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Les avortements clandestins soulignent le besoin d'éducation sexuelle

Student at Genesis Joy Primary and Secondary School. Julius Mwelu/IRIN
Dans sa « clinique » de Majengo, un bidonville de Nairobi, la capitale kényane, Julia Nyaberi* n’accueille qu’un seul type de patientes : des femmes enceintes souhaitant avorter.

Alors que des jeunes femmes se tordent de douleur par terre, dans la maison mal éclairée, les voisins, eux, savent tous ce qui se passe ici et sont devenus insensibles aux gémissements et aux plaintes.

« Elles viennent me voir et me versent 50 shillings (0,70 dollar américain) », a déclaré Julia Nyaberi. « La plupart d’entre elles sont des professionnelles du sexe qui travaillent ici à Majengo et qui ont commis une erreur ».

Elle prépare une décoction d’herbes qu’elle administre à ses patientes afin de provoquer l’avortement et elle reconnaît que certaines en meurent. « Même les bons chauffeurs ne sont pas à l’abri des accidents. Je ne fais pas ce travail pour tuer, mais il arrive que certaines patientes manquent de chance et partent avec l’enfant », a-t-elle ajouté.

Diana Awuor*, une professionnelle du sexe de Majengo âgée de 21 ans, est tombée enceinte après avoir eu des rapports sexuels non protégés avec un de ses clients habituels.

« Cela ne veut pas dire que j’ai des rapports sexuels non protégés tous les jours. Mais il arrive avec certains clients habituels que je n’utilise pas de préservatif et c’est comme cela que je suis tombée enceinte à mon avis », a-t-elle expliqué. « Nous ne pouvons pas continuer à travailler lorsque nous sommes enceintes, car personne ne veut de nous. Je dois donc avorter afin de garder mon emploi, et puis je ne veux pas d’enfant ».

Cliniques clandestines

Selon les statistiques avancées par le ministère de la Santé, chaque année, 300 000 filles et femmes subiraient un avortement au Kenya. L’avortement étant toujours illégal, il est souvent pratiqué dans des cliniques clandestines, à l’instar de celle de Julia Nyaberi.

D’après la Fédération internationale pour le planning familial, les avortements pratiqués de façon non sécurisée représentent entre 30 et 50 pour cent des décès maternels au Kenya.

« Une personne qui ose s’occuper non seulement d’une femme, mais parfois même de cinq femmes différentes sans stériliser les instruments dont elle a besoin peut propager le VIH », a souligné Jacky Abuor, conseiller au sein de Crisis Pregnancy Ministries, une organisation non gouvernementale (ONG) religieuse kényane qui travaille avec des jeunes femmes confrontées à des grossesses non désirées.

Le débat sur la législation

Selon les résultats d’une récente étude menée par l’ONG locale, Centre for the Study of Adolescence (CSA), quatre filles kényanes sur 10 seraient sexuellement actives avant l’âge de 19 ans, dont une majorité auraient des partenaires sexuels multiples et recevraient souvent, en échange de faveurs sexuelles, des cadeaux comme du crédit pour les téléphones portables ou de la nourriture. En plus de créer un tollé général prévisible, le rapport a relancé le débat sur la législation.

Des groupes de défense des droits des femmes exhortent depuis longtemps le gouvernement à légaliser l’avortement afin de réduire le taux élevé de décès maternels causés par des méthodes d’avortement dangereuses. La Fédération des femmes avocates et la Coalition contre la violence à l’égard des femmes ont déposé devant le Parlement une proposition de loi sur la santé de la reproduction visant à inscrire dans la Constitution le droit à des « soins liés à l’avortement sûrs et accessibles ». Les membres du Parlement ne se sont toujours pas prononcés sur la question.

En revanche, le mouvement anti-avortement national bénéficie du soutien d’importants alliés – aussi bien de chefs religieux que d’hommes politiques, comme le vice-président Kalonzo Musyoka.

Education sexuelle

« Lorsqu’on sait que quatre filles sur 10 ont des rapports sexuels, comment faire pour que les six autres ne succombent pas à une sexualité précoce ? La solution réside dans le conseil et l’éducation », a estimé Anne Muisyo, coordinatrice du programme « Abstinence and worth the wait » (‘Abstinence - une attente qui en vaut la peine’, au sein de Crisis Pregnancy Ministries.

« Une éducation sexuelle enseignée au cours des premières années de la vie et qui s’adresse en particulier aux jeunes peut vraiment changer la tendance et prévenir de nouveaux cas de VIH », a indiqué Paul Mitei, responsable du service de gynécologie de l’hôpital provincial de Nyanza, dans l’ouest du Kenya.

Le ministère de l’Education kényan a élaboré un programme d’éducation sexuelle et de prévention du VIH/SIDA destiné aux élèves des écoles primaires et secondaires.

Toutefois, dans une journée d’école, aucun moment n’est spécifiquement prévu pour ce programme, laissant aux enseignants et aux directeurs d’école le choix quant à l’insertion de la matière dans l’emploi du temps de leurs élèves.

A l’occasion d’une récente rencontre organisée à Nairobi, Shanaaz Sharif, directeur de la Santé publique du Kenya, a reconnu que l’opposition des parents, des groupes religieux et de certains organes de la société civile avait entraîné une « campagne d’éducation sexuelle censurée » dans les écoles.

Agnes Odawa, responsable de l’orientation et du conseil au ministère de l’Education, a dit à IRIN/PlusNews que le gouvernement prévoyait d’inclure un programme sur l’éducation sexuelle plus détaillé dans le programme scolaire.

En réponse aux résultats du CSA, Alloys Orago, directeur du Conseil national de lutte contre le sida, a indiqué que le gouvernement cherchait également à promouvoir l’utilisation du préservatif auprès des adolescents.

A l’heure actuelle, le programme de prévention du VIH proposé par le gouvernement aux adolescents met l’accent sur la promotion de l’abstinence. Une campagne médiatique nationale invite les jeunes à pratiquer l’abstinence et à renoncer à la sexualité précoce.

« Bon nombre de jeunes filles et même des garçons, dans les zones rurales et de famille pauvre, ne savent pas vraiment ce qu’est la contraception. Ceux qui ont des rapports sexuels protégés connaissent le préservatif comme un moyen de prévention du VIH », a dit M. Mitei. « Il est nécessaire de promouvoir l’utilisation du préservatif auprès des jeunes à la fois en tant que mesure de prévention du VIH et mesure contraceptive ».

* Un nom d’emprunt

ko/kr/bp/mw/cd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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