« Comme tout homme normalement constitué, j’avais besoin de me défouler », a-t-il confié à IRIN/PlusNews. Aujourd’hui âgé d’environ 35 ans, Fida a commencé à souffrir de fièvres et de diarrhées persistantes en 2006.
Tous les travailleurs immigrés légaux d’Arabie Saoudite doivent passer un examen médical deux fois par an, et notamment se soumettre à des tests de dépistage des maladies infectieuses telles que le VIH.
« Le médecin m’a dit que j’étais atteint d’une infection incurable, et que les Arabes allaient m’administrer une injection mortelle. Il m’a dit que c’était mieux que je rentre dans mon pays », s’est souvenu Fida. Le médecin n’a pas présenté à Fida les résultats de ses analyses, mais il s’est montré assez convaincant pour l’inciter à faire ses valises et à quitter le pays immédiatement pour retourner au Pakistan.
« Je savais que je serais expulsé si mon kafil [parrain] ou n’importe qui d’autre apprenait que j’étais infecté », a-t-il expliqué. « Une fois que je suis arrivé ici, je me suis fait dépister [de nouveau] et le résultat était positif ».
Fida avait épousé une fille de sa famille tribale en 2005. Après qu’il eut découvert son statut, sa femme s’est également fait dépister, pour apprendre qu’elle était elle aussi séropositive. Fida a informé sa famille proche de son statut et de celui de son épouse, mais pas ses beaux-parents, de crainte que la nouvelle ne crée une dissension au sein de la tribu.
« J’ai également décidé de ne pas avoir d’enfants, et ma femme est d’accord. Aujourd’hui, notre priorité est de rester en bonne santé ».
Selon les estimations officielles, 1,7 million de Pakistanais, des hommes jeunes, employés comme manouvriers, pour la plupart, travaillent dans les pays du Golfe, généralement en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis (EAU).
De là, bon nombre d’entre eux envoient une partie de leurs revenus à leurs épouses et à leurs familles, restées au pays. Dans les bureaux de la New Light AIDS Control Society, une organisation non-gouvernementale (ONG) qui aide les personnes atteintes du VIH au Pakistan, Fida se souvient de sa vie de travailleur étranger en Arabie Saoudite.
« Au RAS (Arabie Saoudite), les travailleurs étrangers (surtout ceux qui sont issus de la classe ouvrière) sont traités comme des parias. On nous appelait kharji [étrangers], nous n’avions pas de droits : nos kafil gardaient nos passeports et les hôpitaux publics nous étaient interdits », a-t-il expliqué.
Selon Frère Khushi Lal, qui dirige New Light, la menace d’une injection mortelle est une tactique fréquemment employée par les autorités des pays du Golfe pour effrayer et intimider les travailleurs immigrés déclarés séropositifs.
« ...Le médecin m’a dit que j’étais atteint d’une infection incurable, et que les Arabes allaient m’administrer une injection mortelle. Il m’a dit que c’était mieux que je rentre dans mon pays... » |
Pour éviter que leur séropositivité ne soit décelée au cours de leurs examens médicaux réguliers, de nombreux travailleurs séropositifs se résolvent à envoyer un frère ou un ami se faire dépister à leur place, ou à verser un pot-de-vin.
« Il faut juste entre 500 et 1 000 riyals [entre 133 et 266 dollars] ; soudoyez les représentants des autorités et vous vous en sortirez », a expliqué le frère Lal. Mazhar Anjum, un transsexuel, est tombé malade alors qu’il travaillait comme domestique à l’hôtel Hilton de Dubaï.
Il a expliqué à IRIN/PlusNews que les travailleurs pakistanais, indiens et bengalais, qui composent la majorité de la main-d’œuvre dans les pays du Golfe, avaient peur de se soumettre à un dépistage du VIH dans ces pays. « Ils savent que s’ils sont déclarés séropositifs, ils seront immédiatement expulsés ».
M. Anjum, qui était allé se faire dépister à son retour au Pakistan, sur les conseils insistants de son ami séropositif, a découvert qu’il était lui aussi atteint du virus. Selon le frère Lal, nombre de travailleurs immigrés sont expulsés des pays du Golfe si leurs analyses révèlent qu’ils sont atteints du VIH ou de l’hépatite, sans même être avisés de leur état de santé.
« Ils savent qu’ils ont une infection, mais ils ne savent rien sur l’infection elle-même, et à leur retour, ils finissent par infecter leurs conjoints ou leurs partenaires », a-t-il expliqué. « Les gouvernements de ces pays pensent qu’ils se débarrassent de la maladie ; mais au bout du compte, le fait est qu’ils jouent avec des vies humaines ».
La politique d’expulsion des immigrés séropositifs en vigueur dans les EAU est en cours de révision ; les EAU envisagent de présenter un projet de loi qui interdirait aux employeurs de pratiquer une politique de discrimination à l’encontre des personnes séropositives.
Fida était très malade et déprimé la première fois qu’il a passé la porte de New Light, et bien que son état de santé se soit amélioré depuis qu’il a commencé à prendre des médicaments antirétroviraux (ARV) gratuits, sa condition financière continue de lui peser, selon le frère Lal.
« Comme bon nombre de personnes séropositives, il a trouvé la force de vivre, grâce aux avancées médicales, mais c’est la société dans laquelle nous évoluons qui rejette ces individus ».
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