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Les mines de diamants : entre espoir et défis

[Sierra Leone] Abrahim Conteh sieves the diamond gravel in Sierra Leone's Kono district. [Date picture taken: 08/05/2006]
Victoria Averill/IRIN
Abrahim Conteh sieves the diamond gravel in Sierra Leone's Kono district.
Courbé, de l’eau jusqu’aux genoux, Abrahim Conteh verse un nouveau tas de gravas dans son tamis qu’il secoue d’un mouvement circulaire tout en scrutant les pierres à la recherche de diamants.

Koidu, une province diamantifère de l’est de la Sierra Leone, ressemble à un paysage lunaire, avec des monticules de terre qui s’étendent à perte de vue et au milieu desquelles des douzaines d’ouvriers travaillent sans relâche à creuser, tamiser et ratisser pour moins d’un dollar américain par jour.

Dans un pays qui affiche un taux de chômage supérieur à 80 pour cent, l’industrie minière attire des jeunes hommes venus des quatre coins de la Sierra Leone et des pays voisins.

Trempé de sueur, Abrahim Conteh a expliqué à IRIN la manière dont le rêve de faire fortune l’avait poussé à venir travailler dans les mines de diamants de la Sierra Leone, le deuxième pays le plus pauvre au monde, selon l’indice de développement humain des Nations unies.

« Trouver un diamant dépend de la volonté de Dieu », a-t-il déclaré en krio, sa langue maternelle, tout en jetant un autre tas de cailloux.

« Si Dieu veut que tu trouves un diamant, il t’indiquera où le trouver, mais si Dieu ne veut pas, tu ne trouveras rien, c’est donc un jeu de hasard, vous comprenez. L’extraction de diamants, ce n’est pas un métier », ajoute-t-il.

L’industrie du diamant permet de croire à une reprise économique

Bien qu’ils aient servi à financer les dix années de guerre civile en Sierra Leone, les diamants sont désormais d’une importance capitale pour la reprise économique et sociale de ce pays d’Afrique de l’Ouest.

Le premier véritable défi à relever consiste à réformer le secteur informel de l’extraction des diamants alluvionnaires, qui représente à lui seul 90 pour cent de la production diamantifère de la Sierra Leone.

Selon un rapport publié en 2005 par Management Systems International, une organisation basée à Freetown qui travaille pour la protection des droits des creuseurs artisanaux, les recettes tirées de l’exploitation des diamants profitent peu à la population locale. A long terme, cela pourrait porter préjudice à la reprise économique de la Sierra Leone, ajoute le rapport.

« L’industrie du diamant dans l’ensemble reste assez fermée. Elle n’offre aucune perspective de développement à long terme, exploite les ouvriers et contribue très peu à l’essor économique de la Sierra Leone – une conjonction de facteurs socio-économiques potentiellement explosifs dans une région extrêmement instable », indique le rapport.

Toujours selon le même document, les recettes tirées de l’exploitation diamantifère sont très mal réparties et profitent à une minorité d’étrangers alors que peu de Sierra Léonais nourrissent l’espoir d’occuper un jour un poste important dans ce secteur d’activité.

Le gouvernement sierra léonais tente également de gérer le nombre important d’ouvriers travaillant dans les petites mines de diamants. En outre, il est difficile d’octroyer des permis d’exploitation et de surveiller tous ces creuseurs. Les zones d’extraction sont vastes et les frontières poreuses avec le Liberia et la Guinée encouragent la contrebande.

Selon Patrick Tongo, du Network Movement for Justice and Development’s Campaign for Just Mining, une ONG basée dans le district de Kono, le gouvernement devrait réglementer le secteur de l’extraction des diamants plutôt que de surveiller le secteur industriel privé.

« C’est un problème qu’il faut encore traiter à la racine », a déclaré Patrick Tongo. « L’obtention d’un permis d’exploitation est une procédure longue et onéreuse. Les mineurs préfèrent aller directement creuser, le plus loin possible, de sorte à ne pas se faire attraper par les contrôleurs », a-t-il expliqué.

Les sociétés étrangères investissent dans l’industrie minière

Montrant une carte de la Sierra Leone sur laquelle figurent de grands espaces marqués en rouge, Alimany R. Wurie, directeur des mines, a indiqué que les trois quarts du sous-sol du pays étaient désormais exploités.

Les permis d’exploitation ont tous été octroyés à des compagnies minières internationales, car elles seules ont les moyens d’investir dans le pays et d’exploiter les éventuelles réserves minières que possède la Sierra Leone, a-t-il expliqué.

