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Les employées de maison font souvent plus que le ménage

Kenyan domestic workers attend a seminar on HIV/AIDS held by the NGO, Family Health International Kenneth Odiwuor/IRIN
Lorsque Nora Adhiambo, 21 ans, a commencé à travailler comme gouvernante dans une famille de Nairobi, capitale du Kenya, elle s’attendait à faire la cuisine, le ménage, et à s’occuper de leurs jeunes enfants ; et non à devoir avoir régulièrement des rapports sexuels avec son employeur.

« Il me forçait à coucher avec lui ; chaque fois, il couchait avec moi sans mettre de préservatif, et ça a duré deux ans », a-t-elle confié à IRIN/PlusNews. « Il m’a mise à la porte quand je lui ai dit que j’étais enceinte ; je me suis rendu compte par la suite que j’avais quitté cette maison non seulement enceinte, mais aussi séropositive ».

C’est une tante de Nora Adhiambo qui l’avait emmenée à la ville, il y a cinq ans, lorsqu’elle avait 16 ans, pour travailler dans cette famille, à la suite du décès de ses parents, qui l’avait contrainte d’arrêter l’école. Ses employeurs la rémunéraient 800 shillings par mois (10 dollars américains), mais ce salaire était directement envoyé à sa tante.

Après avoir perdu son emploi, la jeune femme a trouvé refuge dans une église de la région et entamé un traitement antirétroviral (ARV) ; son employeur n’a jamais été inculpé pour viol, ni pour avoir employé une mineure (au Kenya, le travail n’est autorisé par la loi qu’à partir de 18 ans).

Le Kenya compte plus d’un million d’employés de maison, selon le Centre for Domestic Training and Development, qui défend leurs droits et leurs intérêts. La plupart sont employés de manière informelle, ce qui signifie que leurs conditions de travail (salaire, congés, assurance maladie…) sont en grande partie déterminées par l’employeur.

Leurs salaires sont parfois si dérisoires qu’elles se trouvent contraintes de chercher d’autres sources de revenus, notamment dans l’industrie du sexe ; celles qui ont été mises à la porte par leur employeur après avoir été violées peuvent également se résoudre à se livrer au commerce du sexe, comme seul moyen de survie.

« Si je n’ai jamais couché avec mon patron, je couche avec d’autres hommes du quartier pour gagner plus d’argent quand mes patrons sont au travail », a confié Lillian Atieno*, 17 ans, employée de maison à Nairobi. « La plupart d’entre eux pensent que je suis confinée [à la maison] et donc que je ne couche pas avec beaucoup de gens, [alors] ils mettent rarement un préservatif avec moi ».

Selon Maureen Murenga, responsable de programme à Women Fighting AIDS in Kenya (WOFAK), une organisation non-gouvernementale (ONG) locale, l’usage du préservatif est globalement faible chez les employées de maison. « La plupart du temps, lorsque les employées de maison ont des rapports sexuels, ce n’est pas prévu, alors l’utilisation du préservatif est nulle ; en plus, rares sont celles qui ont entendu parler de la prophylaxie post-exposition [un traitement ARV qui permet d’empêcher la transmission du VIH à la suite d’un rapport sexuel], donc la plupart d’entre elles ne demandent pas à bénéficier de ces services ».

«Il m’a mise à la porte quand je lui ai dit que j’étais enceinte ; je me suis rendu compte par la suite que j’avais quitté cette maison non seulement enceinte, mais aussi séropositive »
Non mise en application du droit du travail

Le Kenya a adopté une législation visant à protéger les droits des employés de maison, mais celle-ci est rarement mise en application, et peu d’employées de maison connaissent l’existence de la Kenya Union of Domestic, Hotel, Educational Institutions, Hospitals, and Allied Workers (KUDHEIHA), un syndicat créé pour protéger leurs droits.

« La plupart des employées de maison n’ont pas de qualification, sont peu instruites et ne savent même pas qu’elles ont des droits en vertu de la loi », a expliqué Irene Opiyo, consultante en politique du travail ; Mme Opiyo souhaiterait qu’un système de réparation juridique plus simple soit mis en place pour les employés de maison.

Au cours d’une enquête menée par KUDHEIHA et l’American Centre for International Labour Solidarity dans la ville côtière de Mombasa, au Kenya, en 2009, 77,3 pour cent des 982 employées de maison interrogées ont déclaré percevoir des salaires inférieurs au salaire minimum, et 32 pour cent ont rapporté avoir été victimes de maltraitances sexuelles, verbales ou physiques.

Développer les connaissances, renforcer l’estime de soi

Family Health International (FHI), qui s’efforce d’améliorer la santé reproductive des populations du monde, dirige un projet visant à émanciper les employées de maison en leur communiquant des informations sur le VIH/SIDA, la sexualité et la santé reproductive, et en leur apprenant à gérer leurs finances personnelles.

Outre le taux élevé de maltraitance sexuelle, les employées de maison sont également plus exposées au risque de contracter le VIH : en raison de leurs conditions de travail, il est plus difficile de leur communiquer des messages de prévention contre le VIH, et le soutien social dont elles peuvent bénéficier est limité. En se servant de l’église comme point d’entrée, FHI parvient, dans le cadre de son projet, à entrer en contact avec ces filles, et avec leurs employeurs.

« Pour réduire la vulnérabilité de ces filles, il est très important de faire en sorte qu’elles puissent être informées sur le VIH/SIDA et de leur donner les moyens de renforcer leur estime d’elles-mêmes et leur amour-propre », selon le docteur Jane Alaii, associée de recherche chez FHI.

« Je suis mieux informée qu’avant sur le VIH, et grâce à la formation, je peux désormais à la fois m’apprécier moi-même et apprécier le travail que je fais. Aujourd’hui, je ne peux plus faire ce que je faisais facilement, avant, avec mon corps », a commenté Tabitha Gathoni, employée de maison, qui a participé au projet de FHI.

*Un nom d’emprunt

ko/kr/he/nh

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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