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Grandeur et décadence de l'enfant terrible libérien, Charles Taylor

[Liberia] Liberian President Charles Taylor. AP Photo
Liberian President Charles Taylor.
Un an après que Charles Taylor ait lancé son mouvement insurrectionnel qui allait embraser le Libéria et s’étendre à la sous-région, faisant plus de 300 000 morts, sa mère disait de lui qu’il avait toujours été un enfant têtu.

« Je suis la mère de Charles, mais son comportement n’a rien à voir avec celui de mes autres enfants. C’est une garçon très têtu, depuis son jeune âge », confiait à la presse en 1990, Yassa Zoe Taylor, la mère de l’ancien Président libérien.

Charles Taylor est un personnage charismatique, charmeur et un frimeur, qui aime les beaux costumes. Il est né le 28 janvier 1948 dans la petite ville d’Arthington, à quelque 25 kilomètres de la Monrovia, la capitale du Liberia.

Issu d’une famille de descendants d’esclaves noirs américains qui ont créé le Liberia dans les années 1800, il a fait des études de sciences économiques au Bentley College de Boston, Massachusetts, aux Etats-Unis. Il a milité à l’Union of Liberian Associations of the Americas et a été un détracteur acharné du gouvernement libérien au sein duquel l’actuel Présidente, Ellen Johnson-Sirleaf, occupait les fonctions de ministre des Finances.

Taylor, ou Charlie pour les intimes, est rentré au Liberia à la fin des années 1970, quelques temps après le sanglant coup d’Etat militaire du sergent-chef Samuel Kanyon Doe. Des exécutions sommaires et des représailles avaient alors suivi la prise du pouvoir par l’armée qui avait assassiné le Président William R Tolbert accusé de corruption et de mauvaise gestion.

Sous le Président Doe, Charles Taylor a été nommé Directeur général de l’intendance - General Services Agency –, le responsable de toute la logistique de la Présidence, mais trois années plus tard, accusé d’avoir détourné 1 million de dollars des caisses de l’Etat, il s’enfuit aux Etats-Unis.

En dépit de son passé peu glorieux de putschiste, Samuel Doe a souvent été reçu à la Maison blanche sous la présidence de Ronald Reagan et le chef d’Etat libérien a obtenu de son homologue américain que Charles Taylor soit arrêté et extradé.

Arrêté aux Etats-Unis et détenu au centre pénitencier du Comté de Plymouth, dans le Massachusetts, Charles Taylor s’est évadé de la prison en septembre 1985, après quinze mois de détention. Les circonstances de son évasion restent encore mystérieuses. En prison, il avait sollicité les services d’un ancien ministre américain de la Justice, Ramsey Clark, l’actuel avocat de l’ex-Président irakien, Saddam Hussein.

Après son évasion, Charles Taylor a été revu en Libye, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire où il a levé des fonds et recruté des hommes pour lancer son mouvement insurrectionnel. La chronologie ci-dessous retrace le parcours de Charles Taylor, premier ancien chef d’Etat africain inculpé et poursuivi pour crimes de guerre par un Tribunal international.



1989


24 décembre 1989 – Début de la guerre civile. Le nouveau mouvement rebelle de Charles Taylor, le Front patriotique national du Liberia (NPFL) lance un mouvement insurrectionnel contre le gouvernement à partir de la Côte d’Ivoire voisine. Il s’empare de la ville frontalière de Butuo, dans le Comté de Nimba, avec l’aide de combattants formés en Libye. Charles Taylor se fait alors appeler « Tatay » - père en Gio, le dialecte local – et la plupart des miliciens acquis à sa cause sont des enfants soldats.



1990


Juin 1990 – Les combats qui opposent le mouvement rebelle de Charles Taylor et l’armée de Samuel Doe dans Monrovia provoquent la mort de nombreux civils et des déplacements massifs de population.



1991


Janvier 1991 –Charles Taylor dénonce les accords de paix en vigueur et forme un gouvernement basé dans la ville de Gbarnga au centre du Liberia. Ses forces contrôlent alors 90 pour cent du territoire libérien.



1997


19 juillet 1997 - Charles Taylor est élu Président avec 75 pour cent des suffrages, à l’issue d’élections organisées pendant un cessez-le-feu. Sa victoire est perçue comme une dernière tentative pour mettre fin au conflit.

