Les Bijagos restent le « lieu idéal » pour débarquer de grandes quantités de cocaïne, d’après Mody Ndiaye, de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) à Bissau. Les trafiquants déchargent leurs cargaisons d’un bateau à l’autre, ou les acheminent par avion, en utilisant des pistes d’atterrissage construites clandestinement sur ces îles sous-développées, a indiqué l’UNODC.
Etant donné l’absence de forces de police sur les îles Bijagos, il est presque impossible d’appréhender les criminels, a expliqué Mario Coutinho, inspecteur de la police judiciaire portugaise impliqué dans la formation des policiers de l’ancienne colonie portugaise. « Il n’y a absolument aucune force de police et aucun système de surveillance des bateaux ».
Quand les criminels sont placés dans l’un des quelques centres de détention du pays, il est rare qu’ils comparaissent devant un tribunal, a dit à IRIN Mamadou Saliu Djalo Pires, ministre de la Justice. En raison des retards de procédure, de nombreux suspects sont libérés lorsqu’ils atteignent la durée maximale de détention préventive, qui est fixée à un an.
Le traitement des affaires concernant les trafiquants présumés se heurte à un autre obstacle : la Guinée-Bissau ne dispose d’aucun laboratoire médico-légal permettant de vérifier les tests de dépistage des drogues utilisés pour les enquêtes criminelles, a indiqué Manuel Pereira, conseiller juridique à l’UNODC.
« Les criminels savent qu’ils peuvent être arrêtés et placés dans un centre de détention, mais qu’ils n’y resteront pas, car les conditions ne le permettent pas », a dit M. Pereira. « Cela ruine la crédibilité de l’Etat, qui est incapable d’exercer une de ses missions fondamentales : assurer la sécurité de son peuple et de son territoire ».
La seule prison du pays a été détruite pendant la guerre civile de 1998-99, a dit M. Djalo Pires, le ministre. Le centre de détention de Bissau n’a ni gardiens ni personnel administratif.
Réforme
Depuis longtemps déjà, le gouvernement et les donateurs discutent de l’importance du renforcement de l'Etat de droit, de la réforme du secteur de la sécurité et du système judiciaire.
Photo: David Hecht/IRIN |
Centre de détention de « haute sécurité » de Guinée-Bissau (photo d’archives) |
Miguel Sousa, porte-parole de l’Union européenne (UE) à Bissau, a dit à IRIN que l’UE avait rédigé un certain nombre de propositions de projets de lois pour donner un nouvel élan à ces réformes, mais que la plupart de ces textes n’avaient pas encore été examinés par l’Assemblée nationale.
Parallèlement, certaines agences vont de l’avant en lançant des projets. L’UNODC a mobilisé 900 000 dollars pour commencer à réhabiliter deux centres de détention, à Mansoa et Bafata, et prévoit de construire une prison à Bissau, selon les fonds disponibles. Pour que ces établissements soient utilisables d’ici juillet 2010, il faudra recruter et former des gardiens, des directeurs et des administrateurs, a dit M. Pereira, de l’UNODC.
Le gouvernement portugais forme des unités de police judiciaire selon les normes internationales en matière d’enquête et d’analyse judiciaire, a dit M. Coutinho, l’inspecteur. D’après lui, 140 agents de police judiciaire ont été formés à ce jour, et le service prévoit qu’au total, 200 agents auront suivi la formation d’ici la fin de l’année.
Le gouvernement brésilien propose une formation complémentaire à certains de ces agents. Selon M. Coutinho, le Portugal s’efforce également d’améliorer l’équipement de surveillance et les liaisons radiophoniques et téléphoniques entre le continent et Bubaque, la principale île des Bijagos.
« Cela n’est jamais suffisant, mais c’est un élément important de la mise en place d’une force de police judiciaire, qui est indispensable dans tout Etat démocratique », a déclaré M. Pereira, de l’UNODC.
D’après M. Coutinho, la formation commence à porter ses fruits, améliorant la cohésion et la communication au sein des unités de police.
Volonté
M. Djalo Pires, ministre de la Justice, a déclaré que ses priorités étaient de réformer les procédures légales en matière de poursuites judiciaires, qui datent pour la plupart de l’époque coloniale ; de construire des prisons et des tribunaux ; et de former des agents de police judiciaire, des fonctionnaires de tribunaux et des magistrats.
« Le gouvernement fait tout son possible pour mettre fin à l’impunité », a-t-il dit.
D’après M. Pereira, de l’UNODC, le ministre de la Justice est motivé et « a très à cœur de faire avancer la situation. »
Cependant, une véritable réforme du secteur judiciaire ne sera possible que si l’Etat dispose de fonds importants – principalement accordés par des bailleurs internationaux – a affirmé un observateur. Jusqu’à présent, peu de donateurs se sont officiellement engagés à financer ce secteur à long terme.
aj/dab/np/il/ail
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions