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Les services de santé, débordés dans la province de Kandahar

En passant cahin-caha sur la route cahoteuse, la camionnette laissait échapper les gémissements de ses trois passagers blessés ; une fois sur l’asphalte, à proximité de la ville de Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan, un seul d’entre eux murmurait encore : les deux autres (des adolescents) étaient passés de vie à trépas.

Tous trois avaient été blessés au cours d’une frappe aérienne menée ce mois-ci contre leur village, à Shah Wali Kot, une région de la province de Kandahar, selon Abdul Aleem, le rescapé.

« Il n’y a ni clinique, ni médecin dans notre région, alors on m’a emmené ici », a-t-il confié à IRIN de son lit d’hôpital, à Kandahar. « J’ai terriblement souffert en chemin ».

Près du lit d’Abdul Aleem, se trouve Juma Gol, 13 ans ; le jeune garçon a raconté qu’il avait été blessé par l’explosion d’une bombe, posée au bord d’une route, dans la région de Panjwaye, à Kandahar. Il avait ensuite enduré trois heures de trajet, attaché à l’arrière d’une motocyclette conduite par son frère aîné, avant de trouver une voiture pour l’emmener en ville se faire soigner.

« Je n’ai pas eu très mal quand j’ai été blessé, mais j’ai énormément souffert sur la moto », a raconté Juma Gol.

Emmener un patient des régions rurales jusqu’à Kandahar est non seulement difficile et risqué, mais aussi très cher. Plusieurs patients et leur famille se sont plaints de l’explosion de bombes improvisées au bord des routes, des actes d’extorsion des insurgés, et de ce qu'ils ont affirmé être des tirs sans discernement des forces internationales.

« Pour servir de chauffeurs en cas d’urgence, les particuliers exigent des sommes bien plus élevées qu’en temps normal », a expliqué Shir Mohammad, de la région de Maiwand.

Les affrontements constants et les menaces contre les travailleurs de la santé ont abouti à la fermeture d’au moins 11 des 38 centres de santé de la province, qui selon les estimations, compte plus d’un million d’habitants, d’après les responsables provinciaux du secteur de la santé.

Les femmes particulièrement touchées

L’absence de prestataires de santé dans les régions rurales est particulièrement problématique pour les femmes, qui ont déjà un accès limité au travail et à l’éducation.

« Beaucoup de femmes meurent en cours de grossesse ou en couches, ou succombent à d’autres maladies parce que les hommes ne peuvent pas les emmener à l’hôpital en ville, et ne le font pas », a déclaré Bibi Nanye, une femme âgée, de la région de Khakriz, à Kandahar.

Ses préoccupations ont été reconnues par Abdul Qayum Pokhla, directeur des services de santé de Kandahar. « Les femmes et les enfants souffrent plus que quiconque du manque d’accès aux soins de santé ».

L’Afghanistan affiche l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés du monde : 1 600 décès pour 100 000 naissances vivantes, selon les agences des Nations Unies.

« Faute d’espace, nous donnons parfois un même lit à trois patients différents, lorsqu’ils sont atteints d’affections bénignes »
Afflux de patients

Une croissance démographique rapide et un manque d’accès aux services de santé, en particulier dans les régions rurales touchées par l’insécurité, contribuent à l’afflux des patients vers le chef-lieu de la province, selon les autorités sanitaires.

« Nous recevons des patients venus non seulement des quatre coins de Kandahar, mais aussi des provinces ?voisines] de Helmand, Zabul et Uruzgan », a expliqué à IRIN Daud Farhad, directeur de l’hôpital Mirwais de la ville de Kandahar, ajoutant qu’entre mars et août 2009, plus de 67 000 patients avaient été soignés à l’hôpital.

Ouvert en 1978, l’hôpital disposait initialement de 250 lits ; aujourd’hui, sa capacité d’accueil a été augmentée à 354 lits pour répondre à une demande croissante.

Photo: Sarwar Amani/IRIN
La plupart des victimes de guerre des provinces du sud du pays se rendent à l’hôpital Mirwais pour y être soignées

« Faute d’espace, nous donnons parfois un même lit à trois patients différents, lorsqu’ils sont atteints d’affections bénignes », a déclaré le docteur Farhad.

Manque de personnel médical

La pénurie de personnel médical qualifié et d’équipement compromet également la capacité de soins de l’hôpital.

« Pour le service de chirurgie, qui dispose de 180 lits, nous devrions avoir 36 chirurgiens ; mais à l’heure actuelle, nous n’en avons que 18 », a déclaré Daud Farhad. « Bien qu’il s’agisse d’un hôpital régional important, nous ne disposons pas de certains équipements, tels que le tomodensitomètre ou l’IRM [imagerie par résonance magnétique] ».

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) soutient l’hôpital Mirwais en lui fournissant du matériel médical, de l’équipement, en y dispensant des formations et en se chargeant de l’entretien de l’équipement, car il s’agit d’un centre de santé important dans le sud instable du pays.

« L’hôpital régional Mirwais admet de plus en plus d’enfants atteints d’affections qu’il serait facile de soigner localement si seulement les dispensaires et les cliniques étaient en service. Les patients souffrant de traumatismes graves sont aussi de plus en plus nombreux. Il y a lieu de s’alarmer en constatant le nombre de civils blessés par des engins explosifs improvisés », selon un bulletin d’information sur les opérations du CICR, publié par l’organisme en juillet.

Wounded men in a hospital in Kandahar
Photo: Sarwar Amani/IRIN
La plupart des victimes de guerre des provinces du sud du pays se rendent à l’hôpital Mirwais pour y être soignées
La sécurité au cœur du problème

Selon les autorités sanitaires provinciales, il faut développer d’urgence les centres de santé ruraux et ouvrir un nouvel hôpital dans la province de Kandahar.

« Nous avons besoin d’un nouvel hôpital d’une capacité d’accueil de 500 lits pour pouvoir répondre aux besoins croissants de la population », a expliqué Abdul Qayum Pokhla.

Il est aussi extrêmement important de mobiliser davantage de prestataires de santé qualifiés dans la province, a-t-il ajouté.

Les autorités concèdent toutefois que tout repose sur une question importante : la sécurité. « Nous pourrions rouvrir les cliniques qui ont fermé et en construire de nouvelles si seulement nous avions la sécurité », a admis Abdul Qayum Pokhla.

Les insurgés talibans seraient présents dans l’ensemble de la province, selon un rapport du Conseil international sur la sécurité et le développement.

ssa/ad/cb/nh

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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