2 août 1997 -Charles Taylor prête serment en tant que nouveau Président élu pour un mandat de six ans. Six chefs d’Etat africains assistent à la cérémonie, dont les Présidents Lansana Conté de la Guinée voisine, et Sani Abacha du Nigeria.



1998


28 juin 1998 - Charles Taylor exhorte les ressortissants libériens impliqués dans le conflit de la Sierra Leone à rentrer chez eux. L’appel de Taylor fait suite à un accord conclu à Abuja, au Nigeria, avec son homologue sierra léonais, Ahmad Tejan Kabbah, et dans lequel les deux parties s’engagent à ne plus soutenir les opposants à leur régime respectif.



1999


Juillet 1999 – Un groupe rebelle, constitué de Libériens exilés, crée une faction dissidente à Freetown, en Sierra Leone, les Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD) et s’attaque au régime de Charles Taylor.



2000


15 mai 2000 – Après l’intervention de Charles Taylor, les rebelles sierra léonais du Front uni révolutionnaire (RUF) libèrent 124 casques bleus de l’ONU retenus en otage pendant plusieurs semaines dans le maquis sierra léonais. Les Nations unies demandent à Charles Taylor d’user de son influence pour faire libérer 500 casques bleus capturés par un groupe d’enfants soldats.

19 mai 2000 – Une délégation du gouvernement américain, conduite par le Révérend Jesse Jackson et accompagnée par le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines, Howard Jeter, l’ancien envoyé spécial au Liberia, arrive à Monrovia pour rencontrer le Président Charles Taylor et trouver une solution pour mettre fin à la crise sierra léonaise.

13 juin 2000 – A la demande de la Grande-Bretagne, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union européenne bloquent un prêt de plusieurs millions de dollars accordé au Liberia, en raison de son soutien à la rébellion sierra léonaise. Le gouvernement britannique accuse alors Charles Taylor de vendre des armes au RUF en échange de diamants.

17 juillet 2000 – Thomas Pickering, Secrétaire d’Etat américain aux Affaires politiques, rencontre Charles Taylor à Monrovia et lui fait part du mécontentement de Washington à propos du rôle présumé du Liberia dans la guerre civile sierra léonaise.

Pickering indique alors que les Etats-Unis disposent d’assez de preuves sur l’implication du Liberia dans la guerre en Sierra Leone et met en garde Charles Taylor contre les graves conséquences qu’une telle implication pourrait avoir dans les relations bilatérales entre Monrovia et Washington, et le reste de la communauté internationale.
Le Président libérien se montre indigné et nie toute implication dans le conflit sierra léonais. Par ailleurs, il rejette toute tentative étrangère de museler la Sierra Leone.

19 juillet 2000 - Charles Taylor admet que son gouvernement entretient des relations avec les rebelles sierra léonais du RUF, arguant que ces relations sont « constructives et doivent être utilisées de manière positive, comme dans le cas de la libération des 500 casques bleus de l’ONU retenus en otage par les rebelles.

« J’ai toujours dit au RUF qu’après Dieu, il y avait les Nations unies et qu’il était totalement stupide de prendre en otage des membres du personnel des Nations unies ».



2001


7 février 2001 – Le gouvernement libérien annonce le départ du Liberia de Sam Bockarie - un chef de guerre sierra léonais tristement célèbre qui s’est exilé à Monrovia -, et la fermeture du bureau de liaison du mouvement RUF au Liberia.
Surnommé « Mosquito » – Moustique - pour son habilité à surprendre ses victimes, Bockarie serait l’un des instigateurs de la stratégie du RUF qui consistait à amputer les pieds et les mains des civils.

7 mars 2001 – La Résolution 1343 du Conseil de sécurité des Nations unies appelle le Liberia à cesser immédiatement tout soutien au RUF en Sierra Leone et aux autres groupes rebelles dans la région et à prendre les mesures suivantes : l’expulsion de tous les membres du RUF présents au Liberia, l’interdiction de toute activité du RUF sur le territoire libérien, la libération de toutes les personnes retenues en otage et la restitution des armes et matériels saisis aux casques bleus de l’ONU.

