Trois producteurs de tomates de la région ont attenté à leurs jours en 2008, et un grand nombre d’entre eux ont tenté de se suicider, selon le Syndicat général des travailleurs agricoles.
Les femmes qui contrôlent les fruits et légumes, les fournisseurs et les prix dans l’ensemble du pays achètent leurs tomates de l’autre côté de la frontière, au Burkina Faso, à des prix moins élevés, et les fermiers de la région regardent leur propre production pourrir au soleil, ont-ils expliqué à IRIN.
Ces femmes, connues sous le nom de « reines », avaient fixé le prix de la caisse de tomates ghanéennes à 150 dollars au début de l’année 2008, puis à 10 dollars à peine, à la fin de l’année. Aujourd’hui, les prix pratiqués dans le secteur instable de la tomate sont remontés (pour atteindre 120 dollars la caisse), mais d’après Martin Pwayidi, producteur de tomates dans la région nord-est, il est peu probable que ce tarif soit maintenu.
En 2008, n’ayant pas pu trouver d’acheteurs, Martin Pwayidi a perdu les 2 000 dollars qu’il avait empruntés à la banque et investis dans sa plantation de tomates d’un hectare et demi. « L’année dernière a été particulièrement terrible, pour moi ; j’ai tout perdu. Je n’avais vraiment plus aucune raison de vivre. J’ai vraiment de la chance [de ne pas m’être suicidé et] d’être encore en vie aujourd’hui », a confié M. Pwayidi à IRIN.
Cinq amis de M. Pwayidi ont tenté de se suicider, en 2008. « Certains ont essayé de se pendre ; d’autres ont bu des insecticides et des désinfectants ». Quatre-vingt-dix pour cent des deux millions d’habitants de la région nord-est et des zones voisines travaillent dans le secteur de la production de tomates.
Le Ghana produit 510 000 tonnes de tomates chaque année, et en importe jusque 7 000 tonnes par mois des pays voisins ; le pays importe également 27 000 tonnes de tomates traitées d’Europe chaque année, selon la Fédération nationale des producteurs de tomates du Ghana.
Un problème régional
« Dans toute la sous-région, les prix des produits agricoles sont vraiment cassés et fluctuent d’un pays à l’autre », a expliqué Ibrahim Akalbila, coordinateur de la Ghana Trade and Livelihood Coalition, une organisation non-gouvernementale (ONG) locale.
Les codes du commerce des pays d’Afrique de l’Ouest n’imposent aucune taxe d’importation sur les produits agricoles ; les acheteurs sont donc libres d’acheter leurs produits à l’étranger, à bas prix.
En outre, à l’heure où des Accords de partenariat économique (APE) sont en cours de négociation avec l’Union européenne, les marchés ouest-africains sont sur le point d’être submergés par des produits largement subventionnés par l’UE, qui inciteront les acheteurs à abandonner les produits africains au profit des produits européens, selon M. Akalbila.
« A moins que la CEDEAO [Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest] n’adopte une politique de prix communs [avant la signature de l’APE], de plus en plus de fermiers vont attenter à leurs jours », a-t-il prédit. « Les stratégies sous-régionales de réduction de la pauvreté seront compromises, et de plus en plus de familles vont être plongées dans la pauvreté. Cela provoquera une crise d’une ampleur inimaginable ».
Le nord-est et les régions voisines du nord abritent la majorité de la population du Ghana, qui vit dans « l’extrême pauvreté » (avec moins d’un dollar par jour), selon les estimations des Nations Unies.
« ...A moins que la CEDEAO n’adopte une politique de prix communs [avant la signature de l’Accord de partenariat économique] |
« La plupart d’entre eux [les personnes touchées] sont des paysans pauvres », a indiqué M. Akalbila. « Ils ont besoin du marché pour survivre ».
De meilleures tomates
Maame Dufie, vendeuse au marché d’Abeka, à Accra, la capitale, a expliqué à IRIN que les tomates burkinabè étaient de meilleure qualité et qu’elles se vendaient plus rapidement que les variétés locales.
« Les tomates burkinabè sont plus grosses, plus dures, bien supérieures en goût, et elles se conservent plus longtemps », a-t-elle déclaré. « Nous sommes des femmes d’affaires, par des organisations caritatives : nous n’achetons que le meilleur, pour être sûres de faire des bénéfices ».
Les investisseurs étrangers, dont Taïwan, ont développé l’industrie de la tomate au Burkina Faso, en formant les producteurs, en distribuant des semences et en lançant des programmes d’irrigation.
Edward Karewe du syndicat des travailleurs agricoles admet que les tomates ghanéennes sont de moindre qualité.
Mais à en croire M. Pwayidi, fermier, si les commerçants préfèrent importer leurs tomates du Burkina Faso, c’est parce qu’ils « peuvent se servir de ces tomates comme couverture pour faire passer des produits en contrebande ». Il n’a pas précisé de quel type de produits il s’agissait.
« Je continuerai d’importer des tomates tant que les fermiers de la région refuseront de cultiver la variété burkinabè », a simplement rétorqué Maame Dufie, en réaction à ces allégations.
Appel au gouvernement
Le syndicat exhorte le gouvernement à mener des recherches pour trouver une variété de tomates de grande qualité et à haut rendement, adaptée aux marchés local et d’exportation. M. Karewe appelle le gouvernement à garantir aux fermiers des prêts à faible taux d’intérêt, et à les former à choisir les meilleures semences.
Roy Ayariga, responsable des programmes menés par le ministère de l’Agriculture dans le nord du pays, a déclaré à IRIN que le ministère menait des recherches sur différentes variétés de tomates locales, et s’efforçait d’inciter les hommes d’affaires et les fermiers à signer des accords pour assurer que ces derniers puissent trouver acheteurs avant de planter.
La fédération des producteurs de tomates a appelé le gouvernement à interdire temporairement les importations de tomates des pays voisins, mais cette décision serait contraire à la politique d’échange de la CEDEAO.
Le ministère a annoncé qu’il soutiendrait davantage les producteurs de tomates, mais n’a pas précisé de quelle manière.
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