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Troubles et tendances séparatistes dans le sud ?

The port city of Mukalla in Hadhramaut Governorate saw violent protests over the past few days. Protests turned into riots and some shops were set ablaze Muhammed al-Jabri/IRIN
La stabilité et la sécurité du Yémen, ainsi que son avenir en tant qu’Etat unifié, sont en péril à la suite des violentes manifestations qui ont eu lieu dernièrement dans le sud, selon les experts.

Ces derniers jours, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue dans les gouvernorats de Lahj, d’al-Dhalei, de l’Hadramaout et d’Abyan, scandant des slogans anti-gouvernement et appelant à la sécession et au retrait de « l’occupation nordiste ».

Environ 18 personnes (bilan rectifié) ont été tuées au cours d’échauffourées entre les manifestants et les forces de sécurité, et un certain nombre de soldats ont également trouvé la mort lorsque des groupes armés ont attaqué des postes de contrôle.

Il s’agissait là des manifestations les plus violentes observées dans le sud depuis la fin de l’année 2006.

Selon Mohammed al-Daheri, professeur de sciences politiques à l’université de Sanaa, les manifestants, qui étaient d’abord descendus dans la rue pour revendiquer leurs droits, appellent désormais à la sécession.

« Si l’on ne résout pas cette situation, ceux qui appellent à la sécession risquent de trouver un public réceptif chez les chômeurs et les gens qui se sentent opprimés », a-t-il déclaré à IRIN.

La République arabe du Yémen (nord) et la République démocratique populaire du Yémen (sud) se sont unies en 1990 pour former la République du Yémen. Mais cet Etat unifié a été menacé lorsque la guerre civile a éclaté, en 1994, les dirigeants sudistes appelant à la sécession. Des milliers de personnes ont été tuées au cours de sanglants affrontements qui ont pris fin avec la défaite des dirigeants sudistes, principalement représentés par le Parti socialiste yéménite (PSY).

La population yéménite (21 millions d’habitants) compte parmi les plus pauvres du monde et ne peut guère se permettre une nouvelle période d’instabilité : le conflit dévastateur qui a secoué le gouvernorat de Saada (nord) entre 2004 et 2008 risquerait en effet de reprendre.

«Si l’on ne résout pas cette situation, ceux qui appellent à la sécession risquent de trouver un public réceptif chez les chômeurs et les gens qui se sentent opprimés»
Les doléances


Les doléances des sudistes sont restées d’actualité en raison de deux problèmes clés : la spoliation foncière dont se sont rendus coupables les hauts responsables du gouvernement nordiste à la suite de la guerre de 1994, et l’exclusion des fonctionnaires et des militaires sudistes, privés des postes à responsabilité au sein des autorités publiques.

Plusieurs centaines de milliers de sudistes ont pris part à des rassemblements de protestation, en mars 2008, et de nombreuses manifestations ont été organisées depuis 2006. Leurs doléances, encore valides aujourd’hui, portent notamment sur les meurtres politiques et les détentions arbitraires, la discrimination à l’emploi, l’exclusion du processus politique, l’omniprésence des camps et des postes de contrôle militaires, et les prestations sociales, insuffisantes pour survivre ; plus de 100 000 travailleurs civils et militaires ont en effet perdu leur moyen de subsistance après la guerre de 1994.

Les retraités civils et militaires sudistes ont commencé à manifester en 2006 pour revendiquer l’égalité de droits, mais le gouvernement a refusé de répondre à leurs doléances.

« Si cette insensibilité politique persiste, le pays risque d’être morcelé », a prédit M. al-Daheri.

Selon un rapport publié en 2008 par la Chatham House, une cellule de réflexion londonienne, l’exclusion perçue des sudistes des réseaux de parrainage nordistes dans le secteur des affaires, les sphères politiques et l’armée est à l’origine de ces actes séparatistes.

Les ressources pétrolières du Yémen se trouvent dans le sud, mais les sudistes se plaignent que le régime de Sanaa accapare les profits, peut-on également lire dans le rapport.