12 avril 2001 – Le gouvernement libérien confirme que le RUF ne dispose d’aucun compte dans les Banques commerciales du Liberia – à l’exception de l’ancien leader du RUF, Foday Sankoh, dont le compte privé à la Banque libérienne de Développement et d’Investissement serait créditeur de 500 dollars américains - .



2002


8 février 2002 - Charles Taylor décrète l’Etat d’urgence au Liberia et interdit toute réunion politique après des affrontements entre des soldats de l’armée nationale et des combattants rebelles, à l’intérieur du pays. Cette interdiction est levée sept mois plus tard, le 16 septembre.



2003


7 mars 2003 – Le juge près du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL) lance un mandat d’arrêt international contre Charles Taylor qui est poursuivi pour 17 chefs d’inculpation de crimes de guerre.

6 mai 2003 – Le gouvernement de Charles Taylor annonce la mort du célèbre chef rebelle sierra léonais Sam Bockarie, recherché par le TSSL pour crimes de guerre, et tué lors d’une fusillade à la frontière entre le Liberia et la Côte d'Ivoire. Sam Bockarie vivait à Monrovia avant sa mort.

5 juin 2003 – A l’ouverture de la conférence de paix sur le Liberia qui se tient à Accra, au Ghana – et à laquelle Charles Taylor et plusieurs chefs de la rébellion ont participé – le TSSL émet un mandat d’arrêt contre Charles Taylor.

Les autorités ghanéennes nient avoir reçu ce mandat d’arrêt et d’avoir connaissance des chefs d’accusation retenus contre le Président libérien. Avant son retour au Liberia, Charles Taylor déclare qu’il est prêt à abandonner le pouvoir si cela peut ramener la paix au Liberia.

12 juin 2003 – Au cours d’une conférence improvisée à Monrovia, Charles Taylor exige la fin des poursuites du TSSL en échange de la paix au Liberia et dans la sous-région, expliquant que le rétablissement de la « paix au Liberia dépend de cette situation particulière [son inculpation]. Elle doit être supprimée ».

Il considère son inculpation comme un « acte raciste, ayant des motivations politiques, et destiné à discréditer un chef d’Etat africain...Washington et Londres en portent la responsabilité. Ils peuvent résoudre ce problème. Ce n’est pas Taylor qui est cause, il s’agit se savoir si l’Afrique peut être libre. C’est une situation sans précédent. Demain ce pourrait être Musévéni, Kagamé, Mugabe, Gbagbo », ajoute le Président libérien, en faisant référence aux Présidents de l’Ouganda, du Rwanda, du Zimbabwe et de la Côte d'Ivoire.

6 juillet 2003 – Sous la pression des Etats-Unis et de la Communauté internationale, Charles Taylor accepte d’abandonner le pouvoir et de quitter le Liberia. Il s’exile au Nigeria où le Président nigérian Olusegun Obasanjo lui a accordé le droit d’asile.

23 juillet 2003 – Les avocats de Charles Taylor et le gouvernement libérien adressent une demande au TSSL l’invitant à mettre fin aux poursuites engagées contre l’ancien Président du Liberia, évoquant à cet effet son « immunité en tant que chef d’Etat ». La demande est rejetée par le procureur du TSSL.

10 août 2003 - Dans une allocution radio, Charles Taylor annonce sa démission prochaine et le transfert du pouvoir au Vice-président Moses Blah. Taylor critique la détermination du Président américain George Bush à le voir partir du pays, qualifiant cette politique de stupide et de préjudiciable au Liberia.

11 août 2003 - Charles Taylor démissionne et transfère le pouvoir à son Vice-président. Trois chefs d’Etat africains font le déplacement à Monrovia pour assister à la cérémonie. Taylor, tout vêtu de blanc, fait un discours enflammé qu’il ponctue par : « S’il plaît à Dieu, je reviendrai ».

4 décembre 2003 – A la demande du TSSL, l’agence Interpol émet depuis Lyon, en France, une notice rouge – Red notice – indiquant que Charles Taylor est désormais recherché par toutes les polices du monde. Le mandat d’arrêt est ensuite établi après la signature, le 3 novembre 2003, d’un accord de coopération entre le TSSL et Interpol.



2004


7 mars 2004 – Les enquêteurs du TSSL perquisitionnent le domicile privé de Charles Taylor à Monrovia pour rechercher des informations dans le cadre de la procédure engagée par le tribunal.

