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Les déplacés de Casamance s'installent en territoire gambien pour fuire les combats

[Senegal] Displaced man from Casamance, sheltering in The Gambia. [Date picture taken: 02/09/2006] Nicholas Reader/IRIN
Un des nombreux déplacés sénégalais réfugiés en Gambie
Des milliers de personnes ayant fui les combats opposant les forces gouvernementales aux rebelles indépendantistes de Casamance, la région sud du Sénégal, ne sont pas prêtes à quitter la Gambie voisine.

Les affrontements ont éclaté le 16 août dernier, lorsque l’armée sénégalaise a entrepris de se déployer vers le nord à partir de la base de Sindian, en Casamance. Après une semaine de violents combats, les armes se sont tues jusqu’au 24 août, date à laquelle les hostilités ont repris, a indiqué la population locale.


Il y a deux semaines, des villageois et agents de police vivant dans des localités gambiennes proches de la frontière sénégalaise ont confié avoir entendu quotidiennement des tirs d’artillerie lourde et d’armes automatiques ainsi que des explosions. Ils ont également aperçu des hommes armés et des tanks de l’armée sénégalaise se rapprocher de leurs villages.

Mardi dernier, des sources militaires ont confirmé qu’un soldat sénégalais est mort après avoir sauté sur une mine antichar à Boulayor, une localité proche de la frontière gambienne et située à 80 kilomètres au nord de Ziguinchor, la capitale de la Casamance.

De hauts responsables de l’armée sénégalaise ont également signalé quelques accrochages la semaine dernière dans les villes situées le long de la frontière et à Bignona, à seulement 30 kilomètres au nord de Ziguinchor.

Aucun rapport ne fait état d’affrontements en Gambie, bien que des habitants de Siwol, un petit village proche de la frontière, aient signalé avoir été contraints à fuir, il y a une quinzaine de jours, après que des balles perdues ont frappé les murs en terre de leurs maisons.

Cependant, la Croix-Rouge gambienne a indiqué que depuis la mi-août, plus de 5 000 Sénégalais avaient fui leur pays pour la Gambie. Selon les chiffres avancés par les agences humanitaires présentes à Ziguinchor, il y aurait 10 000 déplacés internes supplémentaires en Casamance.

Les conséquences de l’indépendance

Le gouverneur adjoint a expliqué que la cible des attaques de l’armée sénégalaise était les forces rebelles indépendantistes de Salif Sadio.

« Les rebelles du sud se sont dirigés vers la frontière gambienne. Il est désormais de la responsabilité de l’Etat sénégalais de sécuriser la zone », a-t-il déclaré.
« L’armée a été déployée dans la région afin de garantir la sécurité de la population », a-t-il poursuivi.

Salif Sadio est à la tête d’une des deux branches du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), un mouvement indépendantiste en guerre contre l’Etat sénégalais depuis 1982.

Les rebelles ont pris les armes contre le gouvernement, car selon eux, Dakar n’aurait pas respecté l’engagement pris dans les années 1970 d’accorder l’indépendance à la Casamance, une région négligée par l’Etat sénégalais.

La seconde faction du mouvement dirigée par Magne Dieme a signé un accord de paix avec le gouvernement en décembre 2004.
Dès lors, des affrontements sporadiques entre les deux factions du MFDC ont été signalés sur le territoire casamançais.

D’après Ousmane Ly, le préfet de la région, basé à Sindian, les deux factions se battent pour le contrôle des bases stratégiques du nord de la Casamance. Le mouvement dirigé par Salif Sadio est basé juste au nord de Ziguinchor, Magne Dième et ses éléments se trouveraient, quant à eux, plus à l’ouest.

Les habitants de Sindian ont indiqué que les hostilités entre les deux factions du MFDC n’affectaient que très peu leur vie quotidienne.

« Les combats entre les deux groupes ne nous inquiètent pas spécialement car les rebelles sont basés loin des villages », a expliqué Abdoulaye Gassama, directeur d’une école de Sindian.

« Les deux groupes ont déclaré qu’ils se battaient pour le contrôle de la terre et des bases, mais ils nous ont dit : ‘Vous pouvez rester ici, cela est entre nous’ », a-t-il ajouté. « On entend parler de combats sans jamais les voir ».

L’arrivée de l’armée sénégalaise dans la région a suscité l’inquiétude chez les villageois.

Abdoulaye Gassama a indiqué que la population avait commencé à fuir les villages au moment où les forces gouvernementales sont arrivées en Casamance.

« La population redoute que le processus de paix prenne fin. Les villageois sont partis car ils craignent que l’armée ne vienne dans leurs villages, les accuse d’être des rebelles, les tue ou les mette en prison », a-t-il ajouté.

Les conséquences humanitaires

Selon Mamadou Koné, président d’Agada, une ONG locale basée à Ziguinchor, 35 000 personnes vivant dans la région sont actuellement affectées par le conflit et la moitié d’entre elles ont été contraintes à fuir leurs villages depuis la mi-août.

