En se référant à 87 études et aux avis de nombreux experts en éducation sexuelle, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), en partenariat avec sept autres agences des Nations Unies, a rédigé une première version, longue de 98 pages, de ses Règles de conduite internationales sur l'éducation sexuelle.
Ces recommandations n’ont pas encore été finalisées, mais d’après cette ébauche, le cursus d’éducation sexuelle devrait être divisé en différentes étapes correspondant à quatre stades de la vie des enfants et adolescents âgés de cinq à 18 ans. Les sujets abordés comprennent les relations, la reproduction, l’inégalité entre les sexes et divers aspects de la sexualité, mais des groupes conservateurs des Etats-Unis se sont concentrés sur quelques propositions de thèmes qu’ils considèrent trop explicites et inappropriés pour de jeunes enfants.
Un article publié sur le site d’actualités Foxnews.com met en avant la question de la masturbation, que les recommandations de l’UNESCO suggèrent de commencer à aborder avec les enfants de cinq à huit ans.
L’article cite Michelle Turner, présidente de Citizens for a Responsible Curriculum, organisation basée dans le Maryland : « A cet âge-là, ils devraient apprendre … comment s’appellent certaines parties de leur corps, certainement pas ce qu’est la masturbation ». Mme Turner a également été « perturbée » par la recommandation que les enfants soient sensibilisés au sujet de l’avortement dès l’âge de neuf ans. D’autres ont critiqué le fait que le rapport conseille aux professeurs de parler aux enfants d’homosexualité, de contraception et de violence sexiste.
Un document qui s’appuie sur les faits
L’UNESCO et le Conseil américain pour l'information et l'éducation sexuelle (SIECUS), qui ont participé à l’élaboration de ce document, l’ont défendu dans des déclarations, affirmant qu’il correspondait à une stratégie fondée sur les faits, visant à réduire le nombre d’infections par le VIH chez les jeunes, et à améliorer leur santé sexuelle et reproductive.
Ces organismes citent des données de la Fédération internationale pour la parenté planifiée (International Planned Parenthood Federation) montrant que chaque année, au moins 111 millions de nouveaux cas d’IST surviennent chez des jeunes âgés de 10 à 24 ans, et que jusqu’à 4,4 millions de jeunes filles de 15 à 19 ans cherchent à obtenir un avortement, dangereux dans la plupart des cas. D’après l’ONUSIDA (Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA), 45 pour cent des nouvelles infections par le VIH surviennent chez des jeunes âgés de 15 à 24 ans.
« Il est tout à fait possible de parler de sexualité aux enfants d’une manière adaptée à leur âge » |
Anticipant la plupart de ces objections, les auteurs du document leur ont consacré une section relativement longue, intitulée « Les raisons de l’éducation sexuelle », dans laquelle ils observent notamment que l’un des enjeux est de parvenir à toucher les jeunes « avant qu’ils ne deviennent sexuellement actifs, que ce soit… par choix, par nécessité ou par coercition ».
« Ces Règles de conduite internationales soulignent à quel point il est important de tenir compte de la réalité de la vie sexuelle de nombreux jeunes : cela suppose d’aborder des aspects que certains décideurs politiques ou autres responsables désapprouvent personnellement », ont remarqué les auteurs. « Les décideurs faisant preuve de conscience professionnelle ne peuvent que reconnaître que la preuve scientifique et les impératifs de santé publique doivent avoir la priorité sur les opinions personnelles. »
Michael Bennish, directeur général de Mpilonhle, une ONG (organisation non gouvernementale) sud-africaine proposant des formations, dans les écoles, portant sur la santé et la prévention du VIH, a déclaré que les personnes qui s’opposaient à ce document « très équilibré et réfléchi » étaient « guidées par des motifs idéologiques ».
« Selon moi, tout tend à prouver que l’éducation sexuelle ne conduit pas à des comportements sexuels irresponsables », a-t-il dit à IRIN/PlusNews. « Il est tout à fait possible de parler de sexualité aux enfants d’une manière adaptée à leur âge… ; les enfants sont sexués dès un très jeune âge, ils sont curieux de découvrir leur anatomie et la procréation, et il est préférable qu’ils aient accès à la bonne information qu’à la mauvaise. »
D’après un article du New York Times daté du 1er septembre, la controverse aurait poussé le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), un des partenaires-clé, à se retirer du projet. Cependant, un porte-parole de l’UNFPA a refusé de confirmer cette information, se contentant d’affirmer que l’organisation était toujours en cours de discussions avec l’UNESCO, afin d’essayer de faire en sorte que les recommandations soient davantage « mises en contexte ».
D’autres commentateurs conservateurs ont reproché aux Règles de conduite de proposer une approche unique censée convenir à tous, sans tenir compte des spécificités culturelles. Mary Beth Hastings, directrice adjointe de l’ONG américaine CHANGE (Centre pour la santé et l'égalité des sexes), n’est pas de cet avis.
« Je pense que les organisations conservatrices ont tendance à donner des proportions exagérées à tout ce qui a trait à la sexualité, en particulier en ce qui concerne les enfants ; si elles réagissent ainsi, c’est à cause de leur agenda », a-t-elle déclaré à IRIN/PlusNews. « Il existe des vérités fondamentales concernant la sexualité infantile, et nous devons en tenir compte. Selon moi, les recommandations permettent aux différents pays d’adapter les propositions à leur culture, tout en étant conscients que les enfants connaissent une évolution qui doit être pris en considération. »
Les Règles de conduite seront officiellement lancées par les Nations Unies à New York à la fin du mois d’octobre. Mme Hastings a déclaré qu’elle espérait que la controverse ne masquerait pas l’intention de départ du projet, qui est de développer l’éducation sexuelle en l’intégrant à la prévention du VIH à l’échelle mondiale.
« Etant donnée l’ampleur de l’épidémie de VIH, en particulier chez les jeunes femmes, je pense que cela pourrait constituer un outil formidable », a-t-elle affirmé.
ks/he
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