Le conjoint de Célestine Koné*, une adolescente infectée au VIH à sa naissance, a abandonné la jeune fille et leur enfant lorsqu’il a découvert qu’elle lui avait caché sa séropositivité. Orpheline, Célestine n’avait pas réussi à lui avouer sa situation par peur de se retrouver seule.
Aujourd’hui âgée de 19 ans, Célestine a accouché de son deuxième enfant fin 2007. Son premier, né d’une précédente relation alors qu’elle avait à peine 16 ans, est décédé trois mois après sa naissance d’une tuberculose, l’une des principales infections opportunistes liées au VIH.
Célestine n’avait informé de sa séropositivité ni le père de son premier enfant, ni celui du deuxième. « Malgré mon statut [sérologique], je veux vivre avec quelqu'un, mais dans cette situation je ne sais pas si je vais avoir un mari », a-t-elle dit, tout en reconnaissant qu’on lui avait recommandé d’en parler.
« J’ai tout fait pour qu’elle l’informe mais elle avait peur de se retrouver seule dans la rue sans soutien », a expliqué Bernadette Paré, responsable des enfants à REVS+, une association de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso dans le sud-ouest du pays, qui suit Célestine depuis son enfance. « Elle avait besoin d’affection après le décès des parents. A la mort de son [premier] bébé, elle l’a porté seule au dos pour rentrer chez elle car elle était seule à s’[en] occuper. C’était vraiment triste ».
La mère de Célestine, infectée au VIH, est décédée il y a plusieurs années. Elle avait préféré utiliser ses maigres ressources pour payer les soins de ses filles plutôt que les siens, la grande soeur de Célestine étant également séropositive, a expliqué Mme Paré.
Malgré les tentatives de Célestine de cacher son statut, son dernier compagnon a fini par découvrir la vérité en fouillant dans ses affaires et en tombant sur ses médicaments antirétroviraux (ARV) qu’elle prend depuis huit ans. Le jeune homme, un apprenti menuisier, l’a quittée après avoir fait un test de dépistage, négatif.
...J’ai tout fait pour qu’elle l’informe mais elle avait peur de se retrouver seule dans la rue sans soutien. Elle avait besoin d’affection après le décès des parents. A la mort de son [premier] bébé, elle l’a porté seule au dos pour rentrer chez elle car elle était seule à s’occuper de son enfant. C’était vraiment triste... |
Des conseils sur la sexualité
L’adolescence est un moment délicat à passer pour ces enfants nés infectés. « Toutes les filles et les garçons reçoivent des conseils donnés par des personnes séropositives sur la conduite à tenir quand ils commencent à avoir une vie sexuelle », a dit Mme Paré.
Ces jeunes veulent avoir une vie sexuelle normale, a noté Martine Somda, présidente de REVS+. Un désir renforcé par le fait qu’il est « presque inconcevable » de ne pas avoir d’enfants dans une Afrique où « un couple qui se forme est critiqué au bout de deux ans si un enfant ne naît pas », a-t-elle noté. « On dira que c'est l'homme qui est impuissant ».
Les associations tentent donc d’accompagner ces adolescents dans leur recherche de l’équilibre entre vivre pleinement leur sexualité sans nier leur statut sérologique.
« Nous leurs disons qu'ils ne sont pas les seuls dans cette situation ; grâce aux ARV ils peuvent procréer un jour avec toutes les précautions », a expliqué Jacques Sanogo, secrétaire général de l'Association espoir et demain (AED), qui s’occupe de 448 enfants et jeunes âgés entre trois et 21 ans, dont 288 vivent avec le VIH.
Même message à l'hôpital pédiatrique Charles de Gaulle de Ouagadougou, la capitale burkinabè, où le souci est d'informer les enfants.
« Pour les enfants qui savent qu'ils sont infectés, on travaille sur la prévention, il faut qu'ils comprennent que tout n'est pas perdu et qu'ils ont droit à la procréation mais que ça se passe de concert avec les médecins », a dit le docteur Alice Zoungrana, pédiatre de cet hôpital qui suit 405 enfants séropositifs, dont 270 sous ARV.
Le traumatisme de l’annonce tardive
Les difficultés à vivre sa sexualité peuvent encore être renforcées lorsque l’adolescent a appris tardivement sa séropositivité. « Nous avons un problème avec le statut des enfants séropositifs car les parents refusent qu'ils soient informés », a constaté Mme Zoungrana.
Pourtant, a noté, Mamadou Sawadogo, le président du Réseau pour une grande implication des personnes infectées par le VIH (REGIPIV), « lorsque [les enfants] sont bien encadrés, ils vivent bien leur statut et savent comment éviter de s'infecter de nouveau, et de transmettre le VIH ».
« C'est beaucoup plus facile pour ces enfants qui n'ont pas commencé leur sexualité de parler du port du préservatif », a renchéri Mme Zoungrana. « Pour quelqu'un qui commence sa sexualité avec ce type de méthode, c'est plus facile à gérer qu'un adulte qui avait une sexualité normale et qui doit changer de méthode ».
François Coulibaly*, aujourd'hui au collège dans un lycée de Bobo-dioulasso, avait 10 ans lorsqu’il a appris sa séropositivité et est depuis sous traitement. Il a dit avoir accepté sa situation, même s’il « faut savoir garder le secret, il y a des choses qu'on ne doit pas dire ».
« Si j'aime une fille je peux lui dire mon statut [sérologique]. On fera le test et si elle est séronégative, si elle veut vivre avec moi, elle décidera », a-t-il affirmé, précisant que pour l’instant, il n’avait pas de petite amie et n’avait « pas toujours le courage » d’en chercher une.
Une nouvelle vie
Pour Célestine, la peur de se retrouver seule a été plus forte que la raison. « Elle n’arrive pas à dire pourquoi elle ne peut pas insister sur le port du préservatif par le partenaire », a dit Mme Paré. «Malgré les conseils [donnés] aux jeunes infectés pour le port du préservatif, les filles sont réticentes, car dans la durée cela peut éveiller des soupçons chez le partenaire ».
Célestine a bénéficié du programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant, qui permet de réduire le risque d’infection de l’enfant. Son bébé, dont le premier test de dépistage est négatif, a été sevré à trois mois et elle le nourrit aujourd’hui au biberon.
Après le départ de son compagnon, Célestine, qui vivait chez son grand-père à Bobo-Dioulasso, a décidé de partir à Ouagadougou rejoindre sa grande soeur, mariée à un homme qui ignore son statut, et dont l’enfant, né d’une précédente relation, est infecté au VIH.
L’association REVS+ a remis à Célestine un carton de substituts de lait maternel avant son départ, et l’a référée à une association à Ouagadougou pour qu’elle continue à être suivie avec son bébé.
Célestine, qui dit regretter d’avoir abandonné l’école où « je travaillais bien » pour aller « voir les hommes parce que je n’avais pas de moyens », a l’intention de travailler dans un télécentre pour gagner sa vie.
« Je ne suis pas découragée car je ne suis pas la seule [dans cette situation] », a-t-elle dit. « Je veux me débrouiller et qu’on m’aide pour vivre longtemps. J'aimerais voir [mon enfant] grandir ».
* Un nom d’emprunt
bo/ail
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