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Les succès alimentaires d’une économie dirigée

Rice farmer in Vallee du Zio, 50km northwest of Togo's capital, Lomé Etonam Ahianyo/IRIN
Les 300 experts présents à un forum sur l’alimentation qui s’est tenu cette semaine, pendant deux jours, à Rome, étaient presque tous d’accord pour dire qu’ensemble, ils étaient capables de trouver des solutions pour nourrir le monde en 2050, mais doutaient qu’ils obtiendraient le soutien politique nécessaire à la mise en pratique de ces réponses.

Ce forum a été organisé suite à une mise en garde de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a averti que si aucune mesure n’était prise aujourd’hui pour augmenter la production alimentaire, 370 millions de personnes risquaient d’être touchées par la faim d’ici 2050, époque où, d’après les prévisions, la population mondiale aura alors dépassé la barre des neuf milliards de personnes.

Au cours de la dernière session du forum, les experts ont exprimé, lors d’un vote, leur manque de confiance dans les dirigeants politiques mondiaux. « Ce vote m’a beaucoup attristé, mais je ressens la même chose que chacun d’entre nous : les dirigeants ne s’engagent pas suffisamment pour l’éradication de la faim », a dit Kevin Cleaver, Président adjoint pour la gestion de programme au Fonds international de développement agricole (FIDA) des Nations Unies, et modérateur de la dernière session.

Des représentants de syndicats agricoles, de la société civile, et même des technocrates, ont exprimé leur mécontentement face à la manière dont les politiques agricoles sont mises en place, dans beaucoup de pays en développement, sans que le contexte local et les bénéficiaires ne soient réellement pris en compte.

Dans le cadre d’une discussion en ligne, qui s’est déroulé en parallèle du forum, les participants ont observé que la faim n’était pas seulement due à un manque de nourriture disponible, mais aussi à un manque d’accès à la nourriture, en raison de « l’absence d’une volonté politique forte de répondre aux questions cruciales de sécurité alimentaire, aux problèmes structurels et de gouvernance. »

Sur les questions essentielles, les experts partageaient globalement des avis très proches : « Nous ne pouvons pas nous passer des petits agriculteurs », a déclaré Kwesi Atta-Krah, directeur général adjoint de Bioversity International, une organisation à but non lucratif de recherche sur les plantes, basée à Rome. Pour la plupart des experts, la recherche et le développement sont nécessaires pour augmenter la production, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’environnement, et il convient en outre de veiller à ce que « toute nouvelle technologie agricole adoptée puisse être utilisée par des femmes. »

Roberto Ridolfi, directeur d’EuropeAid, l'Office de coopération de la Commission européenne, a dit à IRIN : « Oui, nous avons les solutions, mais la question c’est : comment les mettre en place ? »

La conférence s’est concentrée sur le cas de l’Afrique, le continent qui devrait enregistrer l’essentiel de la croissance démographique mondiale au cours des quatre prochaines décennies. La FAO a souligné les difficultés auxquelles est confrontée l’agriculture africaine :

- On estime qu’en Afrique, quelque 218 millions d’habitants, soit environ 30 pour cent de la population totale, souffrent de la faim et de malnutrition chronique
- Les rendements de la production céréalière s’élèvent à 1,2 tonne par hectare, alors que ce chiffre atteint une moyenne d’environ trois tonnes par hectare dans l’ensemble des pays en développement
- En 2002, la consommation de fertilisants n’atteignait que 13 kilogrammes par hectares en Afrique subsaharienne, alors qu’elle s’élevait à 73 kilogrammes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et à 190 kilogrammes en Asie de l’Est et dans la région Pacifique
- Seulement trois pour cent des terres d’Afrique subsaharienne sont irriguées, contre plus de 20 pour cent à l’échelle mondiale
- Jusqu’à 40 pour cent des populations de la région vivent dans des pays sans littoral, contre seulement 7,5 pour cent dans les autres pays en développement
- En Afrique subsaharienne, les coûts de transport peuvent atteindre 77 pour cent de la valeur des exportations.

La Chine peut-elle montrer l’exemple ?

D’après Michiel Keyzer, du Centre pour les études alimentaires mondiales d'Amsterdam, aux Pays-Bas, l’Afrique pourrait tirer les leçons des succès de la Chine, qui est parvenue à améliorer sa sécurité alimentaire en réformant le marché en faveur des petits agriculteurs. La plupart des experts se sont accordés sur un principe : « Apprendre en s’inspirant des exemples, mais éviter de copier ».

