1. Accueil
  2. Asia
  3. Philippines

Les cas de trafic, « pas pris au sérieux »

En juin 2008, une femme, reconnue coupable de trafic à des fins d’exploitation sexuelle sur la personne de sept mineurs, a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité par une juridiction de premier degré, devenant ainsi la 11e personne seulement à avoir été condamnée depuis l’adoption de la loi contre le trafic des personnes, en 2003.

Les organisations non-gouvernementales (ONG) considèrent l’affaire comme une étape importante. C’est en effet la première fois qu’un coupable est condamné avant même que l’exploitation sexuelle supposée des victimes n’ait été « consommée », a indiqué Roland Pacis, directeur exécutif adjoint de la Visayan Forum Foundation (VFF), qui s’occupe des victimes.

M. Pacis a déclaré à IRIN qu’au cours des précédentes affaires, les trois éléments du trafic humain (la tromperie, le transfert ou déplacement, et l’exploitation) devaient être réunis pour pouvoir condamner une personne de trafic qualifié, un crime passible de la peine maximale prévue par la loi.

« L’arrêt a montré qu’il n’était pas nécessaire d’avoir été physiquement exploité pour être considéré comme victime de trafic », a expliqué M. Pacis.

L’intention d’exploiter la victime suffit en effet à déterminer la culpabilité, selon l’arrêt. D’après les ONG, néanmoins, la poursuite en justice des auteurs est encore entravée par un manque d’informations ou par une ignorance quant à la nature du trafic humain, qui aboutit, dans certains cas, à des fins de non-recevoir.

Un bilan « lamentable »

Le cas des sept mineurs n’est que la septième affaire remportée par le gouvernement, avec l’aide des ONG, dans le cadre de la nouvelle loi. Elle fait partie des 56 affaires portées devant les tribunaux, sur 155 cas de trafic présumé, portés à l’attention du ministère de la Justice. Les autres affaires ont été jugées non-recevables faute de preuves.


Photo: Google Maps
Carte des Philippines et des pays de la région
Selon le Rapport 2005 du Département d’Etat américain sur les droits humains, chaque année, environ 400 000 Philippins sont victimes du trafic à l’intérieur du pays, et 800 000 autres, du trafic transnational.

Les personnes victimes de trafic à l’intérieur du pays sont envoyées dans les grandes zones urbaines telles que Manille, la capitale, et les victimes de trafic à l’étranger, contraintes de se prostituer ou réduites à l’esclavage, se retrouvent généralement en Malaisie, au Japon ou en Australie, ou même en Italie ou dans d’autres pays d’Europe.

Entre 2001 et 2006, les Philippines figuraient sur la liste de surveillance de niveau III du Rapport sur le trafic des personnes (TIPR) du Département d’Etat américain. Au niveau III, le plus grave, les pays peuvent être passibles de sanctions, et notamment d’une suspension de l’aide humanitaire internationale non-commerciale.

En 2006, les Philippines ont été rétrogradées au niveau II, qui réunit « les pays dont les gouvernements ne se conforment pas pleinement aux normes minimales prévues par la loi sur la protection des victimes du trafic, mais qui déploient des efforts considérables en vue de se conformer à ces normes ».

Selon Jean Enriquez, directrice adjointe de la Coalition contre la traite des femmes-Asie Pacifique (CATW), si le gouvernement a démontré, depuis lors, qu’il pouvait engager des poursuites à l’encontre des trafiquants, le bilan réel des affaires portées devant les tribunaux et des condamnations obtenues est lamentable.

En plus des « lenteurs terribles » de la procédure judiciaire et des condamnations, Mme Enriquez a expliqué qu’un grand nombre d’affaires avaient été jugées non-recevables à l’issue des enquêtes préliminaires, faute de motif raisonnable. De nombreux procureurs, a-t-elle indiqué, ne sont pas encore pleinement conscients des nuances de la loi contre le trafic, ce qui les amène parfois à considérer certaines affaires comme non-recevables.

Certains d’entre eux, a ajouté M. Pacis, considèrent ces affaires comme des cas de recrutement illégal, une infraction moins grave, ce qui permet aux trafiquants d’être libérés sous caution et de récidiver.

Selon Noreen Belarmino, responsable de recherche et de formation à la CATW, il arrive également que certaines affaires ne soient pas entendues parce que les victimes refusent de témoigner devant les tribunaux.

Pour mieux sensibiliser les populations aux droits et à la loi, la VFF et la CATW mènent des programmes de formation, d’information et d’éducation adressés aux victimes et au personnel judiciaire, mais les deux organismes sont soumis à des contraintes financières.

La campagne contre le trafic est organisée par le Comité interorganismes de répression de la traite des êtres humains (IACAT), composé d’agences gouvernementales, d’ONG et d’organismes du secteur privé, mais elle manque de fonds.

L’IACAT est présidé par le secrétaire à la Justice, et le ministère de la Justice a soumis une proposition de budget pour l’IACAT, qui a été rejetée. « Cela montre que certaines personnes et que le gouvernement lui-même ne comprennent pas que le trafic est un problème alarmant et que cela se passe juste sous leur nez », a lancé M. Pacis.

ar/bj/mw/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join