« Les sociétés étrangères sont plus faciles à contrôler », a-t-il déclaré. « Lorsqu’elles trouvent des mines de diamants et veulent les exploiter, elles connaissent leurs obligations (taxes, impôts) et les remplissent. En outre, il existe des conventions internationales qui lient tous les investisseurs industriels et ceux-ci savent qu’ils doivent s’acquitter des responsabilités sociales de leurs entreprises », a-t-il rappelé.

Selon certains critiques, en obligeant les sociétés étrangères à protéger les intérêts des communautés locales, le gouvernement sierra léonais se déchargerait de ses responsabilités et n’offrirait aucun service de base aux communautés vivant dans les zones d’exploitation de diamants.

« La population n’a rien contre la présence des sociétés », a poursuivi Patrick Tongo. « Le problème en fait est que dans cette région du pays, la vie des gens dépend de la terre. Et lorsqu’ils voient le gouvernement donner leur terre à des sociétés étrangères sans les consulter directement ni les dédommager, ils sont en colère ».

Une société minière étrangère a déclaré qu’elle offrait des services et des emplois aux populations locales, mais que la culture de la corruption, le taux élevé de chômage et la grande pauvreté ne permettaient pas d’apprécier la contribution positive de la société à la vie de la communauté.

« Nous n’avons pas mauvaise réputation au sein de la communauté », a affirmé Sadik Sillah de Koidu Holdings, la plus grande société étrangère d’exploration et d’exploitation minière installée en Sierra Leone.

Koidu Holdings offre des services soins de santé à tous ses employés, ainsi qu’à deux membres de leur famille, et sert un repas par jour à chacun de ses ouvriers. La société a également indiqué qu’elle envisageait de mettre en place un programme de formation pour constituer une main d’œuvre qualifiée au sein des communautés locales. Cependant, pour un grand nombre de locaux, la société exploite les ressources de la Sierra Leone et offre bien trop peu en retour.

« Le problème est que Koidu Holdings est la seule attraction de la ville, la communauté est si importante que l’on ne peut pas satisfaire tout le monde. Ce que veulent vraiment les habitants de la Sierra Leone, c’est de l’argent. Et tant qu’on ne leur en donnera pas, ils ne prêteront pas attention à ce que l’on fait pour la communauté », a affirmé Sadik Sillah.

Comme les investisseurs étrangers sont maîtres du marché et que les diamants se font de plus en plus rares dans les puits et dans les lits des rivières, certains creuseurs préfèrent retourner travailler les champs.

Réhabiliter les anciennes régions minières

En sortant de sa petite case en terre, Margaret Momoh montre du doigt une rizière luxuriante où travaille une trentaine de femmes.

Le champ ressemblait autrefois au paysage lunaire des régions diamantifères, a-t-elle expliqué.

« Avant la découverte des diamants, on vivait de l’agriculture », a expliqué Margaret Momoh, fondatrice de Sinava, une association de femmes. « Une fois la guerre finie, j’avais perdu toute ma famille, mais je devais continuer à vivre et à me nourrir. Partout où j’allais, je ne voyais que des puits immenses remplis d’eau où des gens cherchaient des diamants. Il n’y avait plus aucune terre à cultiver ».

Sinava a obtenu un ancien puits qu’elle a réhabilité pour pouvoir de nouveau cultiver la terre. Selon Margaret Momoh, les anciennes zones minières devraient être réhabilitées et on devrait inciter les quelque 120 000 creuseurs à retourner au champ.

Cependant, le gouvernement sierra léonais n’a aucune solution à proposer aux jeunes désemparés et impatients de son pays.

« Oui, nous souhaiterions réhabiliter les anciennes zones exploitées et mettre en place des projets agricoles, mais cela coûte très cher », a déclaré M. Wurie.

Selon certains observateurs, le gouvernement sierra léonais ne contrôle pas l’industrie du diamant et ne cherche aucune solution pour lutter contre le chômage qui touche les régions minières. Comme la réglementation n’est pas respectée et que le gouvernement se concentre sur les investissements du secteur privé, les creuseurs illégaux continuent de tirer avantage des faiblesses du système, ont souligné les observateurs.

« Ils sont en train de détruire notre environnement », a déclaré M. Tongo. « Si les choses ne changent pas et si le gouvernement refuse de régler ces problèmes, on peut s’attendre à un regain de violence dans les années à venir », a-t-il conclu.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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