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Repenser la violence sexuelle – Analyse

Poster in Goma, eastern DRC, warning of the penalties for rape Roberto de Vido
Une affiche à Goma, dans l’est de la RDC, informant des sanctions encourues en cas de viol
Une étude menée par des scientifiques américains parmi la population de l’Est du Congo remet en question l’image traditionnelle des violences sexuelles exercées par les hommes contre les femmes. Mais des organisations non gouvernementales (ONG) de soutien aux victimes de viol réclament une certaine prudence dans l’interprétation des résultats de l’étude sur le sexe des agresseurs.

Selon l’article publié dans le Journal de l’Association médicale américaine (JAMA) le 4 août, les enquêteurs ont fait du porte à porte afin d’interroger près de 1 000 villageois au Nord et au Sud-Kivu et en Ituri en mars dernier. Contrairement aux études qui s’appuient sur des survivants de violences sexuelles bien identifiés, cette étude avait pour but d’évaluer les effets du problème sur l’ensemble de la population de l’Est du Congo.

Les résultats confirment que les violences sexuelles sont couramment utilisées contre les civils – y compris les hommes – depuis le début de la guerre dans la région, vers le milieu des années 1990. Près de 40 pour cent des femmes et plus de 23 pour cent des hommes interrogés ont signalé avoir été victimes d’agressions sexuelles, le viol principalement.

C’était la première fois qu’une étude demandait à des survivants le sexe de leur agresseur : 41 pour cent des femmes et 10 pour cent des hommes ayant survécu à des violences sexuelles liées au conflit ont dit que l’agresseur était une femme.

L’étude a aussi constaté de forts taux de dépression et autres types de maladie mentale chez les survivants d’agressions sexuelles. « Si vous avez été victime de violences sexuelles, le risque de souffrir de troubles mentaux est environ deux fois plus élevé que dans le reste de la population », a dit l’auteur de l’étude, Lynn Lawry, expert humanitaire au Service sanitaire international (International Health Division) du ministère de la Défense américain.

L’étude a été co-financée par l’Africa Command de l’armée américaine (Africom), l’ONG International Medical Corps et l’Université Mc Gill du Canada.

« Près de 40 pour cent des femmes et plus de 23 pour cent des hommes interrogés ont signalé avoir été victimes d’agressions sexuelles »
Une réalité non spécifique au genre

« Nous ne pouvons plus désormais penser que la violence sexuelle est une forme de violence uniquement exercée par des hommes sur des femmes ; elle concerne tout le monde », a dit Mme Lawry. Elle a ajouté que la lutte contre les violences sexuelles
« devait maintenant inclure les hommes et les garçons », en commençant par les documents politiques des Nations Unies sur la question, qui se sont jusqu’à présent concentrés sur les survivants femmes.

« Quand nous réfléchissons à la façon dont nous allons nous adresser aux communautés », a-t-elle dit, « il nous faut parler aux agresseurs féminins aussi bien qu’aux agresseurs masculins, et nous allons devoir admettre dans nos centre de santé mentale les survivants masculins, afin de les aider avec leurs problèmes, qui peuvent être très différents de ceux des survivants femmes ».

Cette demande de Mme Lawry d’inclure les survivants hommes fait écho à celle de Maria Eriksson Baaz et Maria Stern de l’Institut suédois Nordic Africa Institute, qui a dénoncé l’invisibilité des hommes et des garçons en tant que victimes de violence liée au genre dans un article publié en mai. « En termes de violences sexuelles, le pourcentage le plus élevé de signalements de victimes masculines de viol est de 10 pour cent, mais le niveau réel est probablement bien plus élevé (en raison de l’extrême stigmatisation liée à l’abus sexuel chez les hommes) », ont écrit Baaz et Stern.

Les hommes aussi ont besoin d’aide

Toutefois, Denise Siwatula, responsable du programme Synergie des femmes contre les violences sexuelles (SFVS), une ONG congolaise basée aux Kivus, a dit qu’elle n’avait pas constaté de tels taux d’agressions sexuelles par des femmes.

« Les taux de femmes auteurs de viols sont très bas », a-t-elle dit. Mais elle a confirmé que beaucoup d’hommes étaient victimes de violence sexuelle et avaient besoin d’aide ; leurs besoins sont différents de ceux des femmes, en particulier pour ce qui est de l’aide psychologique qui, selon elle, souffre généralement d’un financement insuffisant. « Notre service psychosocial essaie d’aider les victimes à se reconstruire, mais il n’est pas très efficace, car il nous faudrait bien plus de ressources pour réhabiliter les victimes psychologiquement, socialement et mentalement », a-t-elle ajouté.

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Selon Ciarán Donnelly, qui dirige en RDC l’ONG américaine International Rescue Committee (IRC), le taux élevé de violence sexuelle au Congo oriental et ses effets inacceptables sur la population civile, en particulier les femmes et les filles, ainsi que la nécessité de s’intéresser davantage à la santé, notamment la santé mentale », coïncidaient tout à fait avec les observations faites dans le pays par son organisation.

Mais M. Donnelly a été très surpris des résultats concernant le sexe des agresseurs. « Certaines questions ont besoin de recherches plus poussées. [Mme] Lawry réclame une reformulation de la politique d’aide et une réorientation des efforts dans le domaine des violences sexuelles sur la base des résultats de l’étude. Je pense qu’il nous faut être très prudents et ne pas prendre de décisions hâtives sur la question », a-t-il dit.

Il a ajouté que l’IRC examinerait les données et les définitions de l’étude en détail pour comprendre comment se répartissent les types de violence sexuelle évalués, qui vont du déshabillage forcé au viol collectif.

Il a ajouté qu’on ne savait pas avec certitude si les femmes kidnappées par les groupes armés et forcées d’accomplir des actes sexuels sur d’autres personnes étaient rangées parmi les auteurs de violences sexuelles liées au conflit.

Crédibilité des données

L’un des éléments du débat sera de déterminer à quel point l’échantillon étudié est représentatif de la réalité. Les enquêteurs ont été obligés d’éviter les zones de combat actif en mars et de remplacer certains villages choisis au hasard par d’autres. L’étude déclare que « les résultats peuvent être interprétés, avec quelque précaution, comme représentant la population des trois zones étudiées qui compte au moins cinq millions de personnes » et Mme Lawry est convaincue que les questions de sécurité n’ont pas entaché la crédibilité des données collectées.

Cependant, certains critiques soulignent que les enquêteurs ont certes dû éviter les zones où étaient présentes les Forces armées de la RDC (FARCD), mais que ces mêmes FARDC ne font pas partie de la liste des auteurs de violences sexuelles qui ont été signalés. « Parmi les femmes que nous assistons, certaines ont été violées par des groupes armés et d’autres l’ont été par des soldats de notre propre armée congolaise », a dit Mme Siwatula.

th/am/mw/og/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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