C’est parce que des pays risquaient de se concentrer exclusivement sur une approche de type analyse de rentabilité que les co-auteurs Rachel Berger, conseillère en politique sur le changement climatique auprès de Practical Action, une organisation internationale de développement, et Muyeye Chambwera, chercheur de l’International Institute for Environment and Development, sis au Royaume-Uni, ont décidé de rédiger leur document, ont-ils expliqué.
L’analyse de rentabilité quantitative comporte « beaucoup d’informations », ce qui la rend chère à utiliser dans le cadre de projets à petite échelle, les planificateurs au niveau communautaire ne les utilisent donc généralement pas. De plus, « des ONG [organisations non gouvernementales] de développement considèrent que les populations locales devraient décider elles-mêmes dans quoi elles veulent investir, en se fondant sur leurs propres critères », ont dit Mme Berger et M. Chambwera.
« Les rapports sur le coût de l’adaptation au changement climatique publiés récemment ont pour la plupart utilisé l’outil d’analyse de rentabilité », a noté M. Chambwera. Ce qui a déclenché le signal d’alarme, pour les co-auteurs du document, est l’agenda d’un atelier organisé dernièrement par le Nairobi work programme (NWP) dont l’objectif était de voir comment utiliser les méthodes de rentabilité pour la planification en matière d’adaptation au niveau des pays et des communautés.
Le travail de Mme Berger et M. Chambwera a soulevé « des points essentiels pour nous amener au-delà des approches machinales… utilisant l’analyse de rentabilité pour essayer de prendre des décisions cruciales afin d’entreprendre ou non certaines actions d’adaptation au changement climatique », a dit J. Timmons Roberts, directeur du Center for environmental studies de l’Université Brown, aux Etats-Unis.
« Le problème est que dans notre société, le langage qui a le plus de poids est celui de l’argent, donc il y aura toujours des pressions pour réduire la complexité du processus de décision à la somme des coûts et bénéfices dans des indicateurs simplifiés à l’extrême ».
M. Roberts, qui a effectué des recherches sur le rôle de l’aide internationale dans la réponse aux questions de justice en matière climatique, a commenté : « La clé selon moi est que pour toute action, ou non-action, d’adaptation, les personnes qui récoltent les bénéfices sont différentes de celles qui supportent les coûts. Pour cette raison, l’analyse de rentabilité est en fait presque inutile au niveau local, et même national ».
M. Chambwera et Mme Berger ont dit qu’ils ne remettaient pas en cause les analyses de rentabilité, qui ont leurs avantages à l’échelle internationale, et ils ont cité la Stern review on the economics of climate change, produite par l’économiste Nicholas Stern pour le compte du gouvernement britannique.
« Les révélations de la Stern review, selon lesquelles le coût de l’inaction face au changement climatique est 20 fois plus élevé que le coût de l’action, ont stimulé les politiques internationales, menant à des actions locales à travers le monde », ont-ils souligné. Mais lorsque les pays élaborent des programmes d’adaptation, ils devraient disposer « d’informations sur d’autres facteurs, comme l’évaluation du risque, et pas seulement sur les coûts et bénéfices ».
Les chercheurs ont appelé le NWP à développer un « ensemble d’outils » constitué de diverses approches pour aider les pays à élaborer leurs programmes d’adaptation, pour s’assurer que les communautés les plus vulnérables ne sont pas laissées de côté.
Par exemple, des analyses économiques ont estimé que le changement climatique affecterait seulement un pour cent du Produit intérieur brut de la Namibie et de la Tanzanie, tandis que des analyses sur la répartition de l’impact et l’équité « ont révélé que le fardeau pèserait lourdement sur les petits fermiers et les citadins pauvres ».
M. Roberts a noté qu’ « aux Etats-Unis, [certaines] législations sur le climat exigent que les actions prioritaires soient [déterminées] sur la base de leur ‘rentabilité’. Cela paraît bien, mais certaines actions doivent être prises pour protéger les groupes les plus vulnérables, indépendamment de ce que cela rapporte à court terme. La question est toujours : ‘rentable pour qui ?’ ».
M. Roberts a estimé que les commentaires des chercheurs – ‘partir du principe que l’adaptation sera viable sur la base d’une règle de rentabilité seulement serait risqué’ – étaient essentiels.
« La volonté politique de continuer à dépenser en faveur de l’action pour l’adaptation pendant des périodes économiques difficiles n’est pas garantie, et cela pourrait exposer certaines communautés à un risque sérieux si [cela est] construit sur l’analyse de rentabilité, sans une analyse détaillée des risques ; et bien sûr, certains risques ne sont tout simplement pas connus ».
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