1. Accueil
  2. West Africa
  3. Mali

De la viande séchée comme remède

The herd of unattended goats. Mali. For generic use Emilio Labrador/Flickr
L’abattage des animaux les plus affaiblis peut contribuer à préserver la santé du reste du troupeau (photo d’archives)
L’abattage des animaux faibles est considéré depuis longtemps comme un élément de la réponse d’urgence et de relèvement destinée à aider les pastoralistes à survivre et à protéger leurs moyens de subsistance en période de sécheresse, mais les experts estiment toutefois que le déstockage des troupeaux devrait être fait plus tôt, avant qu’il y ait urgence.

Dans le nord du Mali, 40 pour cent des têtes de bétail sont mortes de faim ou de maladies dues à la pénurie de pâturage que le Mali a connu cette année, selon les estimations. Un chiffre alarmant dans une région où 80 pour cent de la population dépend de l’élevage et de l’agriculture pour sa survie.

« Nous sommes au courant de la crise depuis longtemps – depuis novembre 2009. Si nous avions tous répondu plus tôt [aux besoins du bétail], nous aurions pu réduire les déplacements et les animaux restants seraient restés en vie », a dit Marc Chapon, coordonnateur national des projets de l’ONG Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) au Mali.

Oxfam et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont mené des programmes de déstockage dans le nord du Mali pour aider les pastoralistes à disposer d’argent liquide ; améliorer les perspectives du reste des troupeaux ; réduire la pression sur un environnement fragile ; et, dans le cas du CICR, améliorer la sécurité alimentaire en redistribuant la viande séchée provenant des animaux abattus.

Le personnel du CICR achète des moutons, des chèvres et du bétail aux éleveurs qui possèdent 50 animaux ou moins, au prix qui prévalait avant la crise – 40 dollars pour un mouton ou une chèvre, et 150 dollars pour une vache. Les éleveurs peuvent ainsi acheter des céréales pour se nourrir, a dit Christian Wabnitz, directeur adjoint du CICR au Niger et au Mali. Jusqu’à présent, le CICR a acheté 36 000 animaux à Agadez (dans le nord du Niger) et à Gao et Tombouctou (dans le nord du Mali) et donné des soins vétérinaires et du fourrage aux 60 000 animaux restants.

« L’aspect principal est d’injecter de l’argent, mais la viande est aussi disponible ce qui permet d’améliorer l’alimentation [de la population] », a indiqué M. Wabnitz. « Et l’abattage des animaux affaiblis ou malades protège la santé du reste du troupeau ».

L’organisation collabore avec des vétérinaires locaux pour abattre les animaux affaiblis et avec des coopératives de femmes pour faire sécher la viande avant de la distribuer à des bénéficiaires, dans des prisons, des hôpitaux et des écoles.

Les membres de la communauté sont consultés pour savoir comment abattre les animaux en respectant les pratiques traditionnelles, a ajouté M. Wabnitz. Les femmes coupent la viande en tranches avant de la faire mariner dans le sel et sécher dans des sortes de cage de protection.

« Il existe des techniques [de déshydratation] plus avancées, mais nous voulons peaufiner notre approche pour respecter les coutumes locales », a-t-il dit.

Réticence

Selon Alice Martin-Dahirou, la représentante du Programme alimentaire mondial (PAM) au Mali, certains éleveurs se montrent réticents à abandonner leurs animaux malgré leur santé précaire. « Certains nomades préfèrent garder leurs animaux jusqu’à la fin et les voir mourir plutôt que de les vendre en masse », a-t-elle dit.

Au plus fort de la crise, les chèvres et les moutons affaiblis se vendaient pour à peine 10 dollars. Au Niger voisin, selon des témoignages, des têtes de bétail qui en temps normal valent près de 300 dollars se vendaient pour aussi peu que six dollars.

Culturellement, la taille du troupeau est un symbole important de statut social. « Un grand troupeau est comme un compte en banque bien garni – c’est aussi une façon d’acquérir plus de richesses et de s’assurer d’une certaine influence sociale, ce qui explique pourquoi certains nomades se montrent réticents à l’abattage », a dit M. Wabnitz à IRIN.

La résistance au déstockage – avec ou sans abattage – est très répandue dans les zones pastoralistes d’Afrique, a dit Nacif Rihani, chargé de la production animale auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « On confond souvent [l’abattage] précoce et accéléré du bétail, qui est le principal objectif de l’opération, et la vente dans la panique, que les éleveurs craignent le plus », a-t-il ajouté.

« Les ventes dans la panique peuvent causer un choc psychologique et culturel en plus la perte de valeur du bétail »
« Outre la perte de valeur du bétail, qui est cruciale pour leur subsistance, leur sécurité alimentaire et leur statut social, [les ventes dans la panique] peuvent causer un choc psychologique et culturel », a-t-il ajouté.

La réticence peut également être le résultat de mauvaises expériences, par exemple si des organisations ont, par le passé, imposé une approche non-consultative du déstockage, a dit M. Rihani. Les organisations locales et autochtones doivent prendre l’initiative de sélectionner les bénéficiaires et les animaux ; organiser les ventes de bétail ; et s’entendre sur les prix, la préparation et la conservation de la viande si les bêtes déstockées sont abattues, a-t-il ajouté.

Cette approche est en phase avec les Normes et directives pour l’aide d’urgence à l’élevage (LEGS), qui ont été publiées en 2009 dans le but d’améliorer la qualité des interventions d’aide aux éleveurs.

Avec l’aggravation de la crise dans le Sahel, les réticences des éleveurs du nord du Mali se sont estompées, a dit M. Wabnitz, ce qui, à son avis, indique « à quel point la situation est préoccupante ».

Le bon moment ?

Malgré les alertes précoces, les opérations de déstockage ont été mises en œuvre tard dans le nord du Mali, a dit M. Chapon, de l’AVSF : elles devraient toujours être déclenchées pendant la première phase d’urgence d’une crise.

Selon M. Rihani, de la FAO, le déstockage peut commencer encore plus tôt dans le cas de sécheresses à évolution lente. « Des indicateurs spécifiques peuvent déclencher une réponse appropriée et [permettre la mise en place des] ressources adéquates – comme un fonds local flexible – pour débuter les opérations de déstockage », a-t-il dit.

Si cela est fait suffisamment tôt, les animaux conservent leur valeur commerciale.

En fait, les experts recommandent un déstockage continuel afin de réguler la taille des troupeaux et d’éviter de soumettre l’écosystème à une trop forte pression. « Dans de nombreuses zones pastorales et agropastorales d’Afrique, les troupeaux atteignent des tailles qui ne sont pas viables, [encouragés par]... des subventions ou des aides directes comme la distribution de fourrage », a expliqué M. Rihani.

Dans une certaine mesure, les éleveurs régulent la taille de leur troupeau, mais des questions sociales et ethniques complexes entrent en ligne de compte et peuvent les inciter à l’accroître. D’après M. Rihani, il est nécessaire d’adopter une approche indirecte et de mettre l’accent sur l’amélioration de la production de lait par animal ; l’amélioration de l’accès aux marchés de bétail ; et l’établissement de prix raisonnables pour que les éleveurs obtiennent plus avec un troupeau plus petit.

aj/cb/gd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join