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Sentiments mitigés sur l’intérêt des audiences publiques de la Commission vérité et réconciliation

Bon nombre de Libériens ayant suivi, le 8 janvier, l’ouverture de la première audience publique de la Commission vérité et réconciliation (CVR) dans leur pays s’interrogent sur l’intérêt de ces audiences si les auteurs de crimes ne sont pas ensuite traduits en justice.

Lire l’article en anglais sur l’ouverture des audiences publiques

Pour Priscilla Hayner, experte du Centre international pour la justice transitionnelle (CIJT) sis à Genève, il est « normal » qu’en situation de post-conflit, les gens doutent dans un premier temps de l’intérêt qu’il y a à parler collectivement de la guerre. Mais après le rapport final de la CVR, les attitudes pourraient changer, a-t-elle indiqué.

« L’histoire est encore en train d’être écrite. Il est vrai que dans certains pays, le public se montre assez cynique et méfiant vis-à-vis du processus de réconciliation, mais à la fin, le rapport peut se révéler particulièrement déterminant [dans leur changement d’attitude]. Parfois c’est l’inverse qui se produit : après un travail d’investigation remarquable, la Commission a du mal à coucher [ses conclusions] sur le papier ».

La CVR a travaillé dur au Liberia pour tenter de répondre aux grandes attentes du public malgré ses faibles moyens, a noté Mme Hayner.

Mais pour Anthony Valke, qui représente au Liberia l’American Bar Association, une organisation non-gouvernementale (ONG) internationale qui participe à la réforme du système judiciaire libérien, le public manifeste trop peu d’intérêt à la CVR pour qu’elle soit prise au sérieux.

« De notre point de vue, la CVR n’a pas su mener une campagne d’information énergique sur sa mission, qui devrait être de rechercher les auteurs de crimes et de garantir l’amnistie à ceux qui sont prêts à témoigner devant elle ».

Pour M. Valke, le refus de la CVR de garantir l’amnistie et sa décision inhabituelle de se réserver le droit de recommander des poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs de crimes dissuadera la plupart des anciens combattants de venir témoigner devant la Commission.

« La plupart d’entre eux ont peur de se présenter aux audiences étant donné que la position de la CVR et du gouvernement à propos de leur amnistie n’est pas claire », a-t-il indiqué.

Voici quelques extraits de témoignages, recueillis auprès des victimes et anciens combattants avec lesquels IRIN a pu s’entretenir.

Abou Dorley, victime

« Il m’est difficile d’accepter des excuses de quelqu’un qui a sauvagement assassiné sous mes yeux, en 1991, cinq membres de ma famille – ma mère, mon père et mes trois sœurs. Je veux que la personne qui a commis ces actes soit jugée pour ces atrocités en raison du traumatisme qu’elle m’a causé dans ma vie ».

« L’auteur de ces meurtres se promène aujourd’hui librement dans Monrovia, comme s’il n’avait commis aucune atrocité. Je ne crois pas qu’en entendant mon témoignage, la CVR pourra effacer ma douleur et le traumatisme que j’ai subi ».

Miatta Momoh, victime

En 1995, dans le nord du Liberia, un enfant-soldat a tué les 19 cousins de M. Momoh.

« Il n’y a aucune garantie que la CVR puisse un jour traduire en justice ceux qui ont assassiné nos familles, nos amis et les êtres qui nous étaient chers, violé nos mères et nos sœurs, incendié nos villages et nos villes, comme c’est le cas de l’ancien président Charles Taylor, actuellement jugé à la Haye ».

« Cet enfant-soldat se trouve à présent dans les rangs de la nouvelle force de police libérienne. Il sera difficile pour les membres de ma famille à Monrovia de le pardonner s’il n’est pas jugé ».

Abraham Suah, victime

Au début de la guerre civile, en 1989, des combattants rebelles ont assassiné la femme de Suah alors qu’elle était enceinte de sept mois.

« Si on demande simplement aux auteurs de ces crimes de présenter leurs excuses aux victimes, il est certain qu’ils commettront d’autres atrocités, car ils pourront récidiver en espérant s’en tirer à bon compte en présentant une nouvelle fois leurs excuses. Mais traduire un [coupable] en justice et le condamner pour crimes de guerre, ça, c’est dissuasif pour les autres ».

Shad Sherman, ancien combattant rebelle

« En tant qu’ancien combattant rebelle, je sais ce que ressentent la plupart des mes camarades. Ils regrettent leurs actes et la plupart d’entre nous ont peur de se retrouver face aux personnes à qui ils ont fait du tort pendant la guerre ; à moins que cela ne se fasse dans un cadre [approprié], comme les audiences, autorisées par le gouvernement ».

« Parce que j’ai peur de ce qui pourrait m’arriver, je ne peux pas me rendre chez une famille dont j’ai incendié la maison pendant la guerre. L’audience publique sera donc pour moi un bon endroit pour rencontrer cette famille devant la CVR ».

Abel Peckor, ancien soldat de l’armée gouvernementale

« Tous les combattants ont décidé d’arrêter les combats, de rendre les armes, de reprendre une vie normale et de ne pas répéter les erreurs du passé en prenant les armes contre leur peuple ».

« Nous nous battons tous pour survivre, mais si on commence à nous montrer du doigt, nous serons stigmatisés et notre espoir de nous en sortir sera brisé. Personne ne voudra avoir affaire à nous ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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