace d’une arme à feu, attaché avec des cordes et emmené de force au Sud-Soudan où l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) lui a appris à se battre, à kidnapper et à tuer.

Le mois dernier, dans son district natal de Gulu, dans le nord de l’Ouganda, M. Odong a essayé – sans succès – de confesser les crimes qu’il a commis durant les 15 années passées avec la LRA, l’une des milices rebelles les plus brutales d’Afrique.

« Quand j’étais à la LRA, nous avons fait beaucoup [de] choses. Nous avons attaqué des gens. Beaucoup de gens… Des enlèvements », a dit cet homme de 28 ans, alors qu’il était à Kampala pour une visite médicale. « J’ai besoin d’être pardonné. En particulier par ma tribu, les Acholi ».

Il y a plusieurs semaines, M. Odong a contacté Kenneth Oketta, Premier ministre de l’autorité culturelle des Acholi et a demandé à pouvoir faire le Mato Oput, un processus traditionnel de justice destiné à favoriser la réconciliation après un meurtre.

A la première séance officielle devant un panel d’anciens, le Mato Oput de M. Odong a déraillé.

« Nous avions espéré qu’il y aurait la révélation de la vérité et qu’il y aurait le pardon », a dit M. Oketta. « Malheureusement, les choses ne se sont pas trop bien passées à l’étape de révélation de la vérité. Le panel ne l’a pas autorisée, ce qui fait qu’il était très difficile de passer à l’étape suivante ».

Le Mato Oput

L’expiation procède en deux phases. D’abord, l’agresseur doit faire une description complète des crimes qu’il a commis, puis une négociation concernant la compensation commence entre le clan de l’agresseur et celui du survivant ; les anciens servent de modérateurs.

La cérémonie se termine par le rituel du Mato Oput - « boire la racine amère »- un rituel d’actes symboliques destiné à réconcilier les deux clans et qui dure une journée.
Mais dans le cas de M. Odong, les anciens n’étaient pas satisfaits qu’il ne soit pas capable de nommer ses victimes.

Avec les chefs de la LRA encore en liberté et un processus de paix en lambeaux, M. Oketta a suggéré qu’il était possible aussi que la cérémonie ait échoué parce que les anciens, et la communauté Acholi en général, n’étaient pas encore prêts à faire vraiment les comptes de ce conflit qui a dévasté le nord de l’Ouganda pendant plus de 20 ans.

Acceptation d'excuses collectives

Moses Odonkyero, un journaliste basé à Gulu et qui travaille pour un projet médiatique financé par des fonds étrangers, rassemble depuis plusieurs mois les témoignages d’anciens combattants de la LRA sur leurs expériences de la réinsertion. Selon lui, pour ceux qui ne sont pas considérés comme des chefs, des excuses générales satisfont la communauté.

« Le fait que tant d’[anciens de la LRA]soient retournés dans leur village, loin des villes et des zones protégées, est une indication que leur retour a été accepté », a dit M. Odonkyero. « Ces excuses générales pour les hommes de troupe, elles marchent ».

[Uganda] Two former abducted girls sit on a bed at the World Vision rehabilitation centre in Gulu District, northern Uganda, August 2006. Girls as young as ten years old have been regularly abducted from villages and given as wives to senior Lord’s Resi
Photo: Manoocher Deghati/IRIN
Deux jeunes femmes, qui avaient été enlevées par la LRA, dans un centre de réhabilitation de World Vision, à Gulu (photo d’archives)
Au cours des dernières années, plusieurs cérémonies ont eu lieu au cours lesquelles de larges groupes d’anciens combattants ont été « purifiés » après avoir exprimé leurs excuses collectivement, selon un rapport publié en collaboration par les universités de Tufts et de Gulu en octobre 2009.

Mais le même rapport indique que près de 60 pour cent des Acholi interrogés pensaient que la vraie réconciliation par le Mato Oput nécessitait une présentation détaillée des crimes commis.

M. Odong a dit qu’il ne pouvait remplir cette condition. « Si je suis en train de vous kidnapper, est-ce que je sais d’où vous venez ? », a-t-il demandé de façon rhétorique. « Si je vous tue en cours de route, je ne sais pas d’où vous venez ».

Il a insisté en disant qu’il était prêt à décrire ses crimes, mais a fait valoir que les chefs de la communauté devraient avoir le droit de recevoir ses excuses au nom de ses victimes anonymes et qu’il devrait être excusé de ne pas se rappeler les noms et les dates.

Etant donné le nombre d’années passées par M. Odong avec les rebelles et le fait qu’à un moment, il a été, selon ses propres estimations, le chef de plus de 100 combattants, il est peut-être peu réaliste de s’attendre à un rapport complet et détaillé.

Cependant, M. Oketta a demandé que, dans la mesure du possible, M. Odong soit confronté à la famille de ceux qu’il a tués.

« Sa réinsertion ne sera pas facilitée tant qu’[il] ne se sera pas retrouvé face à face avec ses victimes. Cela le hante. Je veux qu’il s’exprime franchement et dise ce qu’il a fait », a dit M. Oketta.

Même si un accord peut être trouvé sur les détails du témoignage de M. Odong, il reste à persuader les anciens d’écouter une confession complète. « Peut-être peut-on dire que c’était trop tôt », a dit M. Oketta. « Il est possible que le panel ait peur des rebelles qui sont encore dans la brousse ».

La LRA, une menace toujours présente

Cela fait plus de quatre ans que le nord de l’Ouganda n’a quasiment pas subi de violence de la part de la LRA, mais le chef des rebelles, Joseph Kony, et ce qui reste de sa milice sont toujours en liberté dans la région centrale de l’Afrique. Des rapports récents ont fait le lien entre le groupe et des enlèvements et des massacres perpétrés en République démocratique du Congo et en République centrafricaine.

« Ils sont encore mortels, même s’ils sont loin », a dit M. Oketta, faisant remarquer que les membres du panel pourraient courir des risques s’ils étaient identifiés comme personnes « faisant des investigations sur les atrocités de la LRA ».

Toutefois, malgré ces complications, M. Odong comme M. Oketta ont juré de continuer. M. Odong s’est installé à Gulu avec sa femme et deux enfants, et il a trouvé du travail comme co-gérant d’un moulin à maïs, grâce à un programme de réinsertion organisé par l’Organisation internationale des migrations.

Bien qu’il ait fui les rebelles il y a plus de deux ans, il dit qu’il se sent encore stigmatisé et s’inquiète de ce qu’on le considère comme un « gars de la jungle ». S’il réussissait son Mato Oput, a-t-il dit, cela l’aiderait à se sentir intégré. « Je pense qu’avec ça, je pourrais me sentir en sécurité », a t-il expliqué.

Pour M. Oketta, le problème va bien au-delà du cas particulier de M. Odong. Durant tout le long processus de Juba, qui n’a finalement pas pu parvenir à un accord, il a beaucoup été question de justice traditionnelle et de son rôle en Ouganda une fois le conflit terminé.

Le texte de l’accord de Juba, que la LRA a refusé de signer, reconnaît que les processus traditionnels devraient jouer un rôle « central » dans le processus de relèvement du pays. M. Oketta fait valoir qu’il n’est plus temps de discuter et de débattre.

« Nous n’avons pas besoin de continuer à faire des prédictions », a-t-il dit. « Sans ce processus, il n’y a pas de guérison. Nous devons avancer ».

bs/eo/oa/mw/og/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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