12 mars 2004 – La Résolution 1532 du Conseil de sécurité ordonne le gel des avoirs économiques et financiers de Charles Taylor – y compris ceux de sa femme, de ses enfants et de certains proches collaborateurs – pour empêcher qu’ils ne se livrent à des activités susceptibles de constituer une menace pour la paix et la stabilité du Liberia et de la sous-région.

16 mars 2004 – Les avocats de Charles Taylor adressent une requête à la Cour Suprême du Liberia demandant l’arrêt des perquisitions au domicile de l’ancien Président, mais la Cour rejette la requête.

12 avril 2004 - Gyude Bryant, le Président du gouvernement libérien de transition affirme que le Charles Taylor doit rester au Nigeria.

« Le gouvernement de transition ne demandera pas l’expulsion de Charles Taylor du Nigeria. Sa présence dans ce pays a été négociée dans le cadre du processus de paix ».

31 mai 2004 – LE TSSL rejette la requête des avocats de Charles Taylor qui demande qu’un non-lieu soit prononcé pour les charges retenues contre lui.

24 juin 2004 - Emyr Jones Parry, chef de la délégation du Conseil de sécurité de l’ONU en tournée en Afrique de l’ouest, déclare à Monrovia que l’arrestation M. Taylor et sa comparution devant la justice n’est qu’une question de temps. Il ne peut y avoir d’impunité pour Charles Taylor.

6 juillet 2004 – Le gouvernement libérien de transition rejette une pétition de plusieurs groupes locaux de défense des droits de l’homme qui lui demandent de faire pression sur le gouvernement nigérian pour qu’il livre Charles Taylor afin qu’il comparaisse devant le TSSL. Pour le Parlement, « autoriser la comparution de M. Taylor devant le tribunal de Freetown, en Sierra Leone, menacerait le processus de paix (libérien) ».



2005


4 juillet 2005 – Le gouvernement de transition demande une révision de l’accord d’exil de l’ancien Président Charles Taylor et l’accuse de violer les conditions du droit d’asile au Nigeria en téléphonant quotidiennement au Liberia et en donnant des instructions à certains de ses partisans qui pourraient menacer la paix au Liberia et dans la sous-région.

28 juillet 2005 – Dans un communiqué conjoint, le Président libérien par intérim, Gyude Bryant, le Premier ministre guinéen, Cellou Diallo, et le chef d’Etat sierra léonais, Ahmad Tejan Kabbah, demandent la révision de l’accord d’asile de Charles Taylor au Nigeria, évoquant de nombreuses s ingérences qui pourraient menacer la paix dans la sous-région.



2006


5 mars 2006 – La Présidente libérienne Ellen Johnson-Sirleaf adresse une requête à son homologue nigérian demandant que Charles Taylor soit livré au TSSL afin d’y être jugé.

17 mars 2006 – Le bureau de la Présidence nigériane confirme la demande d’extradition de l’ancien chef de guerre, Charles Taylor, formulée par la Présidente libérienne.

25 mars 2006 – Le Président nigérian,Olusegun Obasanjo, dépêche un envoyé spécial pour informer la Présidente Ellen Johnson-Sirleaf que le « gouvernement du Liberia est libre de récupérer et d’incarcérer » l’ancien Président Charles Taylor.

27 mars 2006 – La Présidente du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, annonce aux chefs religieux à Monrovia que son gouvernement n’a pas les moyens d’extrader Charles Taylor à Monrovia, mais que le TSSL qui l’a inculpé doit assumer cette responsabilité.

28 mars 2006 – Un communiqué de la Présidence nigériane annonce la capture de Charles Taylor qui avait disparu la veille de sa luxueuse résidence de Calabar, dans le sud-est du Nigeria.

29 mars 2006 – La police nigériane confirme l’arrestation de Charles Taylor dans le Nord du Nigeria, près de la frontière avec le Cameroun. M. Taylor est transféré rapidement à Abuja, la capitale, à bord d’un avion, avant de prendre la destination du Liberia. Il est arrêté et menotté par des éléments des Forces de la MINUL – Mission des Nations unies au Liberia – à son arrivée à l’aéroport de Monrovia, au Liberia, puis transféré en hélicoptère en Sierra Leone où il est incarcéré dans la prison du TSSL.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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