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Mariages précoces et violences conjugales

Raiza (un nom d’emprunt), jeune adolescente de 15 ans, est détenue dans une prison de la province de Kandahar, au sud de l’Afghanistan, pour avoir abandonné son domicile conjugal et s’être enfuie avec un autre homme.

Elle n’avait que 12 ans lorsque son père la donnait en mariage à un vieil homme, en échange d’une importante dot. « Il [son mari] était très brutal et me maltraitait », s’est souvenue la jeune Razia.

« Il n’y avait personne pour m’aider à échapper à la cruauté de mon mari », a affirmé l’adolescente, angoissée, ajoutant que la seule solution qui s’offrait alors à elle était de s’enfuir avec un jeune homme qui, pensait-elle, lui donnerait l’occasion de mener une autre vie.

Quelques mois après avoir quitté le domicile conjugal, Razia a demandé à divorcer de son vieux mari.
« Alors que je remplissais ma demande de divorce, un agent de police m’a arrêtée et m’a mise en prison », a-t-elle confié à IRIN.

En Afghanistan, l’abandon de domicile conjugal est non seulement considéré comme un délit, mais c’est aussi un sujet tabou.

Combien de temps restera-t-elle en prison ? Personne ne le sait. La jeune Razia pourrait être condamnée à mort ou à une peine de 10 à 15 ans d’emprisonnement, car dans le code civil afghan, basé sur la Charia, la loi islamique, les relations sexuelles hors mariage sont considérées comme un grave délit.

L’Afghanistan vient de mettre fin à un moratoire de trois ans sur la peine de mort.

Si aucune preuve de relations sexuelles hors mariage n'est établie, elle pourrait malgré tout être condamnée pour s’être enfuie de son domicile conjugal avec un étranger (`na-muhram’), a indiqué Haji Karim, juge auprès du tribunal de Kandahar.

Pauvreté et illettrisme, des facteurs aggravants

D’après les études menées par l’Afghanistan Independent Human Rights Commission (AIHRC), plus de la moitié des mariages dans la province sud de Kandahar sont des mariages précoces.

« La plupart des familles [de Kandahar] marient leurs filles avant l’âge légal [16 ans] », a expliqué Najiba Hashimi de l’AIHRC.

Certains militants des droits humains expliquent que les mariages précoces sont une coutume très répandue dont la pratique peut varier d’une région à une autre en fonction du degré de sensibilisation des populations et des traditions locales.

Selon l’AIHRC, les traditions conservatrices, le fort taux d’illettrisme chez les parents (jusqu’à 70 pour cent des 24,5 millions d’habitants que compte l’Afghanistan seraient illettrés) et le niveau de pauvreté généralisée de la population sont quelques-uns des facteurs qui poussent les familles à marier leurs filles mineures.

Et les mariages précoces seraient à l’origine de 70 pour cent des cas de violence envers les femmes, a fait remarquer Najiba Hashimi.

« Les jeunes filles et les adolescentes ne se rendent souvent pas compte de la complexité du mariage et dans bien des cas, elles ne respectent pas les serments du mariage, ce qui peut conduire à des violences physique et psychologique », a expliqué Fawzia Amini, directrice du service Juridique au ministère afghan de la Femme.

D’après certains spécialistes de la santé, les mariages précoces seraient également un des facteurs justifiant le taux élevé de la mortalité maternelle et infantile dans le pays.

Une politique de développement à long terme

Pour Suraya Subhrang, spécialiste des droits de la femme à l’AIHRC, le mariage précoce est un phénomène social complexe qui ne peut être combattu que par une politique de développement à long terme, dans les secteurs de l’éducation, de l’économie et de la culture, et appliquée à l’échelle national.

« Nous avons besoin d’institutions fortes pour faire respecter l’Etat de droit dans la société et pour garantir à tous un accès équitable à la justice, sans aucune considération de genre », a expliqué Mme Subhrang à IRIN.

Tant que l’Etat ne se dotera pas de telles institutions, qu’il ne règlera pas le problème de l’illettrisme et qu’il ne mettra pas en place des mécanismes de protection fiables pour les filles et les jeunes femmes afghanes, des situations comme celles que vit la jeune Razia resteront une triste réalité, ont affirmé les militants des droits humains.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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