1. Accueil
  2. Global

Des plantes vivrières résistantes au climat ?

Et si nous pouvions créer une plante vivrière défiant tous les scénarios catastrophes de températures extrêmes plongeant l’humanité tout entière dans l’oubli ; une plante qui continuerait de pousser et de donner des fruits qu’il fasse extrêmement froid ou extrêmement chaud ?

« On ne manquerait jamais de nourriture ! », a remarqué Philip Wigge, scientifique au John Innes Centre de Norwich, un institut membre du Biotechnology and Biological Sciences Research Council britannique.

Ce jour pourrait arriver plus vite qu’on ne le pense – peut-être dans les 10 ou 15 prochaines années - car Philip Wigge et son collègue le scientifique Vinod Kumar ont fait une découverte capitale. Ils ont isolé un gène « thermomètre » qui permet aux plantes de détecter la température, et cette découverte pourrait leur permettre de créer rapidement des plantes capables de donner des fruits à n’importe quelle température.

Leurs conclusions ont été publiées dans le dernier numéro de Cell, une revue scientifique américaine dont les publications font l’objet d’une évaluation par les pairs.

A l’heure actuelle, les scientifiques du monde entier travaillent à la création de cultures alimentaires tolérant les températures extrêmes, dont certaines sont déjà cultivées en Asie. Elles ont évolué au fil d’un long processus consistant à exposer des plantes céréalières à des stress, notamment à des conditions de sécheresse, puis à isoler les gènes de celles qui avaient survécu pour créer de nouvelles variétés.

Parfois, seuls sont utilisés des processus de production conventionnels, notamment dans bon nombre de pays d’Asie et d’Afrique, où les produits génétiquement modifiés ne sont pas acceptés, selon Baboucarr Manneh, biologiste moléculaire et coordinateur du Projet sur les stress abiotiques du Centre du riz pour l’Afrique, au Bénin ; dans le cadre de ce projet, Baboucarr Manneh travaille à la production de variétés de riz capables de supporter le chaud et le froid extrêmes.

La découverte de MM. Wigge et Kumar pourrait permettre à la microbiologie agricole de faire un bond en avant à l’instar de la médecine, dans les premiers temps fondée sur des méthodes empiriques de traitement des maladies, et révolutionnée par une meilleure compréhension des bactéries.

Le temps est un facteur crucial. L’impact des températures extrêmes et du stress hydrique sur la production alimentaire, conséquence du changement climatique, pourrait en effet être ressenti au cours des 10 prochaines années, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ; en Afrique, selon les prévisions du GIEC, la production alimentaire pourrait être gravement compromise d’ici à l’an 2020.

D’après Baboucarr Manneh, cette découverte aura pour conséquence de « réduire » le temps qu’il faudra pour trouver des variétés plus résistantes aux températures extrêmes, et « permettra une sélection précise ; nous n’aurons pas besoin de toucher à tous les gènes ».

The mutant plant (on the right) which sensed that it was hot all the time grew
Photo: John Innes Centre
Réagissant comme si la température était constamment optimale, la plante mutante (à droite) a poussé
Comment le gène thermomètre fonctionne-t-il ?


A l’origine des recherches de Philip Wigge et Vinod Kumar, cette question fondamentale : « Comment les plantes ressentent-elles la température ? ». Philip Wigge a fait remarquer qu’elles pouvaient ressentir des variations de température d’à peine un degré Celsius, « et pourtant, personne ne s’était demandé comment les plantes y arrivaient ».

Les chercheurs ont choisi l’Arabidopsis (une plante appartenant à la famille de la moutarde et l’équivalent d’une « souris de laboratoire » dans les laboratoires de recherche sur les plantes) et ont étudié tous ses gènes pour déterminer lesquels d’entre eux étaient affectés par un adoucissement de la température. Ces gènes sensibles ont ensuite été utilisés dans d’autres plantes.

Il aura fallu cinq ans aux scientifiques pour créer une plante mutante ayant perdu sa capacité à mesurer correctement la température : cette plante a continué de pousser comme si la température était constamment optimale.

Lorsque les plantes sont exposées à un stress extrême, notamment à des températures très élevées ou très basses, elles ne fleurissent pas et cessent de pousser car elles conservent leurs nutriments pour leur embryon. « Elles protègent d’instinct la génération à venir », explique Philip Wigge.

Les chercheurs ont découvert que les plantes utilisaient une histone spécialisée pour mesurer la température. Les histones, des protéines liées à l’ADN de la plante, dont elles s’enveloppent, contrôlent l’activation des gènes.

« Le variant d’histone fonctionne comme un thermomètre, en se liant plus étroitement à l’ADN de la plante lorsque la température est basse, et en bloquant ainsi l’activation du gène », selon un communiqué du John Innes Centre. « A mesure que la température augmente, l’histone lâche prise et commence à se détacher de l’ADN, pour permettre l’activation du gène ».

La plante mutante n’a pas d’histone spécialisée ; malgré le froid, elle a donc réagi comme si la température était propice à sa croissance. Elle est en revanche restée capable de détecter les températures extrêmement élevées.

La prochaine étape

« Ce que nous souhaitons faire, à présent, c’est avoir une absence constitutive de perception des températures élevées, en particulier dans le grain. Nous pourrons peut-être ainsi prévenir certains des effets néfastes du changement climatique sur le rendement agricole », espère Philip Wigge.

« Pour ce faire, nous voulons créer des plantes exprimant différentes versions spéciales de H2A.Z [l’histone spécialisée] qui ne réagissent pas à la température. De cette façon, les gènes de haute température resteront désactivés, même à température élevée. Il nous reste évidemment beaucoup de travail à faire, mais comprendre le mécanisme moléculaire nous a permis d’entrevoir le bout du tunnel ! ».

Selon Baboucarr Manneh, du Centre du riz pour l’Afrique, les instituts ayant recours à l’ingénierie génétique peuvent transférer les gènes d’Arabidopsis participant de ce mécanisme dans des cultivars de riz, pour raccourcir encore davantage le processus de développement.

Il faudra toutefois du temps, a-t-il ajouté, pour que les conclusions soient évaluées et qu’elles soient accessibles à tous les chercheurs ; « il faudra sans doute compter deux ou trois ans avant que les cultivateurs y aient eux-mêmes accès ».

jk/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join