« En Chine, nous avons un proverbe : ‘Il faut traverser la rivière en tâtant chacune des pierres’. Nous avons appris petit à petit, en tirant les leçons de chaque expérience ; c’est le message que nous pouvons transmettre à l’Afrique »
Jikun Huang, conseiller pour l’agriculture auprès du gouvernement chinois, a dit à IRIN que l’Etat communiste avait commencé à libéraliser son secteur agricole dans les années 1970. « Nous n’avons suivi aucun modèle de la Banque mondiale ou du FMI [Fonds monétaire international]. En Chine, nous avons un proverbe : ‘Il faut traverser la rivière en tâtant chacune des pierres’. Nous avons appris petit à petit, en tirant les leçons de chaque expérience ; c’est le message que nous pouvons transmettre à l’Afrique. »

Grâce à la réforme de son secteur agricole, la Chine, qui, dans les années 1960, était en proie à l’une des plus grandes famines, est devenue le plus gros producteur mondial de maïs et de riz, et a été citée comme modèle par le Programme alimentaire mondial (PAM), dans sa dernière publication de la collection ‘La faim dans le monde’.

Alors qu’avant la mise en place de cette réforme, les Chinois n’avaient pas le droit de cultiver des terres privées. « En 1978, les ménages d’agriculteurs ont obtenu le droit d’exploiter des terres collectives, en vertu de baux à long terme. Cette réforme, connue sous le nom de ‘système de responsabilité des ménages’, accordait également aux agriculteurs l’accès aux marchés où ils pouvaient vendre le surplus produit, après avoir attribué à la commune populaire les quotas exigés de la production », d’après le rapport du PAM.

« Jusqu’en 1984, nous n’accordions aucune subvention aux agriculteurs ; à partir de cette date, nous leur avons distribué des semences hybrides, nous avons commencé à mettre en place des infrastructures, à investir dans la recherche et développement, et à leur faire bénéficier de ces avancées », a commenté M. Huang. D’autre part, le gouvernement a également réduit la part de production que chaque ménage devait obligatoirement reverser à la commune populaire.

D’après le rapport du PAM, entre 1978 et 1998, le nombre de pauvres dans les zones rurales chinoises est passé de 260 millions à 42 millions. « Plus de la moitié de cette réduction s’est produite dans les six premières années. Les disponibilités alimentaires par habitant ont augmenté, passant de 1 717 calories dans les années 60 à 2 328 en 1981 et 3 000 calories à la fin des années 90. » L’apport journalier recommandé pour un adulte est de 2 100 calories.

M. Huang a démenti les accusations, évoquées lors du forum, selon lesquelles la Chine aurait des vues sur les terres africaines, qui pourraient lui permettre de satisfaire ses besoins alimentaires croissants. « La production alimentaire de l’Afrique sera insuffisante pour nous nourrir – nous pouvons compter sur nos propres cultures, ou nous pouvons importer », a-t-il soutenu.

« De nombreux gouvernements africains sont venus nous demander une assistance technologique ; ils nous demandent des semences hybrides de riz. Nous leur demandons : ‘Votre environnement vous permet-il de les cultiver ?’ Nous leur disons : ‘Vous ne pouvez pas vous contenter de copier’. Si nous nous aventurons aujourd’hui en Afrique, c’est donc pour essayer de construire un modèle économique [pour l’Afrique], de mettre en place les infrastructures et les systèmes d’irrigation, et de leur montrer comment faire. »

S’adapter au contexte local

Pour Mark Rosegrant, de l’International Food Policy Research Institute, un groupe de réflexion sur l’alimentation basé aux Etats-Unis, il est également évident que se contenter de copier ce qui a été efficace en Chine pour l’appliquer, par exemple, au Zimbabwe ne serait pas une solution. M. Cleaver, du FIDA, a estimé qu’il pouvait être efficace d’« adapter » les méthodes en fonction de la situation spécifique de chaque pays.

« Il ne faut pas comparer les choux et les carottes », a souligné un autre expert, évoquant notamment la taille immense de l’économie chinoise, parmi d’autres facteurs ayant contribué à réduire la pauvreté dans la plus grande nation du monde.

M. Keyzer, du Centre pour les études alimentaires mondiales, a suggéré que les pays africains pouvaient peut-être s’inspirer de ce qui avait été efficace dans des provinces chinoises ou indiennes de taille comparable.

jk/he/il

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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