Le Président Conté limoge son Premier ministre pour faute lourde

Deux jours après avoir célébré le 22e anniversaire du coup d’Etat qui lui a permis d’accéder au pouvoir, le président Lansana Conté a levé le voile sur les dissensions politiques internes en Guinée et limogé mercredi, le Premier ministre réformiste, Cellou Dalein Diallo, quelques heures à peine après avoir annulé un décret qui aurait renforcé les compétences de M. Diallo.

Très apprécié des bailleurs de fonds internationaux et des institutions financières, M. Diallo a été nommé à la tête du gouvernement il y a seulement 17 mois.

Mardi soir, la radio nationale annonçait à deux reprises que le Président Lansana Conté avait procédé à un vaste remaniement de son gouvernement à l’issue duquel le Premier ministre avait hérité des portefeuilles de l’Economie et des finances, du Plan et de la coopération internationale, et du Contrôle économique et financier. Sept alliés de M. Diallo entraient au gouvernement, alors que 12 autres ministres étaient limogés.

Mais mercredi, à 10 heures du matin, la radio nationale a annoncé l’annulation du décret, en affirmant que « le gouvernement d’avant la date du 4 avril est maintenu ».

Moins de trois heures plus tard, Aboubacar Sidiki Coulibaly, le conseiller du Premier ministre, déclarait à IRIN que M. Diallo avait été limogé.

« Le Président de la République décrète que le Premier ministre Diallo est démis de ses fonctions pour faute lourde », a annoncé la radio nationale.

Selon une source bien informée, cette décision serait la conséquence de dissensions entre deux factions au sein du gouvernement. « Conté est malade. La personne qui dirige véritablement ce pays est Fodé Bangoura ».

El-Hadj Fodé Bangoura, le secrétaire général de la présidence et très proche collaborateur de M. Conté depuis plusieurs années, dirige une fraction au sein même du gouvernement et a joué un rôle décisif dans l’annulation du décret.

Pour Bram Posthumus, un analyste spécialiste de l’Afrique de l’ouest, ces incidents mettent en lumière la lutte de pouvoir qui a lieu dans l’entourage proche du président malade, à un moment où des candidats se battent pour sa succession.

« Pour le moment, j’interprète cela comme des manœuvres politiques au sein du gouvernement. Diallo est clairement sorti du cercle de ses compétences, mais il ne semble pas qu’il y aura d’autres changements majeurs à moins d’une vague de mécontentement public ».

Selon plusieurs indiscrétions, l’hypertension et le diabète dont souffre le chef de l’Etat ont considérablement affecté sa santé. Il apparaît rarement en public. Le Président septuagénaire a été évacué d’urgence à Genève, en Suisse, le 18 mars où il a subi des examens médicaux avant de rentrer à Conakry le 24 mars.

M. Diallo, un économiste qui a travaillé à la Banque centrale, a été nommé Premier ministre en décembre 2004. François Fall, son prédécesseur, avait démissionné en mars 2004, alors qu’il était en visite officielle à Paris, deux mois seulement après être entré en fonction. Il avait vivement critiqué l’ingérence politique et la corruption dans l’entourage du président.

Membre du gouvernement depuis près de 10 ans, M. Diallo était considéré comme l’un des vétérans de l’attelage gouvernementale du Président Conté.

Si le remaniement avait eu lieu, il aurait signifié le départ d’Alpha Ibrahima, ministre de l’emploi, d’El-Hadj Fodé Soumah, ministre de la jeunesse, de l’emploi et de la culture, et de Kiridi Bangoura, le ministre de l’intérieur, qui aurait été replacé par Almamy Kabélé Camara, un allié de M. Diallo.