Selon le Centre international pour la justice transitionnelle (CIJT), les responsables politiques, les médias et le public ont concentré leur attention sur les poursuites potentielles à l’encontre de personnalités importantes – et notamment de la présidente Ellen Johnson Sirleaf. Peu d’efforts ont été faits pour dédommager les victimes des crimes de guerre, créer une nouvelle commission des droits humains ou développer un système de justice traditionnel dit « Palava hut » de construction de la paix au niveau communautaire.
La Commission a recommandé la création de deux tribunaux destinés à juger 182 individus accusés de graves violations des droits humains, de la loi humanitaire internationale et de crimes sur le territoire national. Elle a également suggéré que 49 autres personnes ou entreprises soient poursuivies pour des crimes économiques.
La liste inclut la présidente Sirleaf, qui pourrait être exclue de la fonction publique pour une durée de 30 ans. Elle est accusée d’avoir financé des criminels de guerre.
« Ceux qui ont intérêt à ce que les recommandations ne soient pas appliquées critiquent sévèrement l’ensemble du rapport », a dit à IRIN Lizzie Goodfriend, assistante au programme du CIJT. « Notre objectif est d’aider les acteurs libériens à s’engager plus profondément dans le débat [sur la réconciliation]... Depuis la publication du rapport, il y a six mois, il ne s’est pas passé grand-chose ».
Une grande partie des recommandations de la Commission offrent aux Libériens d’importants moyens pour se remettre des 14 ans de guerre civile, a ajouté Mme Goodfriend. « Le gouvernement doit s’assurer que les Libériens de l’ensemble du pays considèrent les recommandations comme une affaire urgente ».
Des recommandations à retravailler
Il y a encore du pain sur la planche – toutes les recommandations en vue de la réconciliation doivent être retravaillées, a indiqué l’ONG. Il faut notamment définir les compétences et les pouvoirs du système du « palava hut » ou spécifier qui doit recevoir des indemnisations et en fonction de quels critères.
Le programme de réparation mis en place en Sierra Leone et le mouvement de soutien aux victimes en Afrique du Sud pourraient être utilisés pour servir de modèle, a-t-elle dit.
Dans le cadre du programme proposé au Liberia, 500 millions de dollars seront consacrés à des projets en matière de santé physique et mentale, d’économie, d’éducation et d’infrastructures sur une période de 30 ans. Ces projets devraient être liés aux programmes de développement actuels, a exhorté Mme Goodfriend. « Le Liberia pourrait créer un précédent intéressant en associant réparation et développement », a-t-elle souligné.
Pour ce qui est des poursuites, des groupes de la société civile ont critiqué le processus qui a permis d’établir la liste, sur laquelle figurent 239 noms. Ils estiment que les preuves sont parfois insuffisantes. Le CIJT recommande l’ouverture d’une nouvelle enquête professionnelle et, vu ses capacités insuffisantes, le ministère de la Justice songe à se tourner vers des pays étrangers pour l’aider à mener ses poursuites.
Depuis plusieurs dizaines d’années, les Libériens utilisent le processus de réconciliation traditionnel – des discussions entre la victime et l’auteur du crime sous l’égide des chefs de village – pour résoudre leurs conflits, mais l’extension du « palava hut » à l’ensemble du pays signifie qu’il doit être lié au système formel afin d’éviter l’apparition de conflits entre les deux systèmes, a indiqué le CIJT.
Prochaines étapes
Le mois dernier, la Présidente a fait parvenir les recommandations de la Commission au pouvoir législatif et a appelé le ministère de la Justice à créer un groupe de travail pour mettre en œuvre ses recommandations. « C’est déjà un début », a dit Mme Goodfriend.
Mais la commission des droits humains dont la création avait été proposée n’a pas encore été mise sur pied. Sa mission serait de s’assurer de la mise en œuvre, par le gouvernement, de politiques de défense des droits humains.
Les bailleurs de fonds doivent également faire preuve d’initiative et accorder leur soutien financier au gouvernement afin de l’aider à mettre en œuvre certaines recommandations, a dit le CIJT.
« L’ensemble du système de justice transitionnelle est fondé sur l’idée que si on ne répond pas aux besoins des victimes et qu’on ne réagit pas aux abus qui ont été commis par le passé de manière satisfaisante, le passé peut revenir nous hanter et la violence pourrait ressurgir », a dit Mme Goodfriend. « La Commission n’est que le début d’un long processus. Si on ne continue pas sur cette voie, nos efforts auront été vains et les besoins des victimes de la guerre civile au Liberia n’auront pas été entièrement satisfaits ».
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