Le mouvement sudiste

Le Mouvement sudiste (MS), dirigé par d’anciens officiers militaires sudistes mécontents, est l’élément fédérateur principal des opposants au régime. Le mouvement a pris de la vitesse, récemment, après l’adhésion d’un certain nombre de cheiks sudistes.

Le mois dernier, le cheikh Tareq al-Fadli, éminent chef tribal du gouvernorat d’Abyan et ancien allié du président Saleh, a annoncé son adhésion au MS. Il a qualifié les dirigeants nordistes « d’envahisseurs des terres et des richesses », et appelé à internationaliser le cas du sud yéménite.

Depuis 2007, 25 manifestants ont été tués et plus de 150 ont été blessés, selon Aydarous al-Naqib, député et premier représentant du Parti socialiste yéménite au Parlement.

M. Al-Naqib a expliqué à IRIN que les autorités étaient responsables de l’escalade des violences, car elles avaient eu inutilement recours à la force pour réprimer des « manifestations pacifiques ».

Au début de l’année, 70 activistes avaient été détenus dans le sud, mais les manifestants avaient bloqué la circulation sur l’autoroute principale jusqu’à ce qu’ils soient libérés, a-t-il rapporté. Les autorités devraient faire preuve de circonspection dans le recours à la force : « Cela va créer des fronts qui ne disparaîtront plus. Cela va ouvrir les portes de l’enfer », a-t-il prévenu. 

La répression, une mesure contreproductive ?

Jane Novak, analyste et experte des affaires yéménites, qui exerce aux Etats-Unis, a expliqué à IRIN que ces deux dernières années, le MS avait pris de la vitesse après chaque manifestation violemment réprimée par l’Etat.

Le conflit dans le sud, a-t-elle prédit, suivra probablement le même schéma que le conflit de Saada, au cours duquel l’Etat avait ciblé une partie de la population civile.

« Les bombardements qui ont eu lieu récemment à Radfan [une division du gouvernorat de Lahj] ont galvanisé bon nombre de sudistes et leur ont donné le sentiment que l’Etat n’était disposé à répondre à leurs griefs que par les tirs », a-t-elle expliqué.

« Les assauts militaires continuels et les attaques arbitraires contre les manifestants, les journalistes et les activistes sudistes déchaîneront les passions et œuvreront en faveur de la logique séparatiste. L’Etat n’a pas encore traité la question centrale, à savoir le monopole du pouvoir par l’élite nordiste ».

Les arrestations arbitraires de manifestants et les nombreux morts et blessés déplorés au cours des manifestations en ont provoqué de nouvelles, a-t-elle ajouté.

Nasser al-Khabji, un dirigeant du MS, a expliqué à IRIN que pendant les dernières manifestations, l’armée avait semé la panique en bombardant plusieurs zones. « Environ 200 familles ont été déplacées [dans le gouvernorat de Lahj] La vie s’est arrêtée ; les élèves ne pouvaient pas aller à l’école ; les magasins étaient fermés », a-t-il expliqué.

L’Etat a également mobilisé plusieurs centaines de civils sudistes fidèles au gouvernement pour s’opposer au MS, ce qui a également aggravé la situation, a-t-il ajouté.

Avertissement

Le 25 avril, le président yéménite Ali Abdullah Saleh a averti : « S’il arrive quelque chose à l’union nationale, à Dieu ne plaise, le pays ne sera pas scindé en deux, comme d’aucuns peuvent le penser, mais complètement morcelé … Les gens se battront de maison en maison, et de fenêtre en fenêtre …Ils doivent tirer des leçons de ce qui s’est passé en Irak et en Somalie ».

Les élections législatives initialement prévues pour le 27 avril 2009 ont été reportées de deux ans, en février, à la suite d’une longue campagne de boycott, menée par les mouvements d’opposition.

Le Yémen est classé 21e sur 60 à l’indice 2008 des Etats défaillants, publié par le magazine Internet américain Foreign Policy.

maj/at/cb/nh

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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