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Mythe et réalité de l'immigration clandestine

[Senegal] The government of Senegal and Spain conduct joint patrols offshore Senegal to capture illegal migrants on their way to the Spanish Canary Islands, 15 August 2006. The West African coastline, including Senegal, is a springboard for migrants seeki Pierre Holtz/IRIN
The governments of Senegal and Spain conduct joint patrols off the coast of Senegal to capture illegal migrants on their way to the Spanish Canary Islands, 15 August 2006
Les émigrés qui reviennent au pays sont perçus comme des modèles de réussite. Ils circulent à bord des plus belles voitures, possèdent les plus grandes maisons et ces signes extérieurs de richesse amènent de plus en plus de jeunes gens à vouloir s’expatrier pour gagner de l’argent et imiter ces émigrés.

Selon l’Organisation internationale pour la migration (OIM), plus de 27 000 migrants irréguliers sont partis cette année des côtes d’Afrique de l’Ouest et ont débarqué sur l’archipel espagnol de Canaries. Et le nombre de migrants en 2006 est bien supérieur à celui enregistré en 2005.
Quant aux autorités espagnoles, elles affirment avoir repêché au large des Canaries plus de 500 corps qui pourraient être ceux de malheureux candidats à l’immigration.

La conviction qu’il faut à tout prix se rendre en Europe, quelque soit le risque, est bien résumée dans les expressions 'Barça mba Barzakh' (Barcelone ou mourir), et 'Mbëek', un mot Wolof – la langue nationale – synonyme d’« immigration » et qui illustre bien la détermination des candidats à affronter la mer.

« Dans notre société, on a toujours eu beaucoup de considération pour les émigrés. Les familles qui s’en sortent bien financièrement comptent des émigrés parmi leurs membres », explique Papa Demba Fall, un expert en analyse des flux migratoires. « Et cela a un impact très important sur la mentalité des gens. Beaucoup de jeunes pensent qu’ils leur faut aller en Europe pour réussir dans la vie ».

L’immigration n’est pas un phénomène nouveau

L’immigration au Sénégal remonte à l’époque coloniale pendant laquelle la France administrait toutes ses colonies d’Afrique de l’Ouest depuis la ville côtière de Saint-Louis, la capitale du nord du pays. La France formait des fonctionnaires, enseignants et artisans sénégalais, puis les envoyait servir comme auxiliaires de l’administration coloniale dans d’autres colonies d’Afrique de l’Ouest.

L’exode vers l’Europe a commencé dans les années 1980, après plusieurs sécheresses successives, les graves problèmes économiques et l’urbanisation sauvage que le pays a connus.
Des membres de la puissante confrérie musulmane des Mourides, dont la plupart étaient des cultivateurs d’arachide, se sont expatriés pour trouver du travail suivant ainsi les recommandations de leurs leaders religieux. De New York à Tokyo, ils ont réussi à créer un réseau international de vendeurs de rue.

Des milliers de Sénégalais ont traversé le désert du Sahara et ont embarqué au Maroc et en Mauritanie à bord de bateaux à destination de la France et de l’Italie, dans l’espoir d’une vie meilleure.
Fin 2005, les gouvernements marocain et mauritanien ont organisé des patrouilles maritimes pour lutter contre l’immigration clandestine. Loin d’être découragés par cette initiative, les migrants ont choisi un itinéraire plus long et plus périlleux pour atteindre les îles espagnoles des Canaries.

« Les candidats à l’immigration clandestine peuvent être perçus comme des gens désespérés, mais on peut tout aussi imaginer qu’il s’agit de personnes pleines d’espoir », note M. Fall.
« Ils croient toujours qu’ils vont y arriver, même s’ils n’ont absolument aucune notion de la géographie ou de l’espace. Parfois, ils n’arrivent même pas à faire la différence entre l’Espagne et l’Allemagne », a-t-il ajouté.

Un pouvoir économique indéniable

Ce qui est incontestable, c’est qu’ils gagnent de l’argent. En effet, d’après un récent rapport du Fonds monétaire international (FMI), les transferts de fonds réalisés par les émigrés au bénéfice de leurs familles représentent près de 15 pour cent du PIB – produit intérieur brut – du Sénégal.

« Très peu de mesures sont prises pour arrêter l’immigration irrégulière parce qu’elle génère bien plus de fonds que l’aide au développement », explique Laurent de Boeck, représentant régional de OIM.

Selon certains analystes, compte tenu du rôle culturel et économique que les émigrés jouent au sein de la société sénégalaise, Dakar n’est pas très enthousiaste à l’idée de démanteler les filières de l’immigration clandestine.
Toutefois, le gouvernement a annoncé un ambitieux projet agricole, le plan REVA – Retour vers l’Agriculture – une solution à l’immigration qui devrait permettre de donner du travail aux jeunes sans emploi et de les fixer dans leur terroir.

Mais plusieurs jeunes et leaders de l’opposition politique condamnent ce plan qui selon eux, est un moyen pour M. Wade de recueillir des voix pour l’élection présidentielle de 2007.

« Le gouvernement nous dit qu’il faut retourner à la terre, alors que tout le monde sait que l’agriculture, au Sénégal, ça ne marche pas », déplore un expulsé. « Nous ne nous adonnerons pas à l’agriculture ».

Une question de perception

Beaucoup de jeunes sénégalais ont été déçus par le Président Wade qui, selon eux, n’a pas respecté la promesse de création d’emplois qu’il leur avait faite lors de la campagne présidentielle de 2001, commente le chef religieux Makhary Mbaye.

« Près de quarante pour cent des jeunes citadins sont au chômage et n’ont qu’une seule alternative : immigrer. Bien sûr, on peut toujours leur dire 'ne partez pas, c’est dangereux', mais qu’est-ce qu’on a à leur proposer en échange » ?

Et pour lutter contre cette immigration illégale, les autorités sénégalaises ont mis en place un dispositif de surveillance des côtes pour arraisonner les pirogues à destination des îles Canaries. C’est ainsi qu’elles ont autorisé l’agence européenne Frontex à participer aux opérations de surveillance de son littoral.
La France, pour sa part, a promis d’apporter son soutien au Sénégal dans la lutte que mène le pays contre l’immigration clandestine, et s’est engagée à simplifier les procédures d’obtention de visa pour les hommes d’affaires, les chercheurs et les étudiants sénégalais.

L’Espagne a également conclu des accords avec les autorités des pays voisins du Sénégal, comme la Gambie et la Guinée Bissau, dont les côtes sont de nouveaux points de départ pour les migrants irréguliers, preuve que l’immigration est utilisée comme « un instrument de négociation politique » par les chefs d’Etat africains, explique M. De Boeck de l’OIM.

« En définitive, les pays africains gagnent sur tous les plans », ajoute M. De Boeck. « Ils ne voient pas d’un mauvais oeil le fait que des milliers de jeunes sans emploi cherchent à quitter le pays, et maintenant ils négocient une augmentation de l’aide au développement ».

//Cet article est le deuxième d'une série d'articles sur l'immigration clandestine.//

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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