Hassane Doudou Boukary, responsable de l’antenne régionale de l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population) à Zinder :
« La question de la [démographie] est au centre [des efforts pour réduire les taux de malnutrition dans la région de Zinder en-dessous de 15 pour cent]. Au Niger, il y a 7,1 enfants par femme, à Zinder c’est 7,4. Tant qu’on ne joue pas sur les questions de planification [familiale], ce sera une nouvelle porte pour des enfants mal nourris. La question de la contraception devrait faire partie des stratégies [de lutte contre la malnutrition] ».
Patrick Barbier, chef de mission MSF-Suisse (Médecins sans frontières) au Niger :
« Même s’il existe une loi qui garantit la gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans, elle n’est pas appliquée. L’accès aux soins pourrait donner aux enfants plus de résistance, leur permettant ainsi de mieux supporter les chocs alimentaires ».
Amadou Harouna, directeur régional de la santé publique à Zinder :
« On a beau soigner les gens, ils vont toujours retomber malades : il faut les éduquer. Mais il n’y a pas assez d’actions au niveau communautaire, on manque de sensibilisation et d’éducation sur les questions de nutrition. Quand il y a des distributions alimentaires, les gens viennent, on leur distribue à la hâte parce qu’ils sont pressés, mais on ne va pas voir comment ça se passe dans leurs foyers. Il y a aussi le fait que [les acteurs de la lutte contre la malnutrition] se focalisent trop sur l’enfant, en oubliant qu’il y a une famille autour ».
Aboubacar Mahamadou, directeur adjoint chargé de la nutrition au ministère de la Santé :
Yacouba Adjaharou, directeur régional du développement agricole à Tanout :
« Il y a une question d’habitudes alimentaires. Les populations consomment des céréales [mil, sorgho] à faible valeur nutritive et pas suffisamment d’aliments riches. Il n’y a pas de cultures de contre-saison. Pourtant, là où des cultures potagères ont été développées [notamment via des projets d’irrigation goutte-à-goutte], les gens mangent ce qu’ils produisent [choux, salades, carottes, tomates, oignons] et ils aiment ça ».
Malnutrition animale
Kosso Matta Kellou, directeur régional de l’Élevage pour la région de Diffa :
« Dans une région pastorale comme celle de Diffa, les organisations internationales se concentrent sur les enfants de moins de cinq ans dans leur lutte contre la malnutrition, mais le problème commence en réalité avec les animaux. Ceux-ci constituent à la fois les économies et le revenu des familles, une source de nourriture, leur vie et leur gagne-pain.
À cause de l’épuisement des ressources en eau, des maladies animales et de la raréfaction des pâturages et du fourrage, les bergers et les éleveurs perdent des dizaines de bêtes à la fois. En prévenant la malnutrition animale, on peut contribuer à prévenir la malnutrition humaine. Les deux phénomènes sont étroitement liés. On n’investit pas assez dans le bétail. Les bergers comptent pour 90 pour cent de la population et le bétail est la première source de revenus dans la région, mais les investissements ne sont pas proportionnels [à l’importance de cette activité] ».
Mamane El Hadj Omar, directeur de l’ONG Helen Keller International pour la région de Diffa :
Photo: Anne Isabelle Leclercq/IRIN |
Le fourrage disponible en 2010 ne suffira pas à nourrir les deux tiers du bétail du pays |
El Hadji Abdou Salissou, président régional de la Cellule de crise alimentaire et secrétaire général adjoint au bureau du gouverneur de Diffa :
« L’eau est un grave problème ici. Le cycle de croissance est de plus en plus court. L’ensablement du bassin versant [utilisé pour l’irrigation] se poursuit. Ce n’est pas que les gens ne veulent pas travailler, mais simplement qu’il n’y a pas d’eau. Il y a eu plusieurs tentatives d’installer des motopompes, mais cela n’a pas fonctionné. Nous n’avons pas l’argent nécessaire pour alimenter les pompes en électricité. En plus d’être celle où la population augmente le plus rapidement, la région présente une pauvreté extrême, des pénuries d’eau et de faibles précipitations. Par ailleurs, peu d’acteurs internationaux sont présents sur le terrain ».
Jenny C. Aker, professeur d’économie à l’université Tufts, aux Etats-Unis, et titulaire d’une bourse de recherche au Center for Global Development :
« Le Niger présente des risques agro-climatiques élevés : il n’y tombe que 300 à 500 mm de pluie par année, les sols sont pauvres et les sécheresses et les invasions d’insectes nuisibles sont fréquentes. Tous ces facteurs, mais plus particulièrement les chocs périodiques, entraînent une diminution de la production agricole sur une base régulière et découragent les investissements dans ce domaine – parce qu’ils sont trop risqués. La fréquence des chocs... peut être exacerbée ou atténuée par les marchés agricoles ».
« Si le prix de l’essence était faible, si quelques zones seulement étaient affectées par la sécheresse et les tarifs pratiqués dans le nord du Nigeria, et si les prix des céréales dans les pays voisins étaient plus bas qu’au Niger, les commerçants [nigériens] pourraient en importer pour compenser pour le déficit local et maintenir une certaine stabilité des prix à l’intérieur du pays. Toutefois, si plusieurs marchés sont affectés par la sécheresse – en particulier ceux des greniers du Niger, les régions de Maradi et de Zinder –, et que les pays voisins sont aussi en proie à des difficultés, le Niger ne peut importer. C’est ce qui s’est produit en 2005 : les prix ont monté en flèche à cause de la sécheresse, mais aussi d’une diminution des importations en provenance des pays voisins ».
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