« Les habitants sont les premières victimes des affrontements. La saison agricole bat son plein, par conséquent, si des combats éclatent, les gens ne pourront pas assurer la récolte », a déclaré M. Koné.

La Casamance est une région riche en noix d’acajou, en riz et en huile de palme. Cependant, la majorité de la population dépend toujours de l’agriculture de subsistance.

D’après d’autres estimations locales – qui sont souvent une simple liste de noms de villages et quelques chiffres notés sur une feuille de papier brouillon ou au dos d’un paquet de cigarettes – au moins 15 000 personnes auraient fui leur domicile depuis la mi-août.

Sur ces 15 000 individus, environ 5 000 se seraient réfugiés quelque temps en Gambie, dans des villages suffisamment proches de leur village d’origine afin de pouvoir traverser quotidiennement la frontière et s’occuper de leurs bêtes et de leurs champs pendant la journée, avant de retourner en Gambie pour passer une nuit en toute sécurité.

Les villageois qui viennent de gagner les villages gambiens frontaliers ont été accueillis par leur famille ou leurs amis. Certains occupent illégalement des écoles ou des bâtiments abandonnés. D’après les chiffres avancés par la Croix-Rouge gambienne, dans un grand nombre de villages, la population a plus que doublé, rendant plus difficile l’accès aux soins, à la nourriture et au logement.

L’aide humanitaire s’organise en Gambie. Ainsi, une cargaison de produits non alimentaires est attendue à la frontière, a indiqué le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Par ailleurs, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) prévoit l’installation de latrines et d’un système d’assainissement dans les villages surpeuplés et étudie les besoins en matière d’éducation, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prend en charge les vaccinations.

Cependant, les travailleurs humanitaires ont indiqué qu’il leur était difficile d’apporter de l’aide aux 10 000 personnes déplacées en Casamance en raison du climat d’insécurité qui règne dans la région.

Le 1er septembre dernier, une employée du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a été tuée par l’explosion d’une mine antipersonnel au passage de son véhicule. Elle se trouvait alors à Tidine, à une centaine de kilomètres au nord-est de Ziguinchor, une localité située hors de la zone de conflit. Trois autres membres du CICR ont été blessés au cours de l’explosion.

Les Nations unies ont décidé de lever le niveau de sécurité en Casamance et ont restreint les déplacements des véhicules humanitaires dans l’ensemble de la région.

Réfléchir à deux fois avant de rentrer en Casamance

Un haut responsable de l’armée à Ziguinchor, qui a requis l’anonymat, a indiqué que les affrontements pourraient se poursuivre au moins pendant quatre mois.

Selon lui, le front pourrait même s’étendre aux zones occupées par le deuxième groupe rebelle de Magne Dième ou plus à l’est, si la faction de Salif Sadio venait à se déplacer dans cette direction.

« Nous sommes des soldats et nous obéissons aux ordres des autorités sénégalaises. Si on nous demande de poursuivre Dième, nous le ferons », a-t-il affirmé.

Selon diverses agences de presse, des responsables en Guinée Bissau, au sud de la Casamance, ont indiqué avoir intercepté, il y a deux semaines, une cargaison de mitraillettes, de mortiers, de lances roquettes, de mines antipersonnel, de munitions et d’explosifs destinée aux rebelles basés dans le sud du Sénégal. Tout porte ainsi à croire que les rebelles ont l’intention de réarmer.

Il est peu probable que les villageois décident de rentrer chez eux tant que durera l’offensive militaire, ont rappelé des responsables humanitaires à Ziguinchor.

« Selon nous, l’armée n’est pas prête de se retirer puisqu’elle pense que la région va être de nouveau occupée par les rebelles », a expliqué un haut responsable.

« Les réfugiés et les personnes déplacées réfléchiront à deux fois avant de rentrer chez eux tant que l’armée sera présente en Casamance. En conséquence, cela posera, à long terme, des problèmes alimentaires et de logement », a-t-il fait savoir.

Omar Kolley, chef d’une famille de neuf membres, vit dans le petit village gambien de Kang Jabian, situé à un kilomètre de la frontière sénégalaise. La famille d’Omar a été contrainte d’abandonner ses champs de maïs, de manioc et d’arachide en Casamance et vit difficilement grâce à l’aide apportée par d’autres membres de la famille et aux quelques sous que leur rapporte la vente de bois.

Mais « tant que le choses ne se seront pas calmées, nous ne rentrerons pas », a déclaré Omar Kolley d’un haussement d’épaules en regardant la forêt luxuriante où se trouve son village d’origine. Selon lui, l’armée et les rebelles se tiennent en embuscade. « Si nous rentrons, nous serons accusés d’association avec les rebelles, et puis après qui sait ce qui va nous arriver … »


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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