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Les regrets d’un homme de main du pouvoir

Sa brève carrière d’homme de main pour les dirigeants locaux de la ZANU-PF, le parti au pouvoir, revient hanter Stanlus Marowa depuis que ses anciens patrons l’ont abandonné, et qu’il se trouve confronté à la colère de sa communauté et à des accusations d’agression et de vol.

Stanlus Marowa, 24 ans, sans emploi, vit à Chitungwiza, une cité dortoir située à 30 kilomètres au sud d’Harare, la capitale zimbabwéenne.

Il a raconté à IRIN qu’il s’était livré à des actes de torture contre les partisans du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), le parti d’opposition, après les élections du 29 mars, à l’issue desquelles la ZANU-PF a perdu sa majorité au Parlement pour la première fois depuis l’indépendance, en 1980, et Robert Mugabe, son leader, est arrivé deuxième dans la course à la présidence.

M. Marowa a confié à IRIN qu’il avait été « enrôlé » dans les rangs des jeunes miliciens de la ZANU-PF, et chargé d’identifier et de torturer les partisans du MDC à St Mary, une banlieue de Chitungwiza.

« Mes victimes m’ont dénoncé à la police pour les avoir passées à tabac et avoir volé des biens chez eux et, à l’époque, je pensais que la police ne ferait rien, comme avant », a-t-il dit.

Mais lorsque M. Mugabe, en tant que candidat unique, a remporté le deuxième tour du scrutin présidentiel le 29 juin, M. Marowa a découvert que les choses avaient changé.

« Lorsque j’ai demandé aux leaders du parti [la ZANU-PF] dans ma région d’intervenir, ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas me protéger, les élections étant terminées et Mugabe ayant gagné », a indiqué M. Marowa, qui a comparu devant la cour pour cambriolage et agression. « Aujourd’hui, je suis seul ; j’ai été dupé et je ne pense pas que je cesserai jamais d’éprouver le sentiment de culpabilité que je ressens à présent ».

Les élections ont été largement condamnées, et les quelques missions d’observation africaines qui avaient été autorisées à surveiller le scrutin ont déclaré qu’il n’était ni libre ni juste.

Le président Mugabe, qui dirige cet Etat d’Afrique australe depuis 28 ans, a nié toute implication dans les violences électorales. « Je leur ai donné l’instruction de faire campagne pour moi, pas de tabasser les populations », a-t-il déclaré, accusant le MDC d’être responsable des violences.

M. Marowa a raconté qu’un grand nombre de jeunes miliciens et lui-même opéraient à partir d’une base démantelée depuis lors ; ses collègues, craignant d’être arrêtés, se sont réfugiés dans les régions rurales (où des flambées de violence politiques sont encore signalées) pour échapper à la justice.

« Aujourd’hui, je suis traité comme un lépreux ou un meurtrier [par la communauté] simplement parce que j’ai été trop bête pour savoir que je menais la guerre des autres pour des promesses creuses », a-t-il déploré.

Les autorités locales de la ZANU-PF lui avaient promis de le récompenser de ses bons et loyaux services, a-t-il expliqué, notamment en lui accordant des bourses pour aller étudier à l’étranger (bien qu’il eut raté ses examens) ou en lui offrant un poste de fonctionnaire, si Robert Mugabe était réélu.

Si M. Marowa s’est tourné vers l’Eglise en quête de rédemption, les victimes des violences politiques, elles, ont déclaré que leurs expériences avaient été trop épouvantables pour qu’elles puissent envisager de pardonner.

« Comment se sent-on lorsqu’on a perdu un membre de sa famille, lorsqu’on a été mutilé, violé, lorsqu’on a perdu ses biens, juste pour avoir exercé son droit de vote ? Pourquoi ces miliciens sont-ils tellement disposés à participer à cette guerre d’usure, surtout quand ce sont des voisins ? », a demandé Grange Mairos, 68 ans, qui vit dans la banlieue de St Mary.

Pas de pardon

« On leur avait dit : qui sème le vent récolte la tempête, et c’est précisément ce qui se passe maintenant », a-t-il dit.

M. Mairos a expliqué qu’il avait aidé sa fille à engager des poursuites pour viol à l’encontre d’un autre milicien, « mais quand vous déposez votre plainte, vous devez faire attention à parler le moins possible de politique, sinon vous risquez de faire peur à la police, qui n’enregistrera pas votre plainte », a-t-il indiqué à IRIN.

M. Mairos n’est pas retourné chez lui, dans la province rurale de Masvingo, dans le sud-est du Zimbabwe, depuis le début du mois de mai, de peur d’être agressé, mais des membres de sa famille lui ont dit que des miliciens avaient tué ses trois chèvres et dérobé ses céréales pour se nourrir dans leurs bases, qui servaient également de camps de torture.

« Une fois que ça se sera décanté, ceux qui ont volé mon bétail et mes céréales devront me verser des indemnités ou aller en prison ; je les connais », a averti M. Mairos.

Selon David Chimhini, le directeur du Zimbabwe Civic Education Trust d’Harare, un fonds en fidéicommis, consacré à l’éducation civique, les victimes pourront difficilement pardonner à leurs « ennemis », mais il est important que les partis politiques « investissent leurs efforts dans un processus de guérison nationale et qu’ils promeuvent une culture de tolérance et de pardon, si nous voulons nous tirer de ce pétrin ».

« On ne doit pas sous-estimer l’envie irrépressible de vengeance ressentie par les victimes, maintenant qu’elles ont un certain aplomb, à mesure que la fièvre électorale s’apaise. Mais des représailles seraient regrettables, étant donné l’état déplorable dans lequel les violences post-électorales ont laissé notre pays. Les partis politiques et la société civile devraient s’unir et renforcer la capacité de cohabitation des communautés », a déclaré M. Chimhini à IRIN.

Pour M. Chimhini, il est « regrettable que des innocents aient été transformés en meurtriers par des leaders politiques qui cherchent seulement à protéger leurs intérêts personnels » ; il a néanmoins admis que certains auteurs de violence « réglaient des comptes personnels avec leurs ennemis, mais que d’autres, naïvement, faisaient trop de zèle ».

fm/go/he/oa/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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