D’après les agriculteurs locaux, cela fait trois ans que la région connaît des pluies irrégulières. Mais cette année a été un véritable « cauchemar », a raconté Samwel Karanja à IRIN, le 17 août, dans sa ferme du village de Njururi.
« Je ne m’attends pas à récolter quoi que ce soit, mais j’ai dépensé beaucoup d’argent pour préparer ma terre et semer le maïs et les haricots plus tôt cette année », a dit cet agriculteur âgé de 70 ans.
M. Karanja a planté du maïs et des haricots sur 3,2 hectares, ce qui lui a coûté au moins 80 000 shillings kényans (1 052 dollars), mais aujourd’hui, les haricots se sont flétris et sont morts, et le maïs, qui a à peine poussé, se dessèche.
« Je m’en remets à Dieu ; j’espère que les pluies courtes [septembre-décembre] vont arriver, mais je me renseigne sur des cultures pouvant remplacer le maïs. Avec d’autres agriculteurs, nous voulons planter du manioc quand les pluies arriveront. »
Comme M. Karanja, de nombreux agriculteurs de cette partie du nouveau district de Njoro ont été durement frappés par la sécheresse. Les responsables de l’agriculture signalent des récoltes déficitaires dans toute la province, qui est considérée comme le bassin céréalier du pays.
La région la plus touchée est celle de Nakuru, qui couvre les districts de Njoro, Nakuru Nord, Naivasha, Molo, Rongai et Olengurone.
« Au total, pour la région de Nakuru, nous prévoyons qu’au moins 95 pour cent des récoltes de maïs seront déficitaires ; on assistera peut-être à quelques moissons, mais uniquement dans des zones telles que Weseges, dans le district de Nakuru Nord », a indiqué Stephen Muriithi, responsable de l’agriculture dans le district de Nakuru.
M. Karanja a raconté que la saison était tellement catastrophique qu’il n’a même pas été possible de couper le maïs desséché pour nourrir les vaches, car les bêtes étaient mortes après avoir mangé les racines pourries.
Photo: Jane Some/IRIN |
Samwel Karanja, du village de Njururi dans la division de Lare, Njoro. Il a perdu huit acres de maïs et de haricots à cause de l’insuffisance des longues pluies |
Les pluies ayant été faibles en 2008 et 2009, les réservoirs d’eau creusés par les agriculteurs de Lare se sont asséchés, ce qui entrave les efforts entrepris pour cultiver des produits de subsistance, comme les patates douces, les arachides et divers légumes.
« Quand les pluies arriveront, nous planterons du maïs en quantité suffisante pour subvenir aux besoins de la famille uniquement, et nous nous concentrerons sur la plantation d’arbres, car c’est une culture beaucoup plus rentable qui nécessite peu d’eau », a dit Mary Waithera, également agricultrice à Lare.
Le département de M. Muriithi espère que les pluies courtes amélioreront la production des cultures telles que les pommes de terre et les haricots. Cela permettrait aux agriculteurs de tenir jusqu’à la principale période de plantation de 2010, au moment des longues pluies.
Evaluation de l’insécurité alimentaire
L’aggravation de la sécheresse au Kenya risque d’augmenter le nombre de victimes de l’insécurité alimentaire, d’après le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Jeanine Cooper, directrice du bureau d’OCHA-Kenya a indiqué à IRIN que son agence avait lancé une campagne de mobilisation de cinq ans pour mettre fin aux situations d’urgence liées à la sécheresse dans le pays.
D’après les conclusions de l’évaluation des longues pluies menée du 13 au 31 juillet 2009 par le Kenya Food Security Steering Group (KFSSG), l’insécurité alimentaire et les problèmes de subsistance touchent encore des milliers d’habitants des régions de Nakuru, Uasin Gishu et Trans Nzoia, dans la Vallée du Rift, dont la production agricole est habituellement excédentaire. Ces régions sont celles qui ont accueilli le plus grand nombre de personnes déplacées suite aux violences post-électorales de début 2008.
D’après le KFSSG, la saison a été une fois de plus mauvaise dans la plus grande partie des districts de l’est et du nord, qui ont une tradition d’élevage, et l’insécurité alimentaire risque de s’aggraver courant octobre.
L’évaluation a montré que l’insécurité alimentaire globale était due à l’impossibilité de semer en 2008, au retard des longues pluies de 2009, ainsi qu’à l’augmentation des prix alimentaires, qui a réduit l’accès à la nourriture.
L’évaluation a été menée auprès des personnes déplacées qui retournent aujourd’hui dans leurs fermes, et de celles qui sont encore logées dans des camps de transit mais travaillent dans leurs fermes.
Photo: Wikimedia Commons |
Contrairement à cette plantation, qui est en pleine santé (ci-dessus), le maïs planté dans la région de Nakuru, dans la vallée du Rift, s’est flétri et desséché |
« Dans les camps de transit, l’élevage laitier a beaucoup souffert du manque de pâturages et de logements », a rapporté le KFSSG.
« Du fait de cette nouvelle situation, dans les trois districts, les prix des animaux laitiers et de la volaille locale ont presque doublé depuis les violences post-électorales. D’autre part, les mouvements d’animaux liés au déplacement des populations ont multiplié les cas de maladies transmissibles telles que la fièvre aphteuse, le charbon [et] le charbon symptomatique chez le bétail, et la maladie de Newcastle chez la volaille. »
Afin de surmonter la crise alimentaire, les communautés vulnérables ont eu recours à plusieurs moyens : réduire le nombre de repas par jour ainsi que les quantités servies ; réduire la consommation des adultes pour permettre aux enfants de manger davantage ; puiser dans les stocks de graines ; ne plus envoyer les enfants à l’école pour qu’ils participent à la recherche de nourriture ; chercher du travail temporaire ; compter sur les envois d’argent ; utiliser une partie des primes de réinstallation pour défricher des terres ; labourer et cultiver plus de 90 pour cent des terres arables disponibles ; et créer de nouveaux revenus en construisant des habitations sur les terres des fermes.
Dans le reste du Kenya, les récoltes déficitaires dans les basses terres du sud-est et du littoral, régions agricoles marginales, risquent d’aggraver l’insécurité alimentaire, d’après le rapport d’évaluation.
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