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La difficile problématique de la gestion des ordures ménagères

[Senegal] Siam Gueye taking his daily stroll in the Mbeubeuss rubbish dump outside Dakar. [Date picture taken: 07/23/2006] Kelly Di Domenico/IRIN
Siam Gueye takes his daily stroll through the giant Mbeubeuss rubbish dump outside Dakar.

Aussi étrange que cela puisse paraître, le vieux Siam Gueye aime se promener sur les pistes qui serpentent la décharge publique de Mbeubeuss située à environ une heure de route de Dakar, la capitale sénégalaise, et considérée comme un réel danger pour la santé de la population de la localité.

« Je suis trop vieux pour travailler maintenant. Donc je viens me promener ici », explique M. Gueye en pointant avec sa canne les déchets et boîtes de conserves qui jonchent le sol d’où s’échappe une fumée fétide.

Pendant 35 ans, le vieil homme a vécu à côté des déchets toxiques de la décharge de Mbeubeuss, un site de quélque 600 hectares qui reçoit chaque jour près de 1 200 tonnes de déchets d’origines ménagère, industrielle, chimique et hospitalière.

Selon le rapport 2005 de Pesticide Action Network (PAN) Afrique, la décharge de Dakar regorge de toxines telles que les PCB et le chlore, des produits chimiques très polluants.

Une agglomération dakaroise surpeuplée

Comme la plupart des capitales africaines, Dakar a vu sa population tripler depuis l’indépendance du Sénégal en 1960. Près de 2,5 millions de personnes vivent actuellement dans l’agglomération dakaroise, une véritable gageure pour mettre en place un système efficace de gestion des déchets, capable d’assurer à la fois la collecte des ordures et leur traitement en toute sécurité.

Cette année, des problèmes d’ordre technique et l’absence de campagne de sensibilisation à la gestion des déchets ont entraîné une interruption de la collecte des ordures ménagères. Conséquences : les tas d’ordures prolifèrent devant les devantures des maisons, les berges des plages sont transformées en dépotoirs et les terrains vagues sont recouverts d’immondices.

La plupart des villes d’Afrique de l’Ouest sont confrontées à ces problèmes. Selon les estimations de la Banque mondiale (BM), chaque ville produit annuellement en moyenne 300 000 tonnes de déchets et seuls 40 à 60 pour cent de ceux-ci sont collectés.

En 2005, des pluies d’une rare violence ont inondé certains quartiers de Dakar, faisant des dizaines de milliers de déplacés et désorganisant le système de collecte des ordures ménagères. Les autorités s’étaient alors empressées de mettre en garde la population contre les risques de maladie.

« Pendant plus d’un an, il n’y a pas eu de ramassages d’ordures. C’est inadmissible pendant la saison des pluies car cela favorise la prolifération des moustiques, du paludisme et d’autres maladies », explique Fatou-Sakho Diallo, qui vit à Liberté 6, un quartier de Dakar, où les habitants jettent leurs ordures dans les rues lorsqu’ils ne supportent plus de les voir s’entasser devant la devanture de leur maison.

Dans son programme de gestion des déchets, l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) indique que dans les centres urbains africains moins de la moitié des déchets solides est collectée et que 95 pour cent de cette collecte n’est pas traitée correctement. Généralement, ces ordures finissent dans des décharges publiques improvisées ouvertes à la périphérie de la ville, ou sur des terrains vagues, en plein cœur des centres-villes.

AMA incapable de faire face aux besoins des populations

Face à d’importants volumes de déchets et au manque d’espace pour les stocker, les autorités de la ville de Dakar ont signé en 2001 un contrat de 25 ans avec AMA-Sénégal, une société de ramassage d’ordures à capitaux italiens. Le Sénégal a ainsi pu bénéficier de financements étrangers pour la construction d’un site de transfert et d’une nouvelle décharge, et a amélioré les conditions de travail des techniciens de surface chargés du ramassage des ordures.

Mais le développement des villes, l’absence de coopération de la part des citadins, l’encombrement des rues et le mauvais état des routes qui mènent à Mbeubeuss semblent expliquer les déconvenues de la société AMA.

En 2005, le système de ramassage des ordures ménagères s’est considérablement détérioré, explique Madani Sy le secrétaire général des techniciens de surface. « Les ordures n’étaient plus ramassées parce que nous ne disposions pas des moyens appropriés ; nous n’avions pas assez de camions ou alors ils n’étaient pas fait pour le ramassage d’ordures », explique M. Sy.

Et la population a commencé à manifester son mécontentement. Le gouvernement sénégalais a alors menacé AMA de mettre fin au contrat le liant à la société, et malgré les engagements pris par cette dernière de fournir de nouveaux véhicules pour le compactage des déchets, les ordures ménagères continuent de s’amonceler dans la ville.

Mais ces véhicules ne sont jamais arrivés, explique M. Sy et certains employés ont quitté la société parce qu’ils n’étaient pas payés.

Charretier ramassant des ordrures pour pallier l'absence des camions de la société AMA

Retour aux bons vieux procédés de ramassage des déchets

Face à l’inefficacité des systèmes modernes de collecte des ordures ménagères, la plupart des habitants sont revenus aux bonnes vieilles méthodes de ramassage de déchets. Des propriétaires de charrettes, tirées par des chevaux, sillonnent les quartiers de la ville de Dakar et offrent leur service de ramassage des poubelles en échange de quelques pièces d’argent.

« Le charretier vient jusqu’à votre porte et vous indique la somme à payer pour le ramassage de la poubelle. Généralement, il faut compter entre 1 000 et 2 000 franc CFA (2 et 4 dollars américains) », indique Diallo.

Bien que le recours aux charretiers soulage un peu les populations, ces éboueurs improvisés contribuent à aggraver le problème de l’élimination des ordures ménagères puisqu’ils abandonnent généralement leur chargement sur le bord des routes ou dans des terrains vagues.

Face aux problèmes de santé publique que posent ces accumulations des déchets, le gouvernement a décidé le 25 juillet de mettre fin au contrat liant la société AMA et le Sénégal.

« Nous avons attendu trop longtemps pour réagir. Nous prenons nos responsabilités », a déclaré le Thierno Lô, le ministre sénégalais de l’Environnement dont le ministère est désormais en charge de la collecte des ordures.

« Les gens se rendent compte que les choses bougent », a ajouté M. Lô, dont le ministère s’est donné quatre mois pour mettre en place une agence chargée de la supervision de la collecte des déchets.

Non seulement le ministère de l’Environnement sera chargé de la collecte régulière et efficace des ordures ménagères de la ville de Dakar, mais il devra également trouver une solution au désastre écologique qui se profile à Mbeubeuss.

Il y a trois ans, le gouvernement du Sénégal s’était engagé à fermer le site, mais la construction du nouveau site n’ayant pas été achevée, la décharge de Mbeubeuss est restée ouverte.

A en croire M. Lô, la société AMA a confié la construction d’une nouvelle décharge à une entreprise italienne du nom de G.I. COS qui a suspendu la construction du site en raison de factures impayées. Mais les travaux pourraient reprendre et la construction du site être achevée en 40 jours si les factures sont payées, a indiqué l’entreprise italienne.

« Dès que le nouveau site sera prêt, nous fermerons la décharge de Mbeubeuss », a précisé M. Lô.

A la recherche d'objets à recycler dans la décharge publique

Vivre du recyclage des produits de la décharge

La fermeture de cette décharge pourrait porter préjudice à tous ceux qui vivent du petit commerce de recyclage des objets récupérés sur le site.

« Je trie tous les objets en aluminium, en fer ou en bronze, ainsi que les bouteilles », explique Kalidu Ba, 38 ans, qui travaille sur la décharge depuis qu’il a l’âge de 14 ans.

Kalidu Ba a obtenu des chauffeurs de camion des société privées de ramassage d’ordures qu’ils déversent leur chargement dans la zone qu’il contrôle, ce qui augmente ses chances de trouver des objets rentables, même s’il doit parfois les récupérer à mains nues dans des déchets chimiques.

Mais comme la plupart des personnes travaillant sur la décharge, il ne semble pas préoccupé par les dangers pour sa santé.
« Si je pouvais faire autre chose, je l’aurais fait », explique Ba qui, sans préciser ce que lui rapporte son activité, a indiqué qu’il gagnait suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de sa femme et de son fils de onze ans.

Et si la décharge de Mbeubeuss fermait, explique Kalidu Ba, il compte s’installer sur le nouveau site. Une entreprise canadienne envisage de former des personnes comme M. Ba pour les faire travailler sur le nouveau site où elles pourront trier et recycler les déchets.

« S’ils nous proposent du travail, j’accepterais », souligne Ba.

Quant aux actions de sensibilisation qui seront menées dans un pays où la plupart des gens jettent leurs ordures dans les rues, elles seront déterminantes pour garder la ville propre, a indiqué M. Lô. Son ministère a déjà placé des annonces dans les journaux locaux pour informer les habitants que tout dépôt d’ordures sur la voie publique sera passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement.

« C’est une très bonne chose que les gens nettoient la devanture de leurs maisons », explique M. Diallo, en faisant référence aux nombreuses jeunes filles qui balaient chaque matin l’entrée des maisons.
« Mais si vous déposez les ordures dans la rue devant la maison, qu’est ce que cela change ? Nous devons tous contribuer à rendre la ville propre ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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