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Après le déluge, les populations défavorisées commencent à faire leur compte

Il a fallu 55 ans à Souleymane Diallo pour construire les 10 cases en banco qui composaient sa concession familiale, et presque toutes ses économies pour remplir le grenier en forme de dôme censé nourrir sa famille pendant quelques mois. En revanche, il n’a suffit que de trois heures de pluies torrentielles pour faire tomber presque tous les piliers de sa vie.

Victime des inondations éclair du 26 juillet qui ont ravagé la ville de Bla, une localité isolée de l’ouest du Mali, M. Diallo regarde l’amas de boue que sont devenues ses cases. De cette boue émergent des chaussures rouges et quelques éléments de meubles cassés, seules véritables preuves que cet endroit était autrefois habité par M. Diallo et les 29 membres de sa famille.

« Nous avons tout perdu cette nuit-là », a-t-il affirmé en haussant les épaules. « Et les pillards ont pris ce que les inondations n’ont pu emporter ».

La famille de M. Diallo a d’abord été hébergée dans l’école de la ville puis – lorsque les autorités ont demandé de quitter les lieux pour cause de rentrée scolaire – elle a rejoint un squat dans des bâtiments abandonnés qui servaient autrefois de logements aux enseignants.
« Si j’investis de l’argent dans la reconstruction de la maison, avec quoi allons-nous vivre ? », a poursuivi M. Diallo. « Je n’ai même pas d’argent pour payer le loyer d’une maison ».

Dans de vastes régions de l’Afrique de l’Ouest – qui abrite quelques-uns des pays les plus pauvres de la planète -, des milliers de personnes se sont retrouvées cette année dans la situation M. Diallo.

Les inondations, qui ont submergé une bonne partie de la région, ont eu un impact dramatique sur les populations de toute condition sociale, obligeant riches comme pauvres à s’entasser dans des salles de classe ou parfois à se réfugier dans des arbres.

Mais après le retrait des eaux, ce sont généralement les pauvres comme M. Diallo – dont les habitations ont été construites avec des matériaux très bon marché dans des zones défavorisées – qui se retrouvent presque sans rien et battent le plus pour tout reconstruire.

Ce n’est donc pas un fait du hasard si la pauvreté s’est accentuée en Afrique de l’ouest, au cours des 30 dernières années, et que dans la même période le nombre de catastrophes naturelles – inondations, épidémies et sécheresse – a augmenté de 94 pour cent dans la région, selon les statistiques de la Communautés économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

« Les plus pauvres sont toujours les plus touchés parce qu’ils vivent déjà dans des conditions précaires », a expliqué N’Tyo Traore, directeur technique dans les services administratifs de Bla. « La plus petite catastrophe a un gros impact sur eux ».

Reconstruire

Dans certains secteurs de Bla, deux mois exactement après les inondations éclair, les seuls édifices qui tiennent encore debout sont les bâtiments administratifs construits en ciment. Les maisons en banco, construites par les populations défavorisées à des coûts dix fois inférieurs à ceux des maisons en ciment, ont été réduites en boue par les inondations.

Les agences humanitaires internationales avaient félicité le gouvernement du Mali pour la mise en place d’un conseil national de secours d’urgence qui avait permis aux autorités de faire face aux premières inondations des mois de juillet et d’août sans faire appel à l’aide internationale.

« En tant que communauté, nous pouvons faire face aux premières urgences, mais qui prendra le relais ? »
Bien que ces inondations aient fait 12 600 sans abris, les travaux de reconstruction n’ont pratiquement pas encore commencé à Bla. Le gouvernement du Mali devra pour cela faire appel aux Nations Unies, qui solliciterons à leur tour le Fonds central des secours d’urgence (CERF), plutôt que les bailleurs de fonds habituels, qui rechignent généralement à prendre en charge les dégâts causés par les catastrophes naturelles.

« En tant que communauté, nous pouvons faire face aux premières urgences, mais qui prendra le relais ? », a expliqué un responsable de l’administration locale qui a requis l’anonymat car n’ayant pas l’autorisation d’exprimer un avis officiel. « Nous sommes déjà un pays pauvre et nous nous en sortons difficilement ».

Des effets catastrophiques

Selon les estimations de la Croix-Rouge malienne, les inondations cette année ont affecté quelque 21 000 personnes au Mali, depuis les petites communautés rurales voisines de Goa, dans les zones désertiques du nord, jusqu’à la région de Kayes, à l’extrême ouest, l’une des plus pauvres et des plus isolées du pays.

Bien que ce chiffre soit relativement faible, comparé aux estimations des agences humanitaires qui font état de 1,5 million de sinistrés en Afrique, le Mali se trouve dans une zone très exposée aux catastrophes naturelles, ce qui explique que chaque année presque toutes les régions du pays sont susceptibles d’être frappées par une voire plusieurs catastrophes naturelles ou épidémies.

« Dans certaines régions du Mali, les populations vivent une crise permanente », a expliqué Idrissa Traoré, responsable des opérations à la Croix-Rouge du Mali. « En conséquence, lorsqu’une situation comme celle-ci se présente, les effets sont souvent plus catastrophiques pour ces populations ».

Outre les destructions matérielles, les populations locales notent que l’impact des inondations se fait ressentir au cœur même de leurs communautés car elles brisent des familles très unies et les structures communautaires traditionnelles qui peuvent protéger ses membres des chocs pouvant survenir dans leur existence déjà précaire.
Pour les populations défavorisées des pays tels que le Mali, un simple événement comme une inondation peut suffire à faire plonger les communautés à un niveau de pauvreté souvent impossible à surmonter.

Cette situation les expose aussi à des maladies évitables comme la diarrhée, le paludisme et la malnutrition, des pathologies pour lesquelles les agences humanitaires dépensent chaque année des millions de dollars en traitement et en prévention.

« On ne peut pas encore prévoir ce qui se passera à long terme, mais on sait déjà qu’il ne sera pas facile pour ces populations de retrouver le niveau de vie qu’elles avaient avant les inondations », a affirmé Mamadou Sidibe, médecin au centre de santé de Bla.

« Le nombre de cas de paludisme va probablement augmenter ; et il se peut qu’il y ait beaucoup plus de cas de malnutrition en raison des changements qui interviendront nécessairement dans la façon de se nourrir, beaucoup de familles ayant perdu toute leur nourriture ».

Pour M. Diallo et sa famille, les risques de maladie semblent inévitables puisqu’ils ont perdu leurs moyens de subsistance.
« Nous ne buvons plus d’eau potable parce que tous les puits ont été souillés lorsque les latrines ont été submergées. Comme nous n’avons pas les moyens d’acheter de l’eau minérale, nous buvons l’eau des puits. Nous savons que c’est dangereux, que cela nous rend malades, mais nous n’avons pas